La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs maintient les mesures de curatelle et de tutelle tout en les simplifiant et en les réorganisant. A l’inverse de la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle constituent des régimes de protection durable du majeur.
La loi définit un certain nombre de règles communes à ces deux mesures. Ainsi, selon le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Emile Blessig, « il est donc mis fin au dispositif actuel qui, en distinguant plusieurs modalités d’exercice de la tutelle ou de la curatelle, définit des régimes différents, régis par des pouvoirs, des règles de responsabilité et un mode de rémunération propres, et aboutit à un système particulièrement complexe et soumis à des interprétations divergentes » (1).
Si la tutelle constitue un degré de protection supérieure à la curatelle, les dispositions qui lui sont applicables seront présentées avant celles de la curatelle dans les développements qui suivent pour faciliter la compréhension. En effet, le code civil explicite certaines missions du curateur par comparaison à celles du tuteur.
A. LES RÈGLES COMMUNES
1. LES FINALITÉS DE CHAQUE MESURE : REPRÉSENTATION ET ASSISTANCE
[Code civil, article 440 ; circulaire CIV/01/09 du 9 février 2009, à paraître au B.O.M.J.]
La loi définit les objets respectifs de la curatelle et de la tutelle.
Ainsi, la curatelle a pour objet d’assister ou de contrôler, de façon continue et dans les actes importants de la vie civile, le majeur qui, sans être hors d’état d’agir lui-même, nécessite, du fait de l’altération de ses facultés personnelles, d’être assisté ou contrôlé.
Degré de protection supérieure, la tutelle vise à représenter, de manière continue et dans les actes de la vie civile, le majeur dont l’altération des facultés personnelles rend la représentation obligatoire.
Ainsi, la loi distingue bien les notions de représentation (tutelle) et d’assistance (curatelle) dans le souci de respecter le principe de proportionnalité. Toutefois, si la définition des mesures tient bien compte de cette différence, la distinction de leurs effets n’est pas toujours nette, surtout lorsque la curatelle est renforcée.
La loi indique en outre clairement que la tutelle et la curatelle sont des régimes de protection durable par opposition à la sauvegarde de justice, régime de protection par nature temporaire. S’agissant de la curatelle, la loi précise qu’elle couvre seulement les actes les plus importants, ce qui ne figurait pas dans la définition antérieure.
Mais la principale innovation du texte tient à l’affirmation d’un principe de subsidiarité entre les trois régimes de protection judiciaire. Désormais, le juge ne peut prononcer une mesure qu’après avoir vérifié qu’une mesure moins « incapacitante » n’apporterait pas une protection suffisante. Autrement dit, l’ouverture d’une curatelle n’est possible qu’en cas d’insuffisance d’une sauvegarde de justice et celle d’une tutelle qu’en cas d’insuffisance d’une sauvegarde de justice et d’une curatelle.
Rappelons que le cas d’ouverture de la curatelle pour prodigalité, intempérance ou oisiveté a été supprimé par la loi du 5 mars 2007. Dès lors, depuis le 1er janvier 2009, lors du réexamen par le juge de la mesure ordonnée à ce titre avant cette date, sa mainlevée devra être ordonnée, « le juge conservant néanmoins la possibilité, au vu d’un certificat médical, de “convertir” cette mesure en une autre mesure de protection juridique adaptée. Si les difficultés de la personne ne sont pas liées à une altération avérée de ses facultés, et si elle perçoit des prestations sociales, le juge pourra l’inviter à contacter les services sociaux aux fins de mettre en place une mesure d’accompagnement social personnalisé » (circulaire du 9 février 2009).
2. LA DURÉE DE LA MESURE
[Code civil, articles 441 et 442]
a. Une mesure prononcée pour cinq ans
La loi du 5 mars 2007 encadre la durée initiale et les conditions de renouvellement de la tutelle et de la curatelle afin de les soumettre à des révisions régulières. Auparavant, ces deux meures étaient prononcées pour une durée indéterminée et leur cessation requerrait une mainlevée judiciaire constatant la disparition des causes à l’origine de leur prononcé.
Depuis le 1er janvier 2009, le juge doit fixer la durée de la mesure, qui ne peut excéder cinq ans. Il peut la renouveler pour la même durée.
Si le juge n’a pas prononcé son renouvellement au terme de la durée fixée, la mesure est caduque : la personne retrouve sa pleine capacité par l’effet même de la loi, sans qu’il soit nécessaire qu’un jugement le constate (cf. infra, 4). Les garanties procédurales applicables à l’ouverture de la mesure (audition, communication du dossier...) le sont également à son renouvellement.
b. Une durée parfois plus longue
[Code civil, article 442]
Toutefois, lorsque l’altération des facultés personnelles de l’intéressé n’apparaît « manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science », le juge peut renouveler la mesure pour une durée plus longue qu’il fixe. Il doit, pour ce faire, prendre une décision spécialement motivée sur avis conforme du médecin chargé d’établir le certificat accompagnant la requête.
c. Un régime transitoire
[Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, J.O. du 7-03-07, article 45, II, 1°]
Ces nouvelles règles de révision ne seront applicables aux mesures de protection judiciaire ouvertes avant le 1er janvier 2009 que cinq ans après la publication de la loi, soit à partir du 7 mars 2012. Ce report ne fait cependant pas obstacle aux demandes de mainlevée avant cette date et à la possibilité pour le juge des tutelles de revoir la mesure à l’occasion d’une demande formée dans un dossier, l’idée étant de lisser dans le temps la révision du stock des mesures en cours. Ainsi, les juges des tutelles sont censés passer en revue toutes les mesures de tutelle et de curatelle dont ils ont la charge dans ce délai. A défaut de renouvellement à l’issue de cette période, les mesures prendront fin de plein droit.
A noter
une proposition de loi du député (UMP) des Ardennes, Jean-Luc Warsmann, de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures (n° 1085) en cours d’examen au Parlement, prévoit de faire courir ce délai de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi et non plus de sa publication. En conséquence, les nouvelles règles deviendraient applicables à compter du 1er janvier 2014.
3. LES DIFFÉRENTS ORGANES DE PROTECTION
Une grande liberté est offerte dans l’organisation de la tutelle ou de la curatelle. Il est possible de désigner un ou des tuteurs ou curateurs, selon le cas, de leur adjoindre des subrogés tuteurs ou curateurs, d’opter pour des subrogés ad hoc, voire de nommer plusieurs tuteurs ou curateurs.
En outre, les conditions de désignation des personnes chargées de la curatelle ou de la tutelle sont unifiées. Ainsi, alors que le curateur était auparavant le seul organe de la curatelle, celle-ci peut, depuis le 1er janvier 2009, à l’instar de ce qui existe pour la tutelle, être constituée avec un subrogé curateur ou un curateur ad hoc. Seule la possibilité de constituer un conseil de famille demeure réservée à la tutelle.
a. Le curateur ou le tuteur
Pour exercer leurs missions de tuteur ou de curateur, les intéressés doivent remplir certaines conditions. En outre, les règles de leur désignation sont très encadrées.
1). Le cadre général de l’exercice de cette mission
[Code civil, articles 445, 452 et 453 ; décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, J.O. du 31-12-08]
a) Les conditions d’exercice de leurs charges
Sans changement, la loi du 5 mars 2007 définit les règles d’exercice des fonctions curatélaires et tutélaires par référence à celles qui sont applicables à la tutelle des mineurs, désormais prévues aux articles 395 à 397 du code civil.
Pour exercer une charge curatélaire ou tutélaire, les intéressés doivent :
- disposer de leur pleine capacité juridique, c’est-à-dire ne pas être placés sous un régime de protection ;
- ne pas avoir fait l’objet d’une interdiction d’exercer une telle charge par l’effet d’une condamnation pénale les privant de leurs droits civiques, civils et de famille ;
- ne pas être mineurs non émancipés ;
- ne pas s’être vu retirer l’autorité parentale.
Certaines règles d’incompatibilités médicales sont également posées. Ainsi, l’exercice d’une charge curatélaire ou tutélaire est interdite non seulement au médecin traitant – une interdiction déjà prévue auparavant –, mais aussi à l’ensemble des professionnels et auxiliaires médicaux qui soignent la personne protégée et aux pharmaciens.
En outre, le fiduciaire désigné par le contrat de fiducie ne peut exercer une charge curatélaire ou tutélaire à l’égard du constituant (C. civ., art. 445).
Enfin, la curatelle ou la tutelle constitue, comme avant, une charge personnelle qui engage la responsabilité de son titulaire. Ce dernier peut toutefois faire appel, sous sa responsabilité, à des tiers ne faisant pas l’objet d’une mesure de protection juridique pour accomplir certains actes dont la liste a été fixée par un décret du 22 décembre 2008. Il s’agit :
- des actes conservatoires qui permettent de sauvegarder le patrimoine ou de soustraire un bien à un péril imminent ou à une dépréciation inévitable sans compromettre aucune prérogative du propriétaire ;
- des actes regardés comme « actes d’administration » soit d’emblée, soit en fonction de circonstances d’espèce (colonne 1 des tableaux des annexes 1 et 2 du décret du 22 décembre 2008) (cf. annexe, p. 139), sous réserve qu’ils n’emportent ni paiement ni encaissement de sommes d’argent par ou pour la personne protégée.
b) Le retrait de cette charge ou les remplacements
[Code civil, article 445]
Les charges tutélaires et curatélaires peuvent être retirées en raison de l’inaptitude, de la négligence, de l’inconduite, ou de la fraude de ceux à qui elles ont été confiées. Il en est de même lorsqu’un litige ou une contradiction d’intérêts empêche le titulaire de la charge de l’exercer dans l’intérêt du majeur.
Par ailleurs, la personne à qui une charge a été confiée peut être remplacée en cas de changement important dans sa situation. Dans tous les cas, les intéressés doivent être entendus ou appelés (C. civ., art. 396).
Le retrait de la charge ou le remplacement de la personne chargée de la protection est décidé (C. civ., art. 397) :
- par le conseil de famille, en cas de tutelle dotée d’un tel organe, en ce qui concerne le tuteur ou le subrogé tuteur (voire le tuteur ad hoc) ;
- par le juge, pour la tutelle sans conseil de famille et pour la curatelle.
