Le statut des détenus qui travaillent en prison s’approche très doucement de celui des salariés ordinaires. Publiée au Journal officiel le 20 octobre 2022, l’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 leur ouvre, en effet, certains droits sociaux. Ce texte est pris sur le fondement de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021. La plupart des nouveaux droits entreront en vigueur le 1er décembre 2024. D’ici là, plusieurs décrets doivent préciser certains points.
Affiliation au régime général de sécurité sociale
Le code de la sécurité sociale (CSS) est d’abord complété par une nouvelle section, qui détaille le régime d’affiliation des personnes écrouées ou détenues dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté. Les personnes en semi-liberté, en placement extérieur, en détention à domicile ou sous surveillance électronique et qui travaillent sont affiliées au régime de sécurité social dont elles relèvent au titre de cette activité. Les personnes écrouées, elles, sont affiliées au régime général de la sécurité sociale pour l’ensemble des risques (CSS, art. L. 382-33 nouveau) : maladie, maternité, invalidité, décès, accident du travail-maladie professionnelle, vieillesse et famille.
L’ouverture de l’assurance vieillesse implique l’existence d’une cotisation. Le nouvel article L. 382-38 prévoit qu’il revient à l’Etat d’assumer les obligations en matière de déclaration et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale, qu’elles soient patronales ou salariales. Les taux des différentes contributions seront fixées par décret.
Les détenus pourront bénéficier du versement d’indemnités journalières au titre de l’assurance maternité et de l’assurance accidents du travail et maladies professionnelles.
Droits à l’assurance chômage
Des droits à l’assurance chômage sont aussi ouverts aux détenus sous contrat pénitentiaire. Le bénéfice est ouvert au moment de la libération, au titre du travail réalisé en détention. Les dispositions les plus importantes sont insérées dans le code pénitentiaire. Là encore, l’Etat assume les obligations de déclaration et de contribution.
Compte personnel de formation et compte d’engagement citoyen
Le chapitre IV de l’ordonnance apporte les modifications nécessaires au code du travail pour ouvrir aux détenus le bénéfice du compte personnel de formation (CPF) et du compte d’engagement citoyen (CEC).
Le code pénitentiaire est également amendé : le régime du compte personnel d’activité (CPF + CEC) de la personne détenue (art. L. 411-4 et suivants) y est spécifié.
Santé et sécurité
Les chapitres V et VIII comprennent les dispositions relatives à la santé et à la sécurité, à l’inspection du travail et à la médecine du travail. Elles définissent, en particulier, le champ d’une médecine du travail en détention, en prévoyant un partage de compétences entre les unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP), chargées de l’information-prévention, du traitement des situations quotidiennes et des services de santé au travail, vers lesquels les cas complexes seront orientés.
L’inspection du travail voit ses prérogatives renforcées afin d’opérer des contrôles dans les établissements et dresser des procès-verbaux en cas d’infraction aux obligations en matière de travail en détention par les donneurs d’ordre privés. Les peines prévues sont les mêmes que dans les cas généraux : 10 000€ d’amende pour une infraction (code du travail [c. trav.], art. L. 4741-1) ; un an de prison et 3 750 € d’amende pour ne pas s’être conformé aux mesures prises par l’agent de contrôle (c. trav., art. L. 4741-3-1).
Liens avec les établissements et services d’aide par le travail
Enfin, l’ordonnance autorise l’implantation d’établissements ou services d’aide par le travail (Esat) dans les prisons. De plus, elle ouvre le bénéfice des marchés publics réservés aux opérateurs économiques implantés en détention, pour les seules productions qu’ils y font réaliser. Il s’agit d’entreprises d’insertion, d’entreprises adaptées ou d’Esat.
Ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022, J.O. du 20-10-22.