Faute de vision claire sur le montant des enveloppes que compte allouer le gouvernement aux salaires des métiers du social en 2025, les partenaires sociaux de la Branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass), toujours enlisés dans leur négociation d’une grille des classifications et des rémunérations pour la future convention collective unique étendue (CCUE) de la branche, avancent dans le noir.
En témoigne l’incertitude qui pesait sur la tenue – ou non – de la réunion de la commission mixte paritaire du 24 avril que certaines organisations syndicales avaient menacé de boycotter si l’Etat ne changeait pas de braquet. « On pouvait légitimement craindre que nos homologues, poussés par l’absence de trajectoire financière claire pour la branche, allaient quitter la table des négociations », confirme François Gieux, négociateur CFDT. En bout de course, les trois syndicats (CGT, FO et Sud) qui hésitaient sur la conduite à tenir sont finalement restés fidèles au poste. Mais pour quoi faire ?
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Car le fait est que la séance de négociation du 24 avril n’a pas permis aux discussions de progresser. « Ca a tourné au dialogue de sourds », soupire Renaud Mandel, négociateur CGT. Certes, par rapport au projet d’accord sur les rémunérations posé sur la table lors de la précédente réunion, la confédération d’employeurs Axess (qui regoupe la Fehap et Nexem) a légèrement revu sa copie salariale à la hausse. Mais pour les syndicats, le compte n’y est toujours pas.
L’effort consenti par le patronat a surtout porté sur les premiers niveaux de qualification – notés A à E dans leur projet de grille, soit un niveau allant de l’absence de tout diplôme jusqu’à une certification de niveau BTS ou DUT – afin de revaloriser tout particulièrement les deux premiers échelons (A et B), jusqu’alors situés en dessous du Smic afin de les faire monter au niveau du salaire minimum assorti des 183 euros brut du "Ségur pour tous".
Tassement des salaires
Pas de quoi susciter l’enthousiasme de la partie syndicale, en tous cas. « Tout cela manque d’envergure. Non seulement ce nouveau projet de grille entraînera un tassement des salaires sur les niveaux les plus bas, mais en outre il réduit l’écart de rémunérations entre les niveaux les plus bas et les plus élevés », détaille François Gieux.
Selon les calculs syndicaux, le nouveau barème porterait le niveau de rémunération annuel d’un salarié de niveau A à 24 500 euros contre 26 000 pour des métiers classés F, tels ceux d’éducateurs spécialisés, d’accompagnants éducatifs et sociaux ou d’agents de service hospitalier, de niveau Bac + 2 ou Bac + 3. « 1500 euros de différentiel, ça ne promet pas des perspectives de progression extraordinaires et ce n’est certainement pas avec ça qu’on va améliorer l’attractivité de nos métiers », conclut le cédétiste.
A quoi s’ajoute toujours le bras de fer opposant les deux parties sur le temps de travail. Ainsi que sur les congés à propos desquels Axess n’a pas bougé, proposant toujours une nouvelle organisation portant à 12 heures maximal la durée quotidienne du travail, à 48 heures celle de la semaine, réduisant le temps de repos entre deux journées de travail de 11 heures à 9 et lissant le nombre de congés trimestriels accordés aux salariés de la future branche à 6.
Presque une provocation pour ceux couverts par l’actuelle convention collective « 66 » (celle du périmètre Nexem), qui leur offre 24 jours de congés. Ou par celle de la Croix Rouge, où le nombre des journées de repos s’élève à 8, même si ce « rééquilibrage » reviendrait à augmenter le nombre de congés trimestriels accordés aux salariés du périmètre Fehap (covention collective 51) moins bien lotis en la matière aujourd’hui.
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Le chiffrage toujours non-communiqué
A ce stade, les discussions patinent et personne ne parvient à voir le bout du tunnel d’une négociation qui aurait déjà dû être bouclée fin 2024 selon le calendrier fixé initialement.
« Le projet d’Axess revient à appliquer bêtement les ordonnances Travail de 2017 et à proposer une convention-socle minimale pour la branche, renvoyant tout le reste à la négociation d’entreprise. Or, c’est l’échelon le moins sécurisant pour les salariés », observe Michel Poulet, négociateur FO dont l’organisation, historiquement hostile à l’idée d’une CCUE, ne verrait pas forcément d’un mauvais œil l’achèvement de la négo sur un constat d’échec…
Et sur ce point, Axess semble combler les désirs de Force Ouvrière puisque l’organisation patronale se refuse toujours, en dépit des demandes syndicales, de fournir à ses interlocuteurs le chiffrage complet du coût de la future convention collective. « Ce chiffrage existe, pourtant, objecte un négociateur syndical, mais nous soupçonnons qu’Axess a choisi de ne pas le communiquer pour ne pas paniquer le gouvernement alors que ce dernier prépare un nouveau plan d’austérité pour l’année prochaine ».
Au-delà des chiffres, l’opération révèle surtout la divergence fondamentale existant entre patronat et syndicat sur la dimension de la future CCUE. « Eux partent du principe qu’il faut négocier à partir de l’enveloppe que débloquent les pouvoirs publics ; nous qu’il faut partir des besoins des salariés, quitte à ajuster ensuite pour tenir compte des réalités économiques », avance Renaud Mandel. A quoi s'ajoute qu'à ce stade, personne ne connaît exactement le nombre exact de salariés couvert par la future CCUE. A ce compte, le terrain d’entente risque de se révéler ardu à trouver…
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