Ces mêmes instances se prononcent sur les éventuels empêchements à exercer les missions de tuteur ou curateur.
c) La durée de la mission
Nul n’est tenu de conserver la curatelle ou la tutelle d’une personne au-delà de cinq ans (C. civ., art. 453, al. 1). Mais il en a la possibilité. Autrement dit, la charge ainsi confiée dure au minimum cinq ans (sauf situations mettant fin à la mesure), ce qui correspond à la durée de principe de la mesure. Les intéressés peuvent, comme dans le droit antérieur, demander à en être déchargés une fois passé ce délai.
Toutefois, certaines personnes – dont la liste a été modifiée par la loi du 5 mars 2007 – sont obligées de conserver la mesure au-delà de cinq ans. Il s’agit :
- du conjoint et du partenaire pacsé du majeur protégé ;
- des enfants du majeur protégé, et non plus de l’ensemble de ses descendants ;
- des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, même s’il s’agit d’une personne physique (auparavant seules les personnes morales étaient visées).
2). La désignation du curateur ou du tuteur
Il revient au juge des tutelles de désigner le curateur, mais aussi le tuteur en l’absence de conseil de famille. Un choix régi par certaines règles.
a) Une décision du conseil de famille ou du juge...
[Code civil, articles 446 à 449 et 456]
La nomination du tuteur représente une prérogative du conseil de famille s’il a été constitué, et du juge dans le cas contraire.
La curatelle fonctionnant, dans tous les cas, sans conseil de famille, c’est toujours au juge qu’il revient de désigner le curateur.
En vue de mieux prendre en considération la volonté de la personne à protéger et de sa famille, le juge doit prendre sa décision en tenant compte des sentiments exprimés par le majeur, de ses relations habituelles, de l’intérêt porté à son égard et des recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage.
b) ... soumise à certaines règles
Plusieurs règles s’imposent dans le choix du tuteur et du curateur.
• Le respect du choix préalable du majeur à protéger
[Code civil, article 448 ; code de procédure civile, article 1255 ; circulaire CIV/01/09 du 9 février 2009]
En premier lieu, toute personne détenant encore sa capacité juridique peut désigner une ou plusieurs personnes qu’elle chargera d’exercer les fonctions de curateur ou de tuteur pour le cas où elle serait placée en curatelle ou en tutelle. Cette désignation anticipée ne peut être faite que par une déclaration devant notaire ou par un acte écrit en entier, daté et signé de la main du majeur concerné. Cette possibilité est donc bien « distincte du mandat de protection future » (2).
De même et suivant les mêmes formes, les parents ou le dernier vivant des père et mère, qui ne font pas l’objet d’une mesure de tutelle ou de curatelle, et qui exercent l’autorité parentale sur leur enfant mineur, ou qui assument la charge matérielle et affective de ce dernier devenu majeur, ont la faculté de désigner une ou plusieurs personnes chargées d’exercer les fonctions de curateur ou de tuteur à compter du jour de leur décès ou lorsqu’ils ne pourront plus continuer à en prendre soin.
Cette décision s’impose au juge, sauf si la personne désignée refuse la mission ou est dans l’impossibilité de l’exercer ou si l’intérêt de la personne protégée commande de l’écarter. En cas de difficulté le juge statue. Le juge conserve donc sa pleine liberté d’appréciation et d’évaluation de l’intérêt du majeur, y compris dans l’hypothèse où le majeur a conclu un mandat de protection future, mais que celui-ci n’a pas été mis en œuvre. En effet, le juge doit vérifier par l’instruction de la demande de protection, les raisons pour lesquelles ce mandat n’a pas été mis en œuvre alors que le mandant est touché par une altération de ses facultés. Le choix fait par le mandant à une époque où il nouait des relations de pleine confiance avec le mandataire, peut ne plus être dans son intérêt le jour où la protection devient nécessaire.
• Le principe de la priorité familiale
Si la personne n’a pas désigné, lorsqu’elle en était encore capable, de curateur ou de tuteur, c’est au juge (ou au conseil de famille, le cas échéant, en cas de tutelle) qu’il revient de prendre la décision. Certaines règles s’imposent à lui. La loi du 5 mars 2007 a, à cet égard, renforcé le principe de priorité familiale.
❍ Le conjoint, partenaire, concubin
[Code civil, article 449, alinéa 1]
Traditionnellement, l’époux est en principe le curateur ou le tuteur de son conjoint, à condition toutefois que la communauté de vie n’ait pas cessé entre eux. En effet, en cas de rupture de la vie commune, l’époux, qui a par ailleurs une autre vie affective et un lieu de résidence éloigné, ne peut donc être désigné même s’il assistait matériellement et économiquement son épouse de façon permanente depuis le début de sa maladie (3). En outre, afin de prendre en compte les situations où il n’est pas digne de confiance ou capable de gérer les biens de son conjoint, le juge a la possibilité de l’écarter.
Afin d’intégrer les nouvelles formes de conjugalité, la loi aligne la situation du partenaire pacsé et du concubin sur celle de l’époux. Ainsi, quel que soit le statut du couple, la curatelle ou la tutelle revient en priorité à la personne avec laquelle le majeur vit. Cette priorité ne joue, là encore, que si la vie commune n’a pas cessé entre eux et, comme nous l’avons vu, en l’absence de désignation par le majeur, ou par le dernier vivant de ses père et mère, d’un curateur ou d’un tuteur futur. En outre, le juge dispose du même pouvoir d’appréciation qu’avant pour écarter la personne vivant avec le majeur « pour une autre cause ».
Le « conjoint » au sens large peut alors demander à bénéficier d’une information et d’un soutien dont les grandes lignes ont été définies par décret mais qui reste encore à mettre en place en pratique (CASF, art. L. 215-4) (cf. infra, chapitre III, section 1, § 1, C).
❍ Les parents, alliés ou proches
[Code civil, article 449, alinéa 2 ; circulaire CIV/01/09 du 9 février 2009]
A défaut de mandat puis de conjoint, concubin ou partenaire pacsé, le tuteur ou le curateur peut être choisi parmi les proches du majeur. Auparavant, c’était seulement dans le cas de la tutelle que les textes permettaient au juge de désigner comme tuteur un parent ou un allié apte à gérer les biens du majeur.
Désormais, en l’absence de conjoint, de partenaire pacsé ou de concubin susceptible d’être désigné, le juge doit prioritairement nommer, et ce quel que soit le régime de protection choisi (curatelle ou tutelle) :
- un parent ;
- un allié ;
- toute personne résidant avec le majeur et entretenant avec lui des liens étroits et stables. On peut songer, par exemple, « à un pensionnaire plus jeune dans une structure d’hébergement collectif » (4). Alors que la loi de 1968 donnait au juge la liberté, en matière de curatelle, de désigner, outre le conjoint de la personne protégée, « tous autres curateurs », l’article 449 du code civil exclut la possibilité pour le juge de désigner comme curateur ou tuteur une personne proche du majeur mais qui ne réside pas avec lui (un ami de longue date, un voisin attentionné...). Dès lors, lorsque les mesures de curatelle, ouvertes avant l’entrée en vigueur de la loi, devront être renouvelées, le juge devra changer le curateur, sauf si la personne en curatelle, dans la perspective de ce renouvellement, a procédé à la désignation anticipée de son futur curateur ou tuteur, prévue par l’article 448 du code civil.
Le juge dispose néanmoins du même pouvoir d’appréciation à l’égard des proches du majeur qu’à l’égard de la personne avec laquelle il vit, puisqu’il peut invoquer une cause empêchant de leur confier la mesure. Contrairement au régime antérieur, le juge dispose d’une totale liberté pour organiser la protection et peut notamment désigner comme curateur ou tuteur un proche tout en lui adjoignant un subrogé, voire, en cas de tutelle, un conseil de famille. Pour faire son choix, il prend en considération les sentiments exprimés par le majeur, ses relations habituelles, l’intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage.
A l’instar du conjoint, du concubin ou du partenaire, les proches ou alliés peuvent également demander à bénéficier d’une information qui leur est dispensée dans les conditions fixées par les articles R. 215-14 à R. 215-17 du code de l’action sociale et des familles (cf. infra, chapitre III, section 1, § 1, C).
❍ Un mandataire judiciaire à la protection des majeurs
[Code civil, article 450]
Ce n’est que lorsque aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la tutelle ou la curatelle que le juge désignera un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, c’est-à-dire un professionnel.
Auparavant, le code civil prévoyait en effet, en cas de vacance de la tutelle ou de la curatelle (c’est-à-dire lorsque personne n’était en mesure d’en assumer la charge), que le juge la défère à l’Etat. Cette curatelle ou tutelle d’Etat pouvait ensuite être confiée soit au préfet, soit à un notaire, soit à une personne physique ou morale choisie sur une liste établie par le procureur de la République après avis du préfet. Le juge pouvait également en considération de la consistance du patrimoine à gérer, c’est-à-dire lorsque le patrimoine du majeur était peu important, décider une tutelle en gérance et la confier à un administrateur spécial. Ce dernier pouvait être une personne qualifiée figurant sur une liste établie chaque année par le procureur de la République, une association reconnue d’utilité publique, une association déclarée ou une fondation ayant une vocation sociale et figurant sur une liste établie chaque année par le procureur de la République, ou encore une personne physique ou morale agréée comme tuteur aux prestations sociales.
Désormais, un régime unique d’attribution de la mesure de protection à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, inscrit sur une liste dressée et tenue à jour par le préfet de département, est mis en place (cf. infra, chapitre III, section 1, §2, B, 2). Ce mandataire ne peut pas refuser d’accomplir les actes urgents que commande l’intérêt du majeur, et en particulier les actes conservatoires indispensables à la préservation de son patrimoine.
❍ Un préposé d’établissement
[Code civil, article 451]
Si la personne est hébergée ou soignée dans un établissement de santé ou dans un établissement social ou médico-social, et si son intérêt le justifie, le juge peut également désigner en qualité de tuteur ou de curateur une personne ou un service préposé de l’établissement inscrit sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Cette désignation est obligatoire dans certains établissements (cf. infra, chapitre III, section 2, § 2, B, 2).
Cette possibilité figurait déjà dans le droit antérieur puisqu’il était possible au juge de nommer un préposé appartenant au personnel administratif de l’établissement de traitement du majeur comme gérant de tutelle, si le patrimoine du majeur était peu important. Ce régime fonctionnait comme la tutelle en gérance confiée à un administrateur spécial.
La loi l’étend à tout établissement de santé et à tout établissement social ou médico-social qui héberge ou soigne le majeur et ne la subordonne plus à la faiblesse de son patrimoine.
