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Apprentissage : une réduction des primes à l’embauche pourrait plomber la dynamique de recrutement dans le médico-social

Une proposition budgétaire du député Renaissance Marc Ferracci propose de cibler les aides à l’embauche d’apprentis sur les plus bas niveaux de qualification. Dans les secteurs du social et médico-social, l’initiative inquiète car elle reviendrait à mettre en péril une voie de recrutement pour des métiers qui peinent à trouver preneurs. La FNAPSS prévoit d’alerter le haut-commissaire à l’enseignement et à la formation professionnels.

C’est un nouveau coup dur pour l’alternance. Après les contrats de professionnalisation qui viennent de se voir amputés des 6 000 € dont bénéficiaient les entreprises pour l’embauche à ce statut d’un jeune de moins de 30 ans, les contrats d’apprentissage pourraient bien à leur tour faire les frais des politiques d’économies budgétaires du gouvernement.

>>> Lire aussi: Contrats de professionnalisation: la fin des primes à l'embauche actée au JO

L’initiative revient au député Renaissance Marc Ferracci, l’un des architectes des réformes du travail d’Emmanuel Macron depuis son élection en 2017. Selon les informations rapportées par La Tribune, le parlementaire a présenté deux scénarios pour réduire de 500 millions d’euros les dépenses liées à l’apprentissage dans le futur projet de loi de finances pour 2025. Le premier passerait par une réorientation des aides à l’embauche d’apprentis – 6 000 € à chaque signature de contrat – vers les niveaux de qualification les plus bas. Dans cette configuration, la prime « complète » de 6 000 € ne serait accordée que pour l’embauche d’un alternant de niveau CAP. Elle serait réduite à 5 000 € pour un Bac pro et à 4 000 € pour un Bac + 2. Le second verrait le maintien de l’aide réservé aux seules structures de plus de 250 salariés.

Déficit structurel 

La problématique du coût de l’apprentissage est toujours la même depuis 2018. La réforme des circuits de financement portée par la ministre du Travail d’alors, Muriel Pénicaud, a remplacé le système de subventions régionales aux centres de formation d’apprentis qui consistait en un mode de prise en charge financier « au contrat » établi par les branches professionnelles. Si cette nouvelle tuyauterie a permis une large démocratisation de l’apprentissage comme voie de formation (en 2023, on comptait 1,23 million de contrats d’apprentissage en cours d’exécution et le nombre de centres de formation d'apprentis (CFA) a grimpé de 950 à presque 3 000 en six ans), elle a aussi largement contribué à alourdir les comptes de France Compétences, l’instance nationale chargée de répartir les fonds de la formation et de l’alternance. L’octroi, en mars 2020, d’aides à l’embauche pour les employeurs – il s’agissait alors de donner un coup de pouce à la dynamique de l’alternance malgré la pandémie – a maintenu la croissance des effectifs tout en contribuant à creuser le déficit.

La dépense au titre des aides à l’apprentissage est aujourd’hui estimée à 4 milliards d’euros. Et en cette période où Bercy cherche à réaliser 10 milliards d’économies pour boucler son budget annuel, un nouveau coup de rabot sur l’apprentissage (il y en a déjà eu deux en 2022 et 2023 qui ont fait baisser les niveaux de prise en charge des contrats de 7,5 % en moyenne) est tentant. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’hypothèse est posée. L’an dernier déjà, le député rapporteur du budget Jean-René Cazeneuve avait introduit un projet d’amendement limitant les aides aux seuls cursus inférieurs à Bac +2 et aux entreprises de moins de 250 salariés. A l’époque, le ministre du Travail Olivier Dussopt avait bloqué cet amendement, au nom de l’atteinte de l’objectif du million d’apprentis et de la lutte contre le chômage des jeunes.

L'apprentissage dans le médico-social porté par les Bac +2 et plus

Dans le secteur du travail social, l’initiative de Marc Ferracci inquiète. Si l’apprentissage y reste encore une voie de formation marginale, il n’en a pas moins connu une croissance ininterrompue depuis 2018. Mais il concerne essentiellement des diplômes post-Bac, voire post-Bac +2 et la suppression des aides à l’embauche constituerait un mauvais signal pour les structures employeuses. Ainsi, dans le périmètre de l’Opco-Santé, l’opérateur de compétences du médico-social, il n’existe aujourd’hui qu’une seule certification infra-Bac (le DEAES) (*) et trois de niveau Bac ou équivalent (les DEAS, DEME et DEAP) (*). Et la croissance de l’apprentissage y est surtout portée par les diplômes de niveaux supérieurs à Bac +3/+4 et +5. Même observation du côté d’Uniformation, l’Opco de la cohésion sociale, où 43 % des diplômes préparés par apprentissage concernent des niveaux Bac +3/+4 ou Bac + 5. Une proportion qui monte même à 69 % dans la branche des entreprises sociales pour l’habitat (ESH), à 64 % dans les offices publics de l’habitat (OPH) et à 63 % dans la mutualité.

Danger sur le recrutement

C’est surtout au sein de la Fédération nationale pour l’apprentissage aux professions sanitaires et sociales (FNAPSS) que l'on tire aujourd’hui la sonnette d’alarme. Les dirigeants de ce réseau, qui fédère dix CFA accueillant 10 000 apprentis et préparant à une cinquantaine de diplômes, voient dans la proposition du député Ferracci un sérieux risque pour ce qui est devenu une voie de recrutement dans des structures qui peinent actuellement à trouver de la main-d’œuvre. « Au vu de la désaffection des jeunes pour nos métiers, l’apprentissage et sa pédagogie, qui alterne formation théorique et mise en situation de travail pratique dans le cadre d'un contrat de travail spécifique, constituent un vecteur de recrutement intéressant pour les structures du sanitaire et social. Aujourd’hui, on trouve plus de jeunes intéressés par l’apprentissage que de professionnels formés ! », alerte Frédéric Hoibian, le président de la fédération.

>>> Lire aussi : Apprentissage et travail social : les trois conditions pour que ça marche

Privés d’aides à l’embauche, les employeurs du sanitaire et social, incapables de compenser les surcoûts de l’apprentissage (tutorat, formation des maîtres d’apprentissage…) sur leurs propres budgets, se retrouveraient contraints de renoncer largement à recruter des apprentis. Et par ricochet, plusieurs CFA du secteur seraient contraints de fermer certains cursus, faute de débouchés professionnels pour les jeunes. Dans un courrier que la FNAPSS – associée à d’autres réseaux de l’apprentissage comme le Synofdès, la CGE ou la FNADIR – s’apprête à adresser dès lundi 3 juin à Geoffroy de Vitry, le haut-commissaire à l’enseignement et à la formation professionnels, et dont les ASH ont eu connaissance, la fédération suggère plutôt de cibler les aides sur les formations aux métiers en tension plutôt qu’en fonction des diplômes préparés. A voir si cette proposition sera entendue d’ici le débat parlementaire sur le budget 2025.


(*) DEAES : diplôme d’Etat d’accompagnant éducatif et social ; DEAS : diplôme d'Etat d'aide-soignant ; DEME : diplôme d'Etat de moniteur-éducateur ; DEAP : diplôme d'Etat d'auxiliaire de puériculture.

 

 

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