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EN PRIORITÉ, LA FAMILLE

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La protection des majeurs « est un devoir des familles et de la collectivité publique » (C. civ., art. 415, al. 4). Le principe de primauté de la famille a été réaffirmé par le législateur de 2007 qui a mis en place, à l’intention des proches, une aide aux tuteurs familiaux afin de les aider dans l’exercice de leur mission.


A. UNE NOTION DE « FAMILLE » ET DE « PROCHE » À GÉOMETRIE VARIABLE

Comme le relève Florence Fresnel, docteur en droit, la notion de famille dans le cadre de la protection des majeurs « est à géométrie variable » (1). De fait, que faut-il entendre par « famille » ou « proche » du majeur protégé ?
Pour l’article 430 du code civil, qui liste les personnes pouvant demander l’ouverture d’une mesure de protection judiciaire, il s’agit du conjoint, du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin, à condition que la vie commune n’ait pas cessé entre eux, ainsi que de tout parent, allié ou personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables.
De son côté, l’article 449 du code civil qui énumère les personnes pouvant être désignées comme tuteur ou curateur évoque, comme le précédent, le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux, mais aussi tout parent ou allié. Elle cite, en revanche, la « personne résidant avec le majeur protégé et entretenant avec lui des liens étroits et stables ». Une exigence supplémentaire est donc posée : celle de la cohabitation.
Dans le code de procédure civile, cette fois, l’article 1218-1 mentionne l’« entourage du majeur à protéger » même si elle renvoie à l’article 430 du code civil.
Dès lors, pour Florence Fresnel, « la seule preuve à apporter pour être membre de cette “famille du majeur à protéger” est l’affection et l’intérêt que la personne à l’origine de la requête porte à celui qu’elle tient à protéger contre lui-même en se faisant connaître du juge des tutelles ». Cette définition reprend la recommandation R (99) 4, adoptée par le comité des ministres du Conseil de l’Europe le 23 février 1999, qui, en son article 10, dispose qu’il « conviendrait de consulter, dans la mesure de ce qui est raisonnable et possible, les personnes ayant un intérêt particulier au bien-être du majeur concerné, qu’il s’agisse de son représentant, d’un membre proche de sa famille ou d’autres personnes » (2).


B. LE RÔLE DE LA FAMILLE

La loi du 5 mars 2007 met en avant le rôle primordial de la famille dans la protection des personnes majeures atteintes d’une altération de leurs facultés personnelles, tant dans le cadre des mesures d’accompagnement que dans celui des mesures de protection juridique.


1. DANS LE CADRE DE LA MESURE D’ACCOMPAGNEMENT JUDICIAIRE

[Code civil, article 495]
La mesure d’accompagnement judiciaire ne peut être prononcée à l’égard d’une personne mariée lorsque l’application des règles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux permet une gestion satisfaisante des prestations sociales de l’intéressé par son conjoint.
Cette condition est la traduction du principe de subsidiarité applicable à l’ensemble des régimes de protection des majeurs. Or, justement, les dispositions relatives aux droits et devoirs respectifs des époux, définies aux articles 217 à 220-1 du code civil, autorisent l’un d’eux à agir pour le compte et au nom de l’autre dans des circonstances déterminées, après avoir reçu mandat de celui-ci ou sur autorisation du juge.