Enfin, la mission confiée au mandataire s’étend à la protection de la personne du majeur (sauf décision contraire du juge), et n’est plus cantonnée, comme auparavant, à la seule gestion de ses biens.
Plusieurs voix se sont élevées contre cette disposition en arguant qu’elle serait source de conflits d’intérêts. Le préposé chargé de la tutelle d’un majeur examinera-t-il, par exemple, avec objectivité la demande de ce dernier de quitter l’établissement ? Emile Blessig, rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale, s’est voulu rassurant. « L’exercice de la mesure par un membre du personnel de l’établissement d’hébergement répond à des exigences de proximité : la personne protégée rencontre plus facilement la personne en charge de sa protection et, au-delà de la gestion patrimoniale, la prise en compte de la protection de la personne s’en trouve plus effective et plus adaptée aux attentes et besoins de la personne » (5). Pour le rapporteur au Sénat, Henri de Richemont, les risques sont réels mais la loi apporte des garanties suffisantes. En outre, il s’agit d’une simple possibilité offerte au juge qui appréciera l’opportunité d’en faire usage (6).
• La désignation de plusieurs curateurs ou tuteurs
[Code civil, article 447 ; circulaire CIV/01/09 du 9 février 2009]
Le juge peut, en considération de la situation de la personne protégée, des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, désigner plusieurs curateurs ou tuteurs pour exercer en commun la mesure de protection. La pluralité de curateurs ou de tuteurs n’implique donc pas une pluralité de mesures : la mesure reste unique et est exercée en commun, chaque curateur ou tuteur étant réputé, à l’égard des tiers, avoir reçu des autres le pouvoir d’accomplir seul les actes pour lesquels un tuteur n’aurait besoin d’aucune autorisation du juge ou du conseil de famille.
Cette solution doit permettre de répondre à la problématique des parents d’enfants handicapés. « Après s’être occupés de leur enfant ensemble jusqu’à sa majorité, ils sont soudain sommés de choisir entre eux celui qui, désormais, aura seul autorité et signature ; l’autre est écarté. Actuellement, la seule solution pour associer les deux parents est de dissocier la tutelle aux biens et la tutelle aux personnes » (7).
Toujours dans l’objectif d’adapter la mesure à la situation du majeur et à celle des personnes susceptibles de le protéger, la loi maintient la possibilité de nommer un curateur ou un tuteur chargé de la protection de la personne et un curateur ou un tuteur affecté à la gestion patrimoniale. Contrairement à la désignation de plusieurs curateurs ou tuteurs précédemment évoquée, cette possibilité aboutit à créer deux mesures, l’une pour la protection de la personne, l’autre pour la gestion du patrimoine, confiées à des personnes indépendantes et non responsables l’une envers l’autre. Le juge a cependant la possibilité d’en décider autrement et, en tout état de cause, les deux curateurs ou tuteurs ont l’obligation de s’informer mutuellement.
Enfin, un curateur ou tuteur adjoint peut être désigné pour gérer certains biens. Cette solution permet de répondre aux cas où les biens de la personne protégée nécessitent une compétence particulière que le tuteur ou le curateur n’a pas. Le curateur ou le tuteur adjoint jouit, à l’égard du curateur ou du tuteur, de la même indépendance que celle qui est prévue entre curateur ou tuteur à la personne et curateur ou tuteur aux biens, la désignation d’un adjoint ayant pour effet de soustraire certains des biens du majeur de la charge du curateur ou du tuteur.
Ces différentes possibilités devraient faciliter la prise en charge familiale, soit en associant plusieurs personnes afin de rendre la charge moins lourde, soit en répartissant les tâches entre les membres d’une même famille en fonction des affinités ou de la disponibilité de chacun, soit en divisant la mesure entre un proche du majeur plus à même d’assurer la protection de la personne et un mandataire judiciaire à la protection des majeurs plus qualifié pour gérer le patrimoine.
b. Le subrogé curateur ou le subrogé tuteur
1). Sa désignation
[Code civil, articles 454, alinéas 1 à 3, et 456]
Dans le dispositif antérieur, seule la désignation d’un subrogé tuteur était possible et seulement lorsque la tutelle était organisée avec un conseil de famille. Depuis le 1er janvier 2009, un subrogé curateur peut être désigné, cette désignation étant laissée à l’entière appréciation du juge des tutelles.
Seule la tutelle avec conseil de famille emporte, comme avant, obligation pour celui-ci de désigner un subrogé tuteur.
En cas de curatelle ou de tutelle confiée à un parent ou à un allié du majeur, pour laquelle une subrogation a été décidée, l’équilibre familial entre les lignes paternelle et maternelle doit, autant que possible, être respecté. Le conseil de famille ou, à défaut, le juge doit donc s’efforcer de choisir le subrogé dans l’autre branche que celle dont sera issu le curateur ou le tuteur. Lorsque aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer ces fonctions, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, c’est-à-dire un professionnel peut être désigné (cf. infra, chapitre III, section 1, § 2).
2). Ses missions
[Code civil, article 454, alinéas 4 à 6]
Comme le subrogé tuteur agissant dans le cadre antérieur à la réforme, le subrogé tuteur ou curateur est investi d’une mission de surveillance du curateur ou du tuteur. Cette mission, qui peut engager sa responsabilité à l’égard de la personne protégée, est définie dans des termes plus restrictifs qu’avant : il est chargé de surveiller les actes passés par le curateur ou par le tuteur, alors qu’il avait jusque-là un rôle général de surveillance de l’ensemble de la gestion. Il lui appartient, par exemple, de vérifier les comptes du tuteur (C. civ., art. 511, al. 2).
Le subrogé a, par ailleurs, l’obligation d’informer le juge des fautes qu’il relève dans l’exercice de la mission du tuteur ou du curateur sous peine d’engager sa responsabilité à l’égard de la personne protégée.
Le subrogé garde également un rôle de suppléance en cas de conflit d’intérêts : il est appelé à remplacer le curateur ou le tuteur lorsque les intérêts de celui-ci et ceux du majeur protégé s’opposent, ou en cas d’impossibilité pour le curateur ou le tuteur d’agir.
Enfin, la loi fait obligation au curateur ou au tuteur d’informer et de consulter le subrogé avant tout acte grave.
3). La fin de sa mission
[Code civil, article 454, alinéa 7]
La charge du subrogé curateur ou du subrogé tuteur cesse en même temps que celle du curateur ou du tuteur. Il est toutefois tenu de provoquer le remplacement du curateur ou du tuteur en cas de cessation des fonctions de celui-ci sous peine d’engager sa responsabilité à l’égard de la personne protégée.
c. Le curateur ou le tuteur ad hoc
[Code civil, article 455]
Il est également possible de désigner un curateur ou un tuteur ad hoc pour la protection d’un majeur. Cette désignation intervient obligatoirement lorsque aucun subrogé n’a été désigné et qu’il est nécessaire d’accomplir un ou plusieurs actes déterminés que le curateur ou le tuteur n’a pas le pouvoir de faire ou pour lesquels il est en conflit d’intérêts avec le majeur.
Il s’agit de permettre au conseil de famille ou, à défaut, au juge de régler les situations ponctuelles de conflit d’intérêts ou d’impossibilité d’agir, sans qu’il soit nécessaire d’alourdir la mesure en décidant une subrogation permanente.
Cette nomination intervient à la demande du tuteur ou du curateur voire du procureur de la République, de toute personne intéressée ou d’office.
d. Le conseil de famille des majeurs en tutelle
La loi du 5 mars 2007 ne lie plus l’institution d’un conseil de famille au régime de tutelle mais à la situation de l’intéressé.
1). Les conditions de la mise en place d’un conseil de famille
[Code civil, article 456]
Le juge peut organiser la tutelle avec un conseil de famille à deux conditions cumulatives :
- les nécessités de protection de la personne ou la consistance de son patrimoine le justifient ;
- la composition familiale et l’entourage de la personne à protéger le permettent.
La règle selon laquelle la tutelle d’un majeur était par principe exercée par un conseil de famille et, par exception, par un tuteur seul se trouve donc inversée. De fait, la pratique avait largement anticipé l’inversion des principes posés par la loi de 1968 : la lourdeur de la mise en place et du fonctionnement du conseil de famille en faisait, statistiquement, une modalité d’organisation de la tutelle de plus en plus rare (0,3 % des tutelles).
En outre, même si ces deux conditions sont remplies, l’institution d’un conseil de famille n’est qu’une simple faculté pour le juge.
2). La composition du conseil de famille
[Code civil, article 456]
Les dispositions applicables au conseil de famille instauré dans le cadre d’une mesure de protection des majeurs sont presque identiques à celles qui sont prévues pour le conseil de famille mis en place dans le cadre d’une protection à l’égard de mineurs. En effet, l’article 456 du code civil procède à un renvoi aux règles qui doivent jouer pour ces derniers (C. civ., art. 399).
Ainsi, le conseil de famille est composé d’au moins quatre membres, y compris le tuteur et le subrogé tuteur, à l’exclusion toutefois du juge (il n’y a plus de maximum). C’est ce dernier qui désigne les membres pour la durée de la tutelle en évitant, dans la mesure du possible, de laisser l’une des deux branches, paternelle ou maternelle, sans représentation. Il prend sa décision en considération des sentiments exprimés par la personne protégée, de ses relations habituelles, de l’intérêt porté à son égard et des recommandations éventuelles de ses proches et de son entourage.
Peuvent être membres du conseil de famille :
- les parents et alliés du majeur ;
- toute personne, résidant en France ou à l’étranger, qui manifeste un intérêt pour lui.
Le conseil de famille désigne ensuite le tuteur, le subrogé tuteur et, le cas échéant, le tuteur ad hoc comme le ferait le juge si le conseil de famille n’existait pas (C. civ., art. 446 à 455).
Le retrait d’une charge tutélaire d’un membre du conseil de famille ne peut être effectué sans que son titulaire ait été entendu ou appelé (C. civ. art. 397).
3). Le fonctionnement du conseil
a) Un conseil présidé par le juge, en principe
[Code civil, articles 400 et 457 ; code de procédure civile, articles 1237, 1237-1 et 1238 ; circulaire CIV/01/09 du 9 février 2009]
Le conseil de famille est présidé par le juge des tutelles. Il fonctionne donc, en principe, en sa présence.
