Depuis la suppression des commissions d’admission à l’aide sociale le 1er janvier 2007, il incombe au président du conseil général ou au préfet, selon leurs champs de compétences respectifs, de décider d’une récupération. L’action en récupération obéit à une certaine procédure, le recours ne pouvant être engagé que si les délais de prescription ne sont pas forclos. Pour garantir les recours en récupération, le président du conseil général ou le préfet peuvent inscrire une hypothèque légale sur les immeubles appartenant au bénéficiaire de l’aide sociale.
A. L’OUVERTURE DU RECOURS EN RÉCUPÉRATION
Le président du conseil général ou le préfet décide de l’opportunité de l’action en récupération et fixe le montant des sommes à récupérer (CASF, art. R. 132-11). Ils disposent en la matière d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation (1) qu’ils exercent en équité au regard de la situation des héritiers donataires et légataires. Cette appréciation est soumise au contrôle du juge de l’aide sociale.
En tout état de cause, cette décision ne peut intervenir qu’après le versement effectif des sommes à récupérer. Le président du conseil général ou le préfet ne peut décider d’office lorsqu’il attribue une prestation d’aide sociale que cette dernière sera récupérée sur la succession du bénéficiaire (2).
Lorsqu’elle est possible, la récupération ne peut être écartée au seul motif d’une méconnaissance par les bénéficiaires de l’aide sociale (ou de leurs héritiers) du caractère récupérable des prestations. La jurisprudence reste sur ce point unanime et fait prévaloir le principe selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » pour rejeter toute argumentation se fondant sur le défaut d’informations (3).
B. L’ÉTENDUE DU RECOURS EN RÉCUPÉRATION
Par ailleurs, l’action ne peut être engagée qu’à l’encontre de sommes pour lesquelles un texte prévoit la récupération (4). Pour les prestations d’aide sociale légale, cette disposition est nécessairement d’origine légale ou réglementaire. Pour les prestations extralégales, elle résulte d’une mention expresse dans le règlement départemental d’aide sociale. En l’absence de dispositions particulières permettant la récupération mentionnées dans le règlement départemental d’aide sociale, l’action de la collectivité ne peut aboutir (5). En outre, les sommes pouvant faire l’objet de la récupération ne peuvent être supérieures à celles effectivement perçues par le bénéficiaire de l’aide sociale (CASF, art. R. 132-11).
En revanche, les magistrats des juridictions d’aide sociale disposent d’un large pouvoir pour contrôler l’opportunité et l’étendue du recours en récupération. La seule circonstance que la famille ait assumé les frais d’hébergement en centre de long séjour de l’épouse du donateur n’est pas, par elle-même, en l’absence de toute précision de la donataire sur une situation financière éventuelle, de nature à justifier une modération de la dette (6). En revanche, le montant de la récupération peut être modéré s’il apparaît que le donataire d’un bénéficiaire de l’aide sociale se trouve dans de grandes difficultés financières et vit, en l’espèce, dans une caravane (7) ou que l’enfant du bénéficiaire des prestations lui a apporté une aide importante (8). De même, dans le cas particulier d’une donation en nue-propriété d’un bien immobilier dont le donataire a conservé l’usufruit, les juges ont estimé que la récupération devait être reportée au décès du donataire afin d’éviter un trouble dans la jouissance de l’habitation (9).
C. LA FORCLUSION DE L’ACTION
Le recours ne peut être engagé que pour autant que les délais de prescription ne soient pas forclos. En la matière, la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (C. civ., art. 2224) (10).
Le point de départ de ce délai est en conséquence fixé au jour où s’est ouvert le recours en récupération pour la collectivité (11), c’est-à-dire celui auquel elle a été informée d’un événement ou elle aurait dû l’apprendre.
D. LE RECOUVREMENT DE LA DETTE
Par ailleurs, le recouvrement de la dette s’effectue comme en matière de contribution directe (CASF, art. L. 132-11). La récupération est réalisée grâce à l’émission d’un titre de recette par la collectivité concernée, qui est exécuté par les services du Trésor. Il ne peut avoir lieu par compensation sur les prestations dues pour l’avenir, cette possibilité n’étant envisageable que dans le cadre d’une action en répétition de l’indu (12).