2. DANS LE CADRE DES MESURES JUDICIAIRES DE PROTECTION

[Code civil, articles 415 et 453]
La loi du 5 mars 2007 fait de la protection des majeurs d’abord un devoir des familles. L’obligation des membres de la famille envers un majeur atteint d’une altération de ses facultés se traduit notamment par le renforcement du principe de priorité familiale dans le choix du tuteur ou du curateur.
Dans ce cadre, c’est le conjoint au sens large – l’époux, le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin – qui arrive en première ligne. Plusieurs dispositions du code civil l’attestent.
Tout d’abord, selon l’article 428 du code civil, la mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge si l’application des règles relatives aux droits et devoirs des époux et les règles des régimes matrimoniaux peuvent suffire (cf. supra, chapitre II).
Ensuite, le conjoint apparaît en seconde place (derrière la personne qu’il y a lieu de protéger) dans la liste des personnes autorisées à déclencher l’ouverture d’une mesure de protection (C. civ., art. 430).
Enfin, dans le cadre de la tutelle ou de la curatelle, lorsque la personne protégée n’a pas exprimé de choix sur la désignation du tuteur ou du curateur, cette mission échoit en priorité à l’époux, au partenaire d’un pacte civil de solidarité ou au concubin (C. civ., art. 449).
Une réserve doit toutefois être mentionnée : la communauté de vie ne doit pas avoir cessé entre eux. Solution logique, selon Guillaume Kessler et Vivien Zalewski, car « une opposition d’intérêts peut être présumée dans une telle hypothèse ». En tout état de cause, « la primauté accordée au conjoint est justifiée notamment par l’exclusion de l’intrusion d’un tiers dans la vie du couple ». « Le devoir de protection du conjoint est ainsi l’une des illustrations de l’assistance que doivent s’apporter les époux, ce qui justifie, par ailleurs, [NDLR : conformément à l’article 453 du code civil] que le conjoint, tout comme le partenaire du pacte civil de solidarité et les enfants de l’intéressé, soient tenus de conserver la curatelle et la tutelle au-delà de cinq ans » (3).
Outre le conjoint au sens large, les autres membres de la famille, voire les proches, ont également un rôle important au travers de la faculté qu’ils ont de déclencher l’ouverture de la mesure de protection et par le fait qu’ils seront désignés, en l’absence de conjoint, pour prendre en charge la tutelle ou la curatelle. Et ce, avant la désignation d’un professionnel. Sont plus précisément concernés dans les textes, « un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé et entretenant avec lui des liens étroits et stables » (C. civ., art. 449).
Même si elle n’est pas désignée en tant que tuteur ou curateur et que la mesure est confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, la famille joue un rôle tout au long de l’exécution de la mesure. Par exemple, le mandataire doit remettre une notice d’information à la personne protégée. Mais si celle-ci n’est pas en état d’en mesurer la portée, le mandataire judiciaire doit transmettre ce document en priorité à un membre du conseil de famille s’il a été constitué ou, sinon, « à un parent, un allié ou une personne de son entourage dont il connaît l’existence » ou au subrogé curateur ou subrogé tuteur (CASF, art. L. 471-6 et D. 471-7) (cf. infra, section 3).


3. DANS LE CADRE DU MANDAT DE PROTECTION FUTURE

Dans le cadre du mandat de protection future, « le rôle de la famille est [...] considérablement atténué : l’individualisme prend ainsi de prime abord le pas sur la solidarité familiale » (4).
En outre, l’articulation des règles relatives au régime matrimonial avec celles qui portent sur le mandat de protection future ne sont pas très claires (sur ce point, cf. supra, chapitre II, section 3). Le code civil prévoit seulement que le juge des tutelles, saisi par toute personne intéressée – et cela peut être le conjoint –, a la possibilité de révoquer un mandat de protection future lorsque les règles du droit commun de la représentation ou celles qui sont relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux apparaissent suffisantes pour qu’il soit pourvu aux intérêts du mandant par son conjoint avec qui la communauté de vie n’a pas cessé (C. civ., art. 483).


C. L’AIDE AUX TUTEURS FAMILIAUX

Conséquence de cette reconnaissance du rôle de la famille, la loi du 5 mars 2007 pose le principe d’une aide aux tuteurs familiaux. Sont plus précisément concernés les membres de la famille ou les proches désignés en tant que tuteurs et curateurs d’une personne protégée.
Elle consacre donc « le service d’aide aux tuteurs familiaux que juges et associations ont parfois créé dans certaines villes pour éviter les démissions si fréquentes de ces tuteurs » (5).
Aucun financement de ce dispositif n’est toutefois prévu.


1. LE DROIT À UNE INFORMATION...

[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 215-4, R. 215-14, R. 215-15 et R. 215-17]
Les personnes appelées à exercer ou exerçant une mesure de protection juridique dans le cadre d’une curatelle ou d’une tutelle bénéficient, à leur demande, d’une information.
Pour ce faire, elles doivent s’adresser aux greffes des tribunaux d’instance et de grande instance. Ces derniers doivent alors leur remettre une liste des personnes et des structures qui délivrent cette information. Cette liste est établie et mise à jour par le procureur de la République après avis des juges des tutelles de son ressort.
Cette information est alors délivrée sous la forme d’un document ou sur Internet. Plus précisément, elle doit comporter un certain nombre d’indications :
  • un rappel du fait que la protection d’une personne vulnérable est d’abord un devoir des familles, et subsidiairement une charge confiée à la collectivité publique ;
  • une explication précise du contenu des principes fondamentaux de la protection juridique, à savoir les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité (cf. supra, chapitre II, section 1, § 1) ;
  • une présentation de la législation sur la protection des personnes majeures vulnérables ;
  • le contenu de la charte des droits et libertés de la personne majeure protégée figurant à l’annexe 4-3 du code de l’action sociale et des familles (cf. infra, section 3) ;
  • la description du contenu des mesures de protection juridique des majeurs ;
  • l’énoncé des droits et obligations de la personne chargée d’exercer la mesure de protection.
L’information ainsi délivrée doit être objective et impartiale. Elle n’a pas pour objet d’influencer la personne qui la reçoit dans les décisions relatives à la situation personnelle, patrimoniale, financière et économique de la personne protégée.