Toutefois, le juge peut autoriser le conseil de famille à se réunir et à délibérer hors de sa présence lorsque le tuteur ou le subrogé tuteur désigné est un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Cette condition a pour but d’assurer un contrôle extérieur à la famille. A contrario, donc, lorsque la tutelle et la subrogation ont été dévolues à un proche du majeur, le conseil de famille ne pourra fonctionner qu’en présence du juge. En outre, cette modalité est seulement ponctuelle (donc ni pérenne ni définitive). Le juge est libre d’autoriser ou de refuser ce mode de fonctionnement, il peut le suggérer s’il lui paraît adapté à la situation, « notamment lorsque le conseil de famille est composé de proches du majeur entre lesquels existent une réelle capacité de dialogue et une confiance mutuelle, dans un souci commun de veiller au mieux sur la personne et sur les intérêts du majeur protégé ; [...] la présence du mandataire judiciaire à la protection des majeurs pouvant constituer une sorte de garantie de compétence sur certaines questions, et l’avantage d’un avis neutre » (circulaire du 9 février 2009).
Cette décision du juge n’est pas susceptible de recours. Les membres du conseil de famille en sont informés par le greffe.
Quand le conseil est autorisé à se réunir sans le juge, il désigne en son sein un président et un secrétaire qui ne peuvent être ni le tuteur ni le subrogé tuteur, ce qui exclut donc de la présidence et du secrétariat du conseil le mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Le président désigné exerce les mêmes missions que celles qui sont dévolues au juge en ce qui concerne la convocation, la réunion et la délibération du conseil de famille : il choisit le lieu (hors du tribunal, au domicile de l’un des membres du conseil de famille, par exemple), la date et l’ordre du jour, qui peut contenir des suggestions des membres du conseil ou de la personne protégée elle-même ; il établit ou fait établir par le secrétaire désigné les convocations des membres du conseil à la réunion. Le juge est tenu informé de l’ordre du jour de chaque réunion. Aucun délai ni aucune formalité ne sont imposés pour cette transmission, mais « il paraît prudent d’inviter le président désigné à transmettre cet ordre du jour dans les huit jours qui précèdent la réunion, et ce, par lettre recommandée ou remise au greffe », recommande la circulaire du 9 février 2009. Le magistrat garde un droit de regard puisque les décisions prises par le conseil de famille réuni hors sa présence ne peuvent prendre effet que s’il ne s’y oppose pas. Pour ce faire, le président du conseil doit remettre la délibération au greffe ou la lui adresser par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les huit jours qui suivent.
Le juge des tutelles a alors la possibilité de s’opposer à la délibération dans les 15 jours suivant la remise ou la réception de celle-ci, par ordonnance non susceptible de recours.
Tout membre du conseil de famille peut également s’opposer à la délibération dans les 15 jours de celle-ci, par requête au juge.
Dans tous les cas, le juge doit, par la même ordonnance non susceptible de recours, convoquer et réunir dans le délai de un mois le conseil de famille dont il assure alors la présidence, afin qu’il soit à nouveau délibéré sur le même objet.
Les règles tenant au respect des délais d’envoi de la convocation, au principe d’un quorum, aux modalités du vote et à la possibilité de former un recours sont alors applicables (C. proc. civ., art. 1234-1 à 1235, 1239-3) (cf. infra).
A défaut d’opposition, la délibération prend effet à l’issue de ces 15 jours à compter de la réception de la délibération par le juge.
b) La convocation du conseil de famille
[Code de procédure civile, articles 1234, 1234-1 et 1234-2]
C’est le juge des tutelles qui convoque le conseil de famille mais sa réunion est de droit si elle est requise :
- soit par deux de ses membres ;
- soit par le tuteur ou le subrogé tuteur ;
- soit par le majeur protégé.
La convocation doit alors être adressée huit jours au moins avant la date de la réunion.
Les membres du conseil de famille sont tenus de se rendre en personne à la réunion. Ceux qui, sans excuse légitime, ne s’y présentent pas encourent le retrait de leur charge tutélaire (C. civ., art. 396) (cf. supra, a).
c) Les réunions du conseil
[Code de procédure civile, articles 1234-6 et 1234-7]
Les réunions du conseil de famille ne sont pas publiques. Ses membres sont tenus à l’obligation de secret à l’égard des tiers.
Sauf si le juge l’estime contraire à son intérêt, le majeur peut assister à ces réunions, mais seulement à titre consultatif.
d) Les délibérations du conseil
[Code civil, article 400 ; code de procédure civile, articles 1234-3, 1234-4, 1234-5, 1235 et 1237-1]
Les délibérations du conseil sont adoptées par vote de ses membres. Une délibération est adoptée lorsqu’elle obtient la majorité simple des votes exprimés et doit être motivée. Le tuteur ou le subrogé tuteur, dans le cas où il remplace le tuteur, ne vote pas. En outre, en cas de partage des voix, celle du juge est prépondérante. Lorsqu’il n’y a pas unanimité, l’avis de chacun de ses membres doit être mentionné dans le procès-verbal.
Pour délibérer, un quorum est requis : au moins la moitié des membres du conseil de famille doit être présent. Si ce nombre n’est pas atteint, le juge peut soit ajourner la réunion, soit prendre lui-même la décision en cas d’urgence.
Si le juge des tutelles estime que le conseil peut se prononcer sur une délibération sans que la tenue d’une réunion soit nécessaire, il communique à chacun des membres du conseil le texte de la délibération correspondante en y joignant tous éclaircissements utiles.
Chaque membre doit alors émettre son vote dans le délai et selon les modalités impartis par le juge. Faute de remplir cette obligation, l’intéressé peut voir sa charge tutélaire retirée (C. civ., art. 396).
A l’issue de la réunion de ce conseil, chaque membre présent appose sa signature sur la délibération prise.
e) La nullité des délibérations
[Code civil, articles 402 et 456]
Les délibérations du conseil de famille sont considérées comme nulles lorsqu’elles ont été surprises par dol ou fraude ou que des formalités substantielles ont été omises. Toutefois, une nouvelle délibération supprime cette nullité.
Une action en nullité peut être exercée par :
- le tuteur ;
- le subrogé tuteur ;
- les autres membres du conseil de famille ;
- le procureur de la République.
Elle doit être exercée dans les deux ans qui suivent la délibération.
Le majeur protégé a également la possibilité de former une telle action. Dans ce cas, le délai court à compter du jour où la mesure de protection prend fin.
Dans tous les cas, la prescription ne court pas s’il y a eu dol ou fraude tant que le fait qui en est à l’origine n’est pas découvert.
Les actes accomplis en vertu d’une délibération annulée sont annulables de la même manière. Le délai court toutefois à compter de la date de l’acte en cause et non de la délibération.
4). Les missions du conseil
[Code civil, articles 401, 500, 501 et 502 ; décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, article 4]
S’il est désigné, le conseil de famille se voit transférer certaines compétences dévolues au juge, comme celle de désigner les personnes chargées d’exercer la tutelle (tuteur, subrogé tuteur et, le cas échéant, tuteur ad hoc). Il apprécie ensuite les indemnités qui peuvent être allouées au tuteur.
Il prend également les décisions et donne au tuteur les autorisations nécessaires pour la gestion des biens du majeur. Ainsi, c’est à lui que revient notamment le soin d’arrêter, sur proposition du tuteur, le budget de la tutelle. Concrètement, il détermine, en fonction de l’importance des biens de la personne protégée et des opérations qu’implique leur gestion, les sommes annuellement nécessaires à l’entretien de celle-ci et au remboursement des frais d’administration de ses biens. Le conseil de famille peut aussi autoriser le tuteur à inclure dans les frais de gestion la rémunération des administrateurs particuliers dont il demande le concours sous sa propre responsabilité.
Il peut autoriser le tuteur à conclure un contrat pour la gestion des valeurs mobilières et instruments financiers de la personne protégée. Il choisit le tiers contractant en considération de son expérience professionnelle et de sa solvabilité. Le contrat peut, à tout moment et nonobstant toute stipulation contraire, être résilié au nom de la personne protégée.
C’est également le conseil de famille qui fixe les modalités d’emploi des capitaux. A cet effet, il détermine la somme à partir de laquelle commence, pour le tuteur, l’obligation d’employer les capitaux liquides et l’excédent des revenus et prescrit toutes les mesures qu’il juge utiles quant à l’emploi ou au remploi des fonds soit par avance, soit à l’occasion de chaque opération. L’emploi ou le remploi est réalisé par le tuteur dans le délai fixé par la décision qui l’ordonne et de la manière qu’elle prescrit. Passé ce délai, le tuteur peut être déclaré débiteur des intérêts.
Le conseil de famille peut enfin ordonner que certains fonds soient déposés sur un compte indisponible. Les comptes de gestion du patrimoine de la personne protégée sont exclusivement ouverts, si le conseil de famille l’estime nécessaire compte tenu de la situa-tion de celle-ci, auprès de la Caisse des dépôts et consignations.
Par ailleurs, il lui appartient de statuer sur les autorisations que le tuteur sollicite pour les actes qu’il ne peut accomplir seul (cf. infra, B, 2, c).
Toutefois, les autorisations du conseil de famille peuvent être suppléées par celles du juge si les actes portent sur des biens dont la valeur en capital n’excède pas 50 000 €.
4. LE RENOUVELLEMENT, LA MODIFICATION ET LA FIN DE LA MESURE
[Code civil, articles 442 et 443 ; code de procédure civile, article 1233 ; circulaire CIV/01/09 du 9 février 2009]
a. Le renouvellement ou la fin de la mesure
Faute de renouvellement, la tutelle ou la curatelle prend fin à l’expiration de la durée fixée par le juge. Afin, néanmoins, de permettre une publicité de ce retour à la pleine capacité du majeur, alors qu’aucune décision judiciaire n’est prononcée et donc aucune mention au répertoire civil effectuée, l’article 1233 du code de procédure civile prévoit que lorsqu’une mesure de protection a pris fin par l’expiration du délai fixé, avis en est donné par tout moyen par le greffe du tribunal d’instance, saisi par tout intéressé, au greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est née la personne protégée aux fins de conservation au répertoire civil et de publicité par mention en marge de l’acte de naissance. Le retour à la pleine capacité du majeur sera ainsi opposable aux tiers.
b. Les modifications et aggravations de la mesure
Le juge peut, à tout moment, d’office ou à la requête des personnes habilitées demander l’ouverture de la tutelle ou de la curatelle, modifier ou faire cesser la mesure, ou encore la remplacer par une autre. Cette faculté est toutefois encadrée lorsqu’il s’agit de modifier, de faire cesser ou d’assouplir la mesure. Le juge doit ainsi :
- statuer à partir d’un certificat médical, sans que celui-ci émane obligatoirement d’un médecin expert agréé ; les dispositions relatives au contenu du certificat médical ne s’imposent donc pas (cf. supra, section 2, § 2, B) ;
- entendre la personne protégée, sauf inopportunité ou impossibilité d’une telle audition ;
- recueillir l’avis de la personne chargée de la mesure de protection.
