Publié le 6 juillet par l’Observatoire international des prisons (OIP), le rapport intitulé « La santé incarcérée » dresse un bilan alarmant de la prise en charge des personnes détenues. « Le constat est clair. L’accès aux soins spécialisés est dégradé. Cela génère une détérioration de l’état de santé des détenus, l’aggrave sur le plan psychologique, renforce le sentiment d’abandon ressenti et entraîne des problèmes d’addiction », résume Odile Macchi, responsable du pôle « enquêtes » de l’OIP lors de la présentation de l'enquête.
Alors que l’attractivité des métiers reste en berne dans les secteurs sanitaire, social et médico-social, les personnes incarcérées et les professionnels qui les accompagnent en ressentent les conséquences quotidiennement. D'autant qu'une forte proportion des détenus relève d’une population socialement défavorisée cumulant les facteurs de risque liés à la précarité.
« Les postes budgétés ne sont pas tous pourvus et certains établissements hospitaliers n’ont pas comme priorité d’assurer les soins en détention », explique Odile Macchi. Pourtant, depuis la loi du 18 janvier 1994, le ministère des Solidarités et de la Santé est garant en prison « [d']une qualité et [d']une continuité de soins équivalentes à celles offertes à l’ensemble de la population », soulignent les auteurs du rapport. Or, depuis 2003, les budgets alloués ne sont plus fléchés…
Des délais d'accès aux soins trop longs
En 2021, sur les 900 signalements concernant la santé provenant des détenus ou de leurs proches, près de 400 visent l’accès aux soins somatiques. Parmi ces derniers, près de la moitié des sollicitations font état d’un temps d’attente trop long pour les examens, les soins ou les traitements. Conséquences directes : l’installation de douleurs, de maladies non dépistées, la préconisation d’auto-rééducation et la prescription d’antalgiques à fort risque de dépendance, dont de nombreux détenus font déjà les frais.
Humiliations, violations du secret médical… De nombreux détenus renoncent à se soigner en raison de conditions contraignantes : port de menottes, de ceinture abdominale, présence constante des surveillants. Si les normes règlementaires imposent l’individualisation des méthodes utilisées, dans l’immense majorité des cas, ces entraves sont généralisées, que ce soit lors des transferts comme lors des consultations médicales. Des pratiques déjà condamnées par la Cour européenne des droits de l’Homme en 2011.
De plus en plus de détenus âgés
La vie en détention est inadaptée aussi pour les personnes atteintes de maladies chroniques et de lourds handicaps. De même, les personnes âgées dépendantes présentent des difficultés à accomplir seules certains actes de la vie quotidienne, comme monter les escaliers, se doucher ou s’habiller. « Or celles-ci sont de plus en plus nombreuses : entre 1980 et 2021, la proportion de personnes détenues âgées de plus de 60 ans a plus que quadruplé », indique le rapport.
Pour des motifs sécuritaires, l’administration pénitentiaire refuse fréquemment des traitements ou du matériel médical adapté à la condition des individus : douches médicales, ventoline, lecteurs de glycémie… « L’octroi de permissions de sortie pour soins pourrait être développé », propose Charline Beccker, coordinatrice pour la région Sud-Est de l’OIP.
Un manque criant de solutions
Depuis 2010, deux réformes ont été adoptées pour adapter les établissements à cette population mais leur mise en œuvre sur le territoir reste disparate, « tant sur le plan de la mise aux normes des bâtiments que pour organiser l’intervention des auxiliaires de vie ». Moins d’un établissement sur deux est doté de cellules réservées aux personnes à mobilité réduite (PMR) et lorsqu’elles existent, elles restent inappropriées : dimension des portes qui ne permettent pas le passage d’un lit médicalisé, fonctionnement des douches...
Si depuis 2009 la loi prévoit l’intervention de prestations des services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) et des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), leur développement reste parcellaire « du fait de la complexité des relations entre les administrations, de la longueur des démarches et d’aspects propres à la détention qui découragent les interventions ». De même, des dispositifs existent pour sortir provisoirement ou durablement de prison en cas de dégradation de l'état de santé. Mais, selon Pauline Petitot, enquêtrice pour l’OIP, « les juges sont frileux à prendre ce type de décisions. Il s’agit de mesures qui échouent car il est rare de trouver des centres d’hébergement spécialisés ».
A lire : l'intégralité du rapport
Nous publions aujourd'hui un rapport sur l'accès aux soins spécialisés en #prison : La santé incarcérée, ou la double peine pour les détenus malades.
— OIP (@OIP_sectionfr) July 6, 2022
https://t.co/PYbCm95bIt