TABLEAU 1
E. L’INSCRIPTION D’UNE HYPOTHÈQUE LÉGALE
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 132-9 et R. 132-13 à R. 132-16]
Pour garantir les recours en récupération, le préfet ou le président du conseil général, débiteur d’aide sociale selon leurs compétences respectives, peuvent inscrire une hypothèque sur les immeubles appartenant aux bénéficiaires de l’aide sociale. Il s’agit donc d’une simple faculté à disposition des collectivités publiques et non d’une obligation.
Les bordereaux d’inscription doivent mentionner le montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. Etant précisé qu’aucune inscription n’est possible lorsque la valeur totale des biens de l’intéressé est inférieure à 1 500 €.
En principe, l’inscription d’une hypothèque légale est applicable à l’ensemble des prestations d’aide sociale. Cependant, les prestations d’aide sociale à domicile et la prise en charge du forfait journalier ne sont pas garanties par ce mécanisme.
Dans le même esprit, bien que l’article L. 132-9 du code de l’action sociale et des familles ne prévoit aucune restriction quant à l’utilisation de l’hypothèque comme garantie des créances d’aide sociale, il apparaît, en pratique, impossible de garantir un recours contre les donataires et les légataires par le biais d’une inscription hypothécaire. En effet, l’hypothèque ne peut être inscrite que sur les biens appartenant au bénéficiaire de l’aide sociale. Or, dans le cas du recours contre le légataire ou le donataire, ces biens ont déjà quitté son patrimoine.
La mainlevée de l’hypothèque peut être faite soit d’office, soit à la requête du débiteur par décision du président du conseil général ou du préfet. Cette décision intervient au vu des pièces justificatives soit du remboursement de la créance garantie, soit d’une remise accordée par une décision de non récupération prononcée par les juridictions de l’aide sociale (CASF, art. R. 132-16).
L’ensemble des contestations relatives à cette inscription et à sa mainlevée éventuelle relève de la compétence des juridictions de l’aide sociale, et non du juge judiciaire (13).
(1)
Comm. centr. aide soc., 28 avril 2000, n° 971585, BO CJAS n° 2000/5 ; Comm. centr. aide soc., 22 juin 2000, n° 981885, BO CJAS n° 2000/5.
(2)
Comm. centr. aide soc., 15 mars 1988, n° 24/87.
(3)
Conseil d’Etat, 25 avril 2001, req. n° 214252, BO CJAS n° 2001/4.
(4)
Comm. centr. aide soc., 11 janvier 1991, n° 901667.
(5)
Comm. centr. aide soc., 20 décembre 2001, n° 992461, BO CJAS 2002/2.
(6)
Comm. centr. aide soc., 28 juin 2000, n° 971622, BO CJAS n° 2000/6 ; Conseil d’Etat, 30 mars 2001, n° 208934.
(7)
Comm. centr. aide soc., 31 janvier 2006, n° 050298, BO CJAS n° 2006/2.
(8)
Comm. centr. aide soc., 16 mars 2005, n° 030032, BO CJAS n° 2005/5.
(9)
Comm. centr. aide soc., 15 janvier 2004, n° 001082, BO CJAS n° 2004/4.
(10)
La prescription trentenaire applicable avant le 17 juin 2008 reste applicable aux recours ouverts entre le 18 juin 1978 et le 18 juin 1983 (loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, JO du 18-06-08, art. 26).
(11)
Conseil d’Etat, 25 novembre 1998, req. n° 189552, consultable sur www.legifrance.gouv.fr
(12)
Comm. centr. aide soc., 19 juin 2001, n° 000023, BO CJAS n° 2001/12.
(13)
Conseil d’Etat, 1er décembre 1989, req. n° 80306, disponible sur www.legifrance.gouv.fr