S’il s’agit de renforcer le régime de protection, le juge ne peut statuer d’office mais nécessairement sur requête des personnes habilitées à demander la mesure de protection envisagée. Il doit statuer à partir d’un certificat médical établi par un médecin expert agréé. « Le législateur signifie par cette exigence sa volonté que l’aggravation d’une mesure de protection fasse l’objet de regards croisés : le juge doit être saisi par un tiers, ce qui permet d’enrichir son appréciation. Par renforcement ou aggravation, il convient d’entendre toute mesure qui accroît la restriction des droits par rapport à la mesure prise antérieurement : ainsi une curatelle renforcée, prononcée alors que la personne était sous curatelle simple, doit être considérée comme un renforcement de la mesure, alors que si elle succède à une mesure de tutelle, elle est considérée comme une mesure d’allégement. De même, par exemple, à l’occasion du renouvellement d’une tutelle, la suppression (désormais expressément décidée par le juge) du droit de vote doit être considérée comme une aggravation de la mesure, alors que si la personne le retrouve après en avoir été privé, il s’agit d’un allégement de la mesure ». A l’inverse, « ne sont pas considérés comme des renforcements de mesure, les aménagements de la curatelle et de la tutelle qui permettent au juge soit d’autoriser le majeur en curatelle ou en tutelle à exercer seul certains droits, soit d’autoriser le majeur en tutelle à exercer certains droits avec l’assistance de son tuteur. Il s’agit en effet de décisions qui « allègent » la restriction des droits, permettant leur exercice par le majeur » (circulaire du 9 février 2009).
c. L’éloignement territorial
La loi du 5 mars 2007 prend également en compte le cas des habitants des départements frontaliers qui, faute de places, sont accueillis dans des établissements situés hors des frontières, notamment en Belgique. Ainsi, le juge peut mettre fin à la mesure de protection juridique – sans que cela soit une obligation –, lorsque la personne protégée a fixé sa résidence hors du territoire national, si cet éloignement empêche le suivi et le contrôle de la mesure. Toutefois, cette disposition s’applique sous réserve des articles 3 et 15 du code civil qui disposent respectivement que les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les Français même s’ils résident en pays étranger, et qu’un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations qu’il a contractées en pays étranger, même avec un étranger.
d. Les autres cas de fin anticipée de la mesure
Avant son expiration, la mesure peut prendre fin dans deux dernières hypothèses :
- en cas de jugement de mainlevée de la mesure passée en force de chose jugée, c’est-à-dire non frappée de recours ;
- en cas de décès du majeur.
B. LE FONCTIONNEMENT DE LA TUTELLE
Plusieurs règles de fonctionnement de la tutelle sont prévues tant pour la gestion patrimoniale que pour les droits de la personne protégée.
1. LE RÔLE DU TUTEUR
a. Un rôle de représentation
[Code civil, article 473, alinéa 1]
Sans changement par rapport au droit antérieur, le tuteur représente le majeur protégé dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise le majeur à agir lui-même.
En ce qui concerne les actes nécessaires à la gestion du patrimoine, les pouvoirs du tuteur sont essentiellement fonction de la nature des actes : actes d’administration, actes conservatoires, actes de disposition (cf. infra, 2, a).
b. L’adaptation de la mesure
[Code civil, article 473, alinéa 2]
Le juge garde la possibilité, au moment de l’ouverture de la mesure de tutelle ou ultérieurement, d’alléger le régime de la tutelle en énumérant les actes que le majeur aura la capacité de faire lui-même, seul ou avec l’assistance de son tuteur. On parle alors de tutelle allégée.
Aucun avis du médecin traitant n’est requis contrairement au dispositif antérieur.
2. LA GESTION DU PATRIMOINE DU MAJEUR
En matière de gestion du patrimoine, sans bouleverser les règles applicables jusque-là, le dispositif est modifié en deux sens. L’évolution des mentalités a d’abord conduit le législateur à mieux prendre en compte la volonté de la personne protégée. Sur la forme ensuite, le code civil s’appuyait jusqu’ici sur un mécanisme de renvois à la tutelle des mineurs, ce qui nuisait à la lisibilité des dispositions. Pour plus de clarté, la loi a créé, dans le code civil, un titre spécifique relatif à la « gestion du patrimoine des mineurs et majeurs en tutelle ».
Sur proposition du tuteur, le juge des tutelles (voire le conseil de famille) « arrête le budget de la tutelle ». Le juge, au vu de la requête du tuteur et des pièces justificatives utiles, prévoit ainsi dans le jugement d’ouverture, ou le jugement renouvelant la tutelle, ou par une ordonnance ultérieure en cas de changement (en raison de l’évolution de la situation de la personne protégée), les sommes qui sont nécessaires pour une année, à l’entretien de la personne protégée, et au remboursement des frais d’administration de ses biens (C. civ., art. 500). Cette disposition doit permettre tant au juge qu’au tuteur de mesurer, dès le début de la protection, la répartition des revenus entre, d’une part, le règlement des charges fixes, incompressibles, mais aussi prévisibles du majeur et, d’autre part, celles qui sont laissées sur un compte indisponible ou au contraire à la libre disposition du majeur. Ce budget permettra au juge saisi par le majeur de courriers réitérés sollicitant l’augmentation de « son argent de poche » de vérifier leur pertinence (circulaire CIV/01/09 du 9 février 2009).
a. Les principes de la gestion
[Code civil, article 496 ; décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, articles 1 et 2 ; circulaire CIV/01/09 du 9 février 2009]
Comme auparavant, le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine. Alors qu’il devait antérieure-ment administrer les biens « en bon père de famille », la loi du 5 mars 2007 prévoit qu’il est désormais tenu d’apporter « des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée ».
Un décret du 22 décembre distingue, par ailleurs, dans les actes de gestion patrimoniale, entre les actes d’administration relatifs à la gestion courante du patrimoine et les actes de disposition qui engagent de manière durable et substantielle. En fonction de la nature de ces actes, les pouvoirs du tuteur en ce domaine sont variables. Il peut parfois agir sans autorisation. Dans d’autres cas, il doit solliciter une autorisation du conseil de famille ou du juge. Il lui est interdit également d’accomplir certains actes.
1). Les actes d’administration
Constituent ainsi des actes d’administration les actes d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal.
Le décret du 22 décembre 2008 liste les actes qui sont « regardés comme actes d’administration » par leur nature même. Il répertorie ensuite de manière non exhaustive et non impérative les actes qui doivent être regardés comme des actes d’administration, « à moins que les circonstances d’espèce ne permettent pas au tuteur de considérer » qu’ils répondent à la définition de l’acte d’administration « en raison de leurs conséquences importantes sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie » (cf. annexe, p. 139).
2). Les actes de disposition
Constituent des actes de disposition les actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire.
Certains actes sont regardés comme « actes de disposition » par nature. D’autres, dont la liste n’est pas exhaustive ni impérative, sont regardés comme des actes de disposition, à moins que les circonstances d’espèce ne permettent pas au tuteur de considérer qu’ils répondent à la définition de l’acte de disposition « en raison de leurs faibles conséquences sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie ». Le décret du 22 décembre 2008 liste ces différents actes (cf. annexe, p. 139).
Par exemple, le paiement des dettes est classé dans la liste des actes d’administration puisqu’il s’agit d’une obligation légale que le tuteur doit exécuter au nom de la personne protégée sans que le juge ait à l’autoriser, mais si ce paiement nécessite une amputation importante du patrimoine de la personne, il devient un acte de disposition pour lequel le tuteur sollicitera l’autorisation du juge.
b. Les actes que le tuteur accomplit sans autorisation
1). L’inventaire des biens
[Code civil, articles 503 et 514 ; code de procédure civile, article 1253]
La loi du 5 mars 2007 maintient l’obligation faite jusqu’ici au tuteur de faire procéder, en présence du subrogé tuteur s’il a été désigné, à un inventaire des biens de la personne protégée, puis de le transmettre au juge. Pour ce faire, le tuteur peut obtenir communication des renseignements et documents nécessaires auprès de toute personne publique ou privée, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire. Ces dispositions permettent notamment d’obtenir des établissements bancaires les relevés des comptes du tutélaire.
En pratique, cet inventaire doit être réalisé en présence, outre du tuteur et du subrogé tuteur, le cas échéant, de la personne protégée, si son état de santé ou son âge le permet, de son avocat le cas échéant, ainsi que, si l’inventaire n’est pas réalisé par un officier public ou ministériel (commissaire-priseur, huissier de justice), de deux témoins majeurs qui ne sont pas au service de la personne protégée (donc ni un employé, ni un soignant de celle-ci, mais tout parent, allié, ami, ou voisin voire professionnel de l’immobilier, banquier, expert...) ni de la personne exerçant la mesure de protection.
Cet inventaire doit comporter :
- une description des meubles meublants ;
- une estimation des biens immobiliers ainsi que des biens mobiliers ayant une valeur de réalisation supérieure à 1 500 € ;
- la désignation des espèces en numéraire ;
- un état des comptes bancaires, des placements et des autres valeurs mobilières.
Cet inventaire, qui doit intervenir dans les trois mois suivant l’ouverture de la tutelle (avant il devait intervenir dans les dix jours suivant la nomination du tuteur), est daté et signé par les personnes présentes.
Par la suite, il doit être actualisé afin de faciliter le contrôle de la gestion pendant la durée de la mesure.
A l’issue de cette dernière, un état actualisé des biens ainsi que l’inventaire initial devront en outre être mis à la disposition de la personne sous tutelle ou de ses héritiers.
A défaut d’établissement de l’inventaire dans le délai prescrit, ou s’il se révèle incomplet ou inexact, la personne protégée et, après son décès, ses héritiers peuvent faire la preuve de la valeur et de la consistance de ses biens par tous moyens. Il n’est donc plus prévu qu’à défaut d’inventaire dans le délai prescrit, le subrogé tuteur saisisse le juge pour y faire procéder, sous peine d’être responsable solidairement avec le tuteur de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées au profit du tutélaire.