2. ... et À UN SOUTIEN TECHNIQUE

[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 215-4, R. 215-16 et annexe 4-6.]
En outre, à sa demande, l’intéressé peut bénéficier d’un soutien technique.

a. La nature de ce soutien

Ce soutien technique consiste en :
  • une information personnalisée sur les conséquences pour la personne à protéger de l’application de la législation relative à la protection juridique des majeurs ;
  • et une aide technique dans la formalisation des actes de saisine de l’autorité judiciaire et dans la mise en œuvre des diligences nécessaires à la protection des intérêts de la personne protégée. Cette aide comprend notamment :
    • une aide à la réalisation de l’inventaire prévu à l’article 503 du code civil (cf. supra, chapitre II), à la rédaction et à la mise en forme de requêtes ainsi qu’à la reddition des comptes de gestion (annuels, définitifs, récapitulatifs),
    • une aide à la rédaction et à la mise en forme des courriers nécessaires à l’exercice des mesures de protection,
    • la vérification de la conformité des documents à produire au juge des tutelles,
    • l’orientation des personnes soutenues dans les différentes démarches à accomplir pour l’acquisition, la reconnaissance ou la défense des droits de la personne protégée.

b. Un soutien apporté par une personne physique ou une structure

Ce soutien technique peut être apporté par des personnes physiques et des structures inscrites sur la liste établie et mise à jour par le procureur de la République après avis des juges des tutelles de son ressort.
Si la personne physique ou la structure souhaitent réaliser des actions de soutien conjointement avec des tiers, elles doivent alors passer une convention avec eux pour en préciser les modalités de mise en œuvre.
Si c’est une personne physique qui apporte ce sou-tien, elle doit satisfaire à certaines conditions de l’annexe 4-6, I, du code de l’action sociale et des familles. Autrement dit, elle doit :
  • justifier de la possession d’un diplôme ou titre de niveau III inscrit au répertoire national des certifications professionnelles ;
  • avoir les compétences techniques et les qualités relationnelles nécessaires à l’activité de soutien technique ;
  • remplir les conditions prévues à l’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles. Selon cette disposition, nul ne peut exploiter ni diriger l’un quelconque des établissements, services ou lieux de vie et d’accueil régis par le code de l’action sociale et des familles, y exercer une fonction à quelque titre que ce soit, ou être agréé au titre des dispositions de ce code s’il a été condamné définitivement pour crime ou à une peine d’au moins deux mois d’emprisonnement sans sursis pour les délits suivants :
    • atteintes à la vie de la personne, à l’exclusion des atteintes involontaires causées par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement,
    • atteintes à l’intégrité physique et psychique de la personne à l’exception des atteintes involontaires causées par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement,
    • mise en danger de la personne,
    • atteintes aux libertés de la personne,
    • atteintes à la dignité de la personne (discrimination, traite des êtres humains, proxénétisme, prostitution de mineurs...),
    • atteintes aux mineurs et à la famille (délaissement de mineur, abandon de famille, mise en péril des mineurs...),
    • atteintes aux biens (appropriations frauduleuses telles que les vols, l’extorsion, l’escroquerie... et le recel),
    • recel et infractions assimilées ou voisines,
    • corruption passive et trafic d’influence commis par des personnes exerçant une fonction publique,
    • soustraction et détournement de biens,
    • corruption active et trafic d’influence commis par les particuliers,
    • entraves à l’exercice de la justice,
    • faux,
    • provocation au délit d’usage illicite de substances ou plantes classées comme stupéfiants.
En tout état de cause, l’intervention de la personne physique qui apporte son soutien ne peut être que ponctuelle. En outre, elle ne peut constituer d’archive nominative concernant la personne protégée et la mesure dont elle fait l’objet. Elle est tenue au secret.


(1)
Fresnel F., « Le rôle de la famille dans le cadre de la nouvelle loi sur la protection des majeurs », Actualité juridique famille, n° 01/2009, janvier 2009, p. 16.


(2)
Fresnel F., préc.


(3)
Kessler G. et Zalewski V., « Le principe de la primauté de la famille, après la réforme des incapacités par la loi du 5 mars 2007 », Revue Lamy Droit civil, n° 41, septembre 2007, p. 35.


(4)
Kessler G. et Zalewski V., préc.


(5)
Fossier T., « Le droit des tutelles après sa réforme : nouvelle branche du droit de l’action sociale ? », RDSS, n° 4/2007, juillet-août 2007, p. 679.

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