2). Les actes conservatoires et d’administration
[Code civil, article 504, alinéa 1]
Sans changement, le tuteur a le pouvoir d’accomplir seul les actes conservatoires et d’administration nécessaires à la gestion du patrimoine de la personne protégée. Par exemple, il peut souscrire un contrat d’assurance en son nom ou payer ses dettes, ou encore exploiter ses biens et assurer la gestion courante de ses valeurs mobilières.
En ce qui concerne les actes d’administration, ces pouvoirs s’exercent toutefois sous réserve de ceux qui sont laissés à la personne protégée par le juge (C. civ., art. 473). Ainsi, en cas de tutelle allégée d’un majeur, le tuteur ne peut pas faire seul les actes pour lesquels le juge a maintenu la capacité du majeur en l’autorisant à les accomplir seul ou avec l’assistance du tuteur.
En revanche, le tuteur peut toujours faire seul des actes conservatoires parce qu’ils sont, par nature, nécessaires en tout état de cause à la préservation du patrimoine.
3). Les actions en justice relatives aux droits patrimoniaux
[Code civil, article 504, alinéa 2]
Une action relative aux droits patrimoniaux du majeur peut être introduite par le tuteur seul, c’est-à-dire sans y être autorisé par le conseil de famille ou par le juge.
c. Les actes que le tuteur accomplit avec une autorisation
Le tuteur doit obtenir une autorisation du conseil de famille ou du juge pour effectuer des actes de disposition (8).
1). Le principe
[Code civil, article 505, alinéas 1 et 2]
Comme avant, la loi du 5 mars 2007 prévoit que le tuteur ne peut, sans y être autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge, faire des actes de disposition au nom de la personne protégée. Cette règle a pour effet d’obliger le tuteur à requérir cette autorisation pour, par exemple, emprunter au nom du tutélaire ou pour aliéner ou grever de droits réels des immeubles, des fonds de commerce, des valeurs mobilières...
La loi précise le contenu de l’autorisation : le conseil de famille ou, à défaut, le juge doit déterminer les stipulations et, en cas d’aliénation d’un bien, le prix de vente ou la mise à prix. Ces exigences n’étaient jusque-là explicitement prévues que pour la vente d’un immeuble ou d’un fonds de commerce. Le tuteur n’a toutefois pas à solliciter une autorisation lorsqu’un jugement a déjà ordonné la vente forcée des biens, par exemple à la suite d’une expropriation, ou autorisé une vente amiable.
Rappelons que si l’acte concerne la vente d’un bien ayant pour finalité l’accueil du majeur protégé dans un établissement, des dispositions spécifiques s’appliquent (C. civ., art. 426, cf. supra, section 1, § 2, A, 2, b).
2). Quelques actes particuliers
[Code civil, articles 500, 505, alinéas 3 et 4, 506, 507 à 508 ; circulaire CIV/01/09 du 9 février 2009]
a) Le contrat de gestion de patrimoine
Le tuteur peut être autorisé par le juge des tutelles ou le conseil de famille à conclure un contrat pour la gestion des valeurs mobilières et instruments financiers de la personne protégée. Il choisit le tiers contractant en considération de son expérience professionnelle et de sa solvabilité. Le contrat peut, à tout moment et nonobstant toute stipulation contraire, être résilié au nom de la personne protégée. Cette disposition répond au besoin de pouvoir confier à des professionnels particulièrement qualifiés la gestion des portefeuilles importants de certains majeurs protégés. En effet, un tuteur, qu’il soit familial ou mandataire judiciaire à la protection de majeurs, n’a pas vocation à être un gestionnaire de patrimoine ; ses compétences en la matière, et sa rémunération, ne sont pas les mêmes que celles d’un professionnel travaillant dans un établissement financier et rémunéré par ses clients.
b) La vente d’immeubles, de fonds de commerce ou d’instruments financiers non cotés
Dans un souci de simplification et d’assouplissement, la loi modifie les dispositions spécifiques à la vente d’immeubles, de fonds de commerce ou d’instruments financiers non cotés en prévoyant un régime unique. Ainsi, l’autorisation de vendre ou d’apporter en société un immeuble, un fonds de commerce ou des instruments financiers non admis à la négociation sur un marché réglementé ne peut être donnée qu’après la réalisation d’une mesure d’instruction exécutée par un technicien ou le recueil de l’avis d’au moins deux professionnels qualifiés. En cas d’urgence, le juge peut, par décision spécialement motivée prise à la requête du tuteur, autoriser, en lieu et place du conseil de famille, la vente d’instruments financiers à charge qu’il en soit rendu compte sans délai au conseil qui décide du remploi.
c) Les compromis, transactions et clauses compromissoires
Par ailleurs, elle étend aux compromis (conventions spécifiquement conclues pour faire régler par un arbitrage un litige déjà né) et aux clauses compromissoires l’obligation d’autorisation actuellement prévue pour les transactions. Dès lors, le tuteur ne peut conclure une transaction ou un compromis au nom de la personne protégée qu’après avoir fait approuver par le conseil de famille, ou à défaut par le juge, les clauses de ces actes et, le cas échéant, la clause compromissoire.
d) Le partage de la succession
Le partage à l’amiable de la succession d’une personne protégée peut être fait sur autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge, qui désigne, s’il y a lieu, un notaire pour y procéder. Il peut n’être que partiel.
L’état liquidatif est soumis à l’approbation du conseil de famille ou, à défaut, du juge.
Le partage peut également être fait en justice. Tout autre partage est considéré comme provisionnel.
A noter :
l’article 1239-1 du code de procédure civile prévoit que le recours à l’encontre d’une délibération du conseil de famille ou d’une décision du juge des tutelles rendue en matière de partage amiable est ouvert au tuteur, aux membres du conseil de famille, le cas échéant, et aux autres parties intéressées au partage (cf. infra, section 5, § 1, A, 3).
e) L’acceptation d’une succession
Le tuteur ne peut accepter une succession échue à la personne protégée qu’à concurrence de l’actif net. Toutefois, le conseil de famille ou, à défaut, le juge peut, par une délibération ou une décision spéciale, l’autoriser à l’accepter purement et simplement si l’actif dépasse manifestement le passif. Cette règle s’applique par dérogation à l’article 768 du code civil qui veut que l’héritier, c’est-à-dire en l’occurrence le majeur protégé, puisse accepter la succession purement et simplement ou y renoncer.
Le tuteur ne peut renoncer à une succession échue à la personne protégée sans une autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge.
Toutefois, si la succession à laquelle il a renoncé au nom de la personne protégée n’a pas été acceptée par un autre héritier et tant que l’Etat n’en a pas pris possession, la renonciation peut être révoquée soit par le tuteur autorisé à cet effet par une nouvelle délibération du conseil de famille ou, à défaut, une nouvelle décision du juge, soit par la personne protégée devenue capable. Cette acceptation joue alors rétroactivement au jour de l’ouverture de la succession, sans toutefois remettre en cause les droits qui peuvent être acquis à des tiers sur les biens de la succession par prescription ou par actes valablement faits avec le curateur à la succession vacante (C. civ., art. 807, al. 2).
f) L’achat des biens du majeur
A titre exceptionnel et dans l’intérêt de la personne protégée, le tuteur peut, sur autorisation du conseil de famille, ou à défaut du juge, acheter les biens de celle-ci ou les prendre à bail ou à ferme. Ce droit n’est toutefois ouvert qu’aux tuteurs familiaux et exclut le mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
Pour la conclusion de l’acte, le tuteur est réputé être en opposition d’intérêts avec la personne protégée.
d. Les actes que le tuteur ne peut pas accomplir
[Code civil, article 509]
La loi du 5 mars 2007 maintient le droit antérieur en matière d’actes exclus de la gestion tutélaire, en regroupant des dispositions du code civil auparavant éparses.
Il s’agit, pour certains, d’actes interdits au tuteur en raison de leur nature. Ainsi, le tuteur ne peut jamais aliéner à titre gratuit des biens ou des droits de la personne protégée. Sont notamment visées la remise de dette, la renonciation gratuite à un droit acquis, la mainlevée d’hypothèque ou de sûreté sans paiement, la constitution gratuite d’une servitude ou d’une sûreté pour garantir la dette d’un tiers... Cette interdiction ne fait cependant pas obstacle à ce que le tuteur soit autorisé à consentir une donation au nom du majeur sous tutelle en application des dispositions spécifiques prévues en la matière (cf. infra, e).
De même, le tuteur n’est jamais autorisé à acquérir d’un tiers un droit ou une créance détenue contre la personne protégée. Cette interdiction a pour but d’éviter les spéculations aux dépens de cette dernière.
Il est en outre interdit au tuteur de se substituer à la personne protégée pour exercer un commerce ou une profession libérale.
Des actes sont également interdits en raison de l’opposition d’intérêts qu’ils susciteraient : le tuteur ne peut ni acquérir les biens de la personne protégée, ni les prendre à bail ou à ferme. Par exception, les tuteurs choisis parmi les proches de la personne protégée peuvent, à certaines conditions, acquérir un tel bien, à titre exceptionnel.
Enfin, le tuteur ne peut, même avec une autorisation, transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens ou les droits d’un majeur protégé (C. civ., art. 509, 5°).
e. Les dispositions spécifiques à certains actes
1). Les donations
[Code civil, article 476 ; circulaire CIV/01/09 du 9 février 2009]
Afin de mieux prendre en compte la volonté de la personne protégée, la loi du 5 mars 2007 élargit la capacité du majeur en tutelle à faire des donations. Depuis le 1er janvier 2009, le conseil de famille ou, à défaut, le juge des tutelles peut autoriser le tuteur à assister ou à représenter le majeur pour faire toutes donations (par exemple, à son concubin). Le juge (ou le conseil de famille) appréciera ainsi (après avoir ordonné un examen médical ou une expertise, s’il l’estime nécessaire et proportionné à l’importance de la donation) dans quelle mesure le discernement de la personne en tutelle justifie qu’elle soit seulement assistée ou bien qu’elle soit représentée à l’acte de donation.
Auparavant, il était interdit au majeur en tutelle de faire des donations. Ces dernières étaient seulement possibles au profit des descendants, du conjoint et des frères et sœurs ou de leurs descendants et ce, sur autorisation du conseil de famille. Néanmoins, l’article 909 du code civil prohibe toute donation d’une personne protégée au profit d’un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (cf. encadré ci-contre).
2). Les dispositions testamentaires
[Code civil, article 476]
En outre, la loi du 5 mars 2007 poursuit l’œuvre de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. Selon cette dernière, le majeur en tutelle pouvait faire un testament après l’ouverture de la mesure, sur autorisation du conseil de famille et avec l’assistance du tuteur, ce dernier ne pouvant le représenter.
Allant plus loin, la loi du 5 mars 2007 a précisé que le tuteur ne peut pas non plus l’assister à cette occasion, mais l’autorisation du conseil de famille ou du juge reste nécessaire.
A noter
un mandataire judiciaire à la protection des majeurs ne peut jamais profiter d’un testament fait en sa faveur par le majeur protégé (cf. encadré ci-contre).
f. Le contrôle de la gestion des biens
[Code civil, articles 497 et 499]
Une mission générale de surveillance de la gestion tutélaire est confiée au subrogé tuteur, dont le rôle est renforcé. Celui-ci est ainsi chargé d’attester auprès du juge du bon déroulement des opérations que le tuteur a l’obligation d’accomplir. Outre les actes prévus par la loi, entrent dans cette catégorie tous les actes que le conseil de famille a ordonnés. A ce titre, le subrogé tuteur atteste que l’emploi ou le remploi des capitaux est conforme aux prescriptions données par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge.
En revanche, la loi du 5 mars 2007 maintient l’irresponsabilité des tiers dans la gestion des capitaux (établissement bancaire qui laisserait s’accomplir des malversations, par exemple). Deux mesures nouvelles sont toutefois prévues :
- si, par un acte ou par une omission, c’est-à-dire par son action ou son inaction, le tuteur semble porter préjudice aux intérêts de la personne protégée, un tiers peut en aviser le juge ;
- si, l’emploi des capitaux par le tuteur compromet manifestement l’intérêt de la personne protégée, le tiers qui a connaissance des faits doit en informer le juge.
Il ne peut être fait opposition aux autorisations données par le conseil de famille ou par le juge que par les créanciers de la personne protégée et uniquement en cas de fraude à leurs droits. Avec cette dernière précision, la loi comble ainsi un vide juridique dénoncé par les praticiens.
3. LA PROTECTION DE LA PERSONNE DANS LE CADRE DE LA TUTELLE
Comme nous l’avons vu, la loi du 5 mars 2007 subordonne les décisions relatives à la personne au consentement du majeur (cf. supra, section 1, § 2, D, 2). Elle modifie également les conditions dans lesquelles celui-ci peut se marier ou conclure ou rompre un pacte civil de solidarité (PACS).
a. Le mariage
[Code civil, article 460, alinéa 2, 1397 et 1399 ; circulaire CIV/01/09 du 9 février 2009]
La loi maintient l’incapacité du majeur sous tutelle en matière de mariage mais aménage les règles applicables.
Depuis le 1er janvier 2009, le mariage d’une personne en tutelle doit être autorisé par le conseil de famille, s’il a été constitué, ou par le juge dans le cas contraire. Jusque-là, le majeur en tutelle ne pouvait se marier qu’après avoir obtenu l’autorisation soit de ses deux parents, soit d’un conseil de famille spécialement convoqué à cet effet par le juge. Comme auparavant, en revanche, l’audition des futurs époux est obligatoire, cette dernière se déroulant, conformément aux dispositions de l’article 63 du code civil, hors la présence du tuteur. En outre, le conseil de famille ou le juge peut recueillir le cas échéant, l’avis des parents et de l’entourage (et non plus un accord). Il n’est plus tenu de recueillir l’avis du médecin traitant.
Lorsque le conjoint est le tuteur, il est réputé être en opposition d’intérêts avec la personne protégée : le juge doit alors nommer un tuteur ad hoc pour les actes ou diligences nécessitant son assistance ou qui doivent lui être notifiés.
Le majeur en tutelle ne peut passer de conventions matrimoniales sans être assisté, dans le contrat, par son tuteur. A défaut de cette assistance, l’annulation des conventions peut être poursuivie dans l’année du mariage, soit par la personne protégée elle-même, soit par ceux dont le consentement était requis, soit par le tuteur.
Par ailleurs, le changement ou la modification de régime matrimonial d’une personne faisant l’objet d’une mesure de protection juridique est soumis à l’autorisation préalable du juge des tutelles ou du conseil de famille, s’il a été constitué.
b. Le PACS
[Code civil, article 462 ; circulaire CIV/01/09 du 9 février 2009]
La loi du 5 mars 2007 a supprimé l’interdiction faite aux majeurs sous tutelle de conclure ou de rompre un pacte civil de solidarité.
Toutefois, pour conclure ou modifier un PACS, le majeur sous tutelle doit obtenir l’autorisation préalable du conseil de famille ou, à défaut, du juge, qui a l’obligation d’auditionner les futurs partenaires et de recueillir, le cas échéant, l’avis des parents et de l’entourage de l’intéressé.
Ce dernier est ensuite assisté de son tuteur lors de la signature de la convention. En revanche, aucune assistance ni représentation ne sont requises pour faire la déclaration conjointe au greffe du tribunal d’instance.
De même, la personne sous tutelle peut rompre le pacte par déclaration conjointe ou par décision unilatérale. Aucune assistance ni représentation n’est requise pour l’accomplissement des formalités relatives à la rupture par déclaration conjointe. Toutefois, dans l’hypothèse où le pacte se révèle pour elle défavorable, certaines règles sont posées pour sauvegarder ses droits :
- pour être valable, la rupture unilatérale par l’autre partenaire doit être signifiée au tuteur ;
- le tuteur peut rompre lui-même le pacte, sur autorisation du conseil de famille ou du juge, après audition du majeur protégé et, le cas échéant, recueil de l’avis de ses parents et de l’entourage. Cette disposition s’appliquera au pacte conclu avant ou après l’ouverture de la tutelle ;
- les opérations de liquidation des droits et obligations entre les partenaires résultant du PACS ne peuvent être accomplies que par le tuteur, et c’est ce dernier qui représente le majeur protégé pour les opérations d’évaluation des créances entre les partenaires (C. civ., art. 515-7, al. 10 et 11).
Lorsque le partenaire du pacte civil de solidarité est le tuteur, il est réputé être en opposition d’intérêts avec la personne protégée : le juge doit alors nommer un tuteur ad hoc pour les actes ou diligences nécessitant son assistance ou qui doivent lui être notifiés.
c. Le divorce
[Code civil, articles 249, 249-1 et 249-2]
Une demande en divorce formée au nom d’un majeur en tutelle ne peut être présentée que par son tuteur, avec l’autorisation du conseil de famille, s’il a été institué, ou du juge des tutelles. Elle est formée après avis médical et, dans la mesure du possible, après audition de l’intéressé, selon le cas, par le conseil de famille ou le juge.
Si, à l’inverse, c’est l’autre époux qui souhaite divorcer du majeur en tutelle, il doit intenter son action contre le tuteur.
Si la tutelle avait été confiée au conjoint de la personne protégée, un tuteur ad hoc doit être désigné.
d. Les droits civiques
[Code électoral, article L. 5 ; code de procédure pénale, article 256, 8°]
Le juge des tutelles doit, lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, statuer sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée.
Le principe est donc celui du maintien du droit de vote, la suppression devant être explicitement décidée. Après l’abandon de la perte automatique de ce droit par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées qui a donné au juge la possibilité d’autoriser le majeur sous tutelle à voter, la loi du 5 mars 2007 va plus loin puisqu’elle impose au juge de se prononcer en toutes hypothèses.
Par ailleurs, les majeurs sous tutelle ne peuvent être jurés aux assises.
e. Les actions en justice
[Code civil, article 475]
La personne en tutelle est représentée en justice par le tuteur. L’exercice des actions relatives aux droits extrapatrimoniaux de l’intéressé est soumis à autorisation, que le tuteur agisse en demande ou en défense.
Si le tuteur reste inactif, le conseil de famille ou, à défaut, le juge, peut lui enjoindre d’introduire l’action nécessaire à la défense des intérêts du majeur, sous peine de voir engager sa responsabilité personnelle.
Si, au contraire, le tuteur est allé trop loin, le conseil de famille ou le juge peut lui enjoindre de se désister ou de faire des offres pour transiger.
C. LE FONCTIONNEMENT DE LA CURATELLE
1. LE RÔLE DU CURATEUR
a. Le principe
[Code civil, articles 467 et 469 ; code de procédure civile, article 1257]
La personne en curatelle ne peut, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille. Sont visés, par exemple, les actes de disposition, les transactions ou compromis ou les opérations de partage à l’égard du majeur protégé. Toutes ces dispositions concernent donc la gestion du patrimoine du majeur protégé. Sauf dans le cas de la curatelle renforcée, le majeur sous curatelle continue donc à effectuer seul les actes d’administration, c’est-à-dire de gestion courante (cf. supra, B, 2, a).
La curatelle restant un régime d’assistance, celle-ci se manifeste – précise la loi –, lors de la conclusion d’un acte écrit, par l’apposition de la signature du curateur à côté de celle de la personne protégée. Toute signification faite à la personne protégée doit l’être également au curateur, sous peine de nullité.
De plus, le curateur ne peut agir seul et se substituer à la personne sous curatelle pour agir en son nom. Toutefois, il peut demander au juge de l’autoriser à accomplir un acte déterminé au nom du majeur protégé ou provoquer l’ouverture d’une tutelle s’il constate que la personne en curatelle compromet gravement ses intérêts. Autrement dit, il pourra être autorisé à représenter le majeur. Cette dérogation à l’interdiction de principe de représentation du majeur en curatelle met fin à une jurisprudence qui considérait que le juge des tutelles ne pouvait jamais autoriser le curateur à représenter le majeur protégé pour un acte de disposition, en l’espèce la vente d’une automobile (9).
Sans changement, la personne sous curatelle peut demander au juge l’autorisation d’agir seule en cas de défaut d’assistance de son curateur, en cas de désaccord par exemple. Dans ce cas, avant de statuer sur cette demande d’autorisation supplétive, le juge des tutelles doit entendre le curateur. Si appelé par le juge, le curateur ne vient pas, la convocation suffit.
b. L’adaptation de la mesure
[Code civil, articles 471 et 472 ; circulaire CIV/01/09 du 9 février 2009]
A tout moment, le juge a la possibilité d’énumérer les actes que la personne en curatelle a la capacité de faire seule ou, à l’inverse, ajouter d’autres actes à ceux pour lesquels l’assistance du curateur est exigée.
En outre, le juge peut décider de prononcer une curatelle renforcée à tout moment (et non plus seulement au moment de l’ouverture de la mesure). Dans ce cas, le curateur :
- perçoit seul les revenus de la personne en curatelle sur un compte ouvert au nom de cette dernière. « Il convient en conséquence, en raison du nouvel article 427 du [code civil] qui ne permet l’ouverture d’un autre compte de la personne protégée qu’avec l’autorisation du juge, dans l’intérêt de celle-ci, de prévoir systématiquement, dans le jugement prononçant la curatelle renforcée, l’autorisation donnée au curateur d’ouvrir un nouveau compte, au nom de la personne protégée mais exclusivement géré par le curateur » (circulaire du 9 février 2009) ;
- assure lui-même, à l’égard des tiers, le règlement des dépenses et verse l’excédent, s’il y a lieu, sur un compte laissé à la disposition de l’intéressé ou le verse en main propre.
En cas de curatelle renforcée, le pouvoir de représentation confié au curateur est en principe exclusivement limité à la perception des revenus et au règlement des dépenses. Pour les autres actes, le régime d’assistance de droit commun continue de s’appliquer. Le pouvoir de représentation du curateur a toutefois été étendu par la loi du 5 mars 2007, celui-ci pouvant être autorisé à conclure seul un bail d’habitation ou une convention d’hébergement au nom du majeur protégé. Cette possibilité ne doit toutefois pas remettre en cause le droit de la personne protégée de choisir librement son logement (C. civ., art. 459-2). Cette disposition s’inscrit dans la volonté de répondre aux situations d’urgence et de précarité, où la première des protections est celle de loger sans délai les personnes vulnérables.
Enfin, en cas de curatelle renforcée, la personne chargée de la protection est tenue de faire contrôler ses actes de gestion comme un tuteur (C. civ., art. 510 à 515). L’inventaire des biens est obligatoire et soumis aux mêmes modalités que dans le cadre de la tutelle (C. civ., art. 503). Il n’est pas obligatoire en matière de curatelle simple.
2. LA PROTECTION DE LA PERSONNE
a. Le mariage
[Code civil, articles 460, alinéa 1, 1397 et 1399]
Comme auparavant, le mariage d’une personne en curatelle n’est permis qu’avec l’autorisation du curateur ou, à défaut, celle du juge. Le majeur en curatelle ne peut passer de conventions matrimoniales sans être assisté, dans le contrat, par son curateur. A défaut de cette assistance, l’annulation des conventions peut être poursuivie dans l’année du mariage, soit par la personne protégée elle-même, soit par ceux dont le consentement était requis, soit par le curateur.
En outre, le changement ou la modification de régime matrimonial d’une personne faisant l’objet d’une mesure de protection juridique est soumis à l’autorisation préalable du juge des tutelles.
b. Le PACS
[Code civil, article 461 ; circulaire CIV/01/09 du 9 février 2009]
La loi du 5 mars 2007 a introduit dans le code civil des dispositions, jusque-là inexistantes, sur la conclusion et la rupture d’un PACS par un majeur placé sous curatelle. Pour mettre fin aux divergences d’interprétation liées à ce vide juridique, elle prévoit ainsi que la personne en curatelle peut, avec l’assistance du curateur, signer une convention de pacte civil de solidarité ou la modifier. Aucune autorisation du juge n’est requise. En revanche, l’enregistrement de la déclaration du pacte devant le greffier, acte considéré comme personnel, peut être accompli sans assistance par le majeur. Les mêmes règles s’appliquent en cas de modification de la convention.
La loi donne également au majeur en curatelle la capacité de rompre seul un PACS, unilatéralement ou par déclaration conjointe avec son partenaire. Cette capacité est toutefois limitée dans deux hypothèses :
- si, en cas de rupture du pacte d’un commun accord avec son partenaire, le majeur peut remettre seul la déclaration conjointe de rupture au greffe du tribunal d’instance, il doit être assisté par son curateur pour signifier une rupture unilatérale à son partenaire et en adresser la copie au greffe ;
- l’assistance du curateur est également requise pour procéder aux opérations de liquidation des droits et obligations résultant du pacte ainsi que pour les opérations d’évaluation des créances entre les partenaires.
Lorsque le partenaire du pacte civil de solidarité est le curateur, il est réputé être en opposition d’intérêts avec la personne protégée : le juge devra nommer un curateur ad hoc pour les actes ou diligences nécessitant son assistance ou qui doivent lui être notifiés.
c. Le divorce
[Code civil, articles 249, 249-1 et 249-2]
Le majeur en curatelle a le droit d’exercer lui-même l’action en divorce avec l’assistance du curateur. Si l’action est intentée par l’autre époux, le majeur en curatelle est en droit de se défendre lui-même, avec l’assistance de son curateur.
Si la curatelle avait été confiée au conjoint de la personne protégée, un curateur ad hoc doit être désigné.
d. Les droits civiques
[Code de procédure pénale, article 256, 8°]
Contrairement aux majeurs sous tutelle, le code électoral ne prévoit pas de disposition particulière par rapport au droit de vote des majeurs sous curatelle. Il en dispose donc sans restriction mais avec l’assistance de leur curateur, conformément au droit commun de la curatelle.
En revanche, les majeurs sous curatelle ne peuvent être jurés aux assises.
3. DES RÈGLES SPÉCIFIQUES POUR QUELQUES ACTES RELATIFS AU PATRIMOINE
a. Les donations
[Code civil, article 470]
Comme auparavant, il est toujours interdit à la personne protégée de faire des donations sans l’assistance de son curateur.
b. Les dispositions testamentaires
[Code civil, article 470]
Le majeur sous curatelle garde la possibilité de faire librement un testament. Toutefois, cet acte peut faire l’objet d’une annulation ultérieure s’il est prouvé que l’intéressé n’était pas sain d’esprit au moment de sa rédaction (C. civ., art. 901).
c. L’emploi des capitaux
[Code civil, article 468]
Comme avant, la personne protégée ne peut pas employer ses capitaux sans l’assistance de son curateur.
En revanche, la perception des capitaux est soustraite du champ de l’assistance : ceux-ci doivent être directement versés sur un compte ouvert exclusivement au nom du majeur et mentionnant son régime de protection, sans passer par le curateur. Cette disposition vise à concrétiser le principe d’individualisation des comptes bancaires.
d. La conclusion d’un contrat de fiducie
[Code civil, article 468]
La personne en curatelle ne peut conclure un contrat de fiducie, sans l’assistance du curateur. C’est une loi du 19 février 2007 (10) qui a introduit la fiducie dans le code civil (C. civ., art. 2011 et suivants). La fiducie est « l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires ».
La fiducie est établie par la loi ou par contrat. Elle doit être expresse. Le contrat de fiducie est nul s’il procède d’une intention libérale au profit du bénéficiaire. Cette nullité est d’ordre public.
e. Les actions en justice
[Code civil, article 468]
La personne en curatelle doit, enfin, solliciter l’assistance du curateur pour introduire une action en justice ou pour se défendre lorsqu’il fait l’objet d’une action à son encontre.
LA RECHERCHE DES HÉRITIERS
Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs peuvent délivrer un mandat de recherche des héritiers de la personne protégée uniquement avec l’autorisation du juge.
En pratique, en cas de décès d’un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, ce dernier peut, en l’absence d’héritiers connus, saisir le notaire du défunt en vue du règlement de la succession ou, à défaut, demander au président de la chambre départementale des notaires d’en désigner un.
Si le notaire chargé du règlement de la succession ne parvient pas à identifier les héritiers du majeur protégé, le mandataire judiciaire à la protection des majeurs, autorisé à cet effet par le juge des tutelles, ou le notaire, peut délivrer un mandat de recherche des héritiers. Aucune rémunération, sous quelque forme que ce soit, et aucun remboursement de frais n’est dû aux mandataires qui ont entrepris ou se sont prêtés à ces opérations sans avoir été préalablement mandatés à cette fin.
[Code civil, article 420 ; code de procédure civile, article 1215]
DONATIONS ET TESTAMENTS AU PROFIT DES MANDATAIRES JUDICIAIRES
Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs ainsi que les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions ne peuvent profiter de donations ou de dispositions testamentaires que les personnes dont ils assurent la protection auraient faites en leur faveur. L’interdiction vaut pour toute mesure de protection (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, mandat de protection future, mesure d’accompagnement judiciaire), et quelle que soit la date de la libéralité (et pas seulement pour les libéralités consenties pendant la durée de la mesure de protection). Il s’agit ainsi de prévenir l’abus de l’état de faiblesse des personnes protégées et, en ce qui concerne les personnes morales, d’éviter tout détournement par personne morale interposée.
[Code civil, article 909]
(1)
Rap. A.N. n° 3557, Blessig, janvier 2007, p. 148.
(2)
Fresnel F. « La réforme des tutelles : les décrets (1re partie), Le rôle de la famille dans le cadre de la nouvelle loi sur la protection des majeurs », AJ famille, n° 01/2009, janvier 2009, p. 18.
(3)
Cass. civ. 1re, 2 avril 2008, requête n° 06-15196, disponible sur www.legifrance.gouv.fr. Cette solution rendue sous l’empire de l’ancien dispositif devrait toutefois trouver à s’appliquer avec la nouvelle réglementation.
(4)
Fossier T. « La réforme de la protection des majeurs. Guide de lecture de la loi du 5 mars 2007 », JCP/La semaine juridique - Edition notariale et immobilière, n° 11, 16 mars 2007, p. 21.
(5)
Rap. A.N. n° 3557, Blessig, janvier 2007, p. 160.
(6)
Rap. Sén. n° 212, de Richemont, février 2007, p. 153.
(7)
Rap. Sén. n° 212, de Richemont, février 2007, p. 147.
(8)
Lorsque le juge est appelé à donner une telle autorisation, il ne peut le faire par lettre simple (Cass. civ. 1re, 22 octobre 2008, requête n° 07-19964, disponible sur www.legifrance.gouv.fr).
(9)
Cass. civ. 1re, 24 mai 1989, requête n° 87-20157, disponible sur www.legifrance.gouv.fr
(10)
Loi n° 2007-211 du 19 février 2007, J.O. du 21-12-07, modifiée par loi n° 2008-776 du 4 août 2008, art. 18, J.O. du 5-08-08.