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Mise en place de la justice restaurative (3/4)

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Au cours d’une médiation restaurative, lorsque la rencontre a lieu, elle doit se dérouler dans un espace neutre et en présence du tiers indépendant qui a mené les entretiens préparatoires.

Crédit photo dikushin - stock.adobe.com
[DOSSIER JURIDIQUE] La justice restaurative fait intervenir un grand nombre d’acteurs afin qu’un dialogue puisse s’instaurer entre la victime et l’auteur d’une infraction, dans un cadre sécurisé et neutre. Elle résulte d’une démarche volontaire, peut prendre diverses formes, et doit répondre à des conditions précises. Un dispositif essentiel, gratuit, et dont l’issue n’a aucune conséquence sur la procédure judiciaire en cours.

A. Conditions de mise en œuvre

 

1. La protection des victimes

Première condition pour mettre en œuvre une mesure de justice restaurative : s’assurer que les victimes sont protégées.

Si la mesure est initiée par l’auteur de l’infraction, le tiers indépendant doit évaluer les motivations de celui-ci afin de sécuriser sa mise en application. « La mesure de médiation restaurative envisagée ne doit pas conduire un auteur à maintenir un contact, même indirect, avec une victime qui se sentirait ainsi menacée, ni à lui faire porter la culpabilité de l’éclatement de la structure familiale », précise le guide méthodologique du ministère de la Justice. Une attention spécifique doit être portée dans les cas où l’infraction relève des violences conjugales, intrafamiliales ou sexuelles.

Les magistrats et les services chargés du suivi de l’auteur doivent déterminer la pertinence d’une mesure de justice restaurative, surtout quand « les infractions sont commises dans la sphère familiale, en raison de l’emprise possible, notamment d’un ascendant sur une victime mineure ou du conjoint dans le cadre de violences conjugales » (circulaire du 15 mars 2017). Car il existe des risques de subornation de témoin ou d’intimidation de la victime dans le cadre intrafamilial. « Des rencontres avec des victimes substitutives peuvent, le cas échéant, apparaître plus opportunes au stade pré-sentenciel » (circulaire du 15 mars 2017).

L’article 2 du décret du 23 novembre 2021 tendant à renforcer l’effectivité des droits des personnes victimes d’infractions commises au sein du couple ou de la famille prévoit que ces mesures restent applicables pour une infraction sexuelle commise par un majeur sur un mineur, « en cas de décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement ». Le procureur de la République vérifie alors si une mesure de justice restaurative est susceptible d’être mise en œuvre.

Le guide méthodologique du ministère mentionne enfin l’application de la justice restaurative aux actes de terrorisme et souligne la connaissance « fragile des processus de radicalisation » qui exige « la plus grande prudence ».

 

2. L’indépendance de la procédure judiciaire

La mise en œuvre d’une mesure de justice restaurative ne doit pas « compromettre la procédure en cours (manifestation de la vérité) » (circulaire du 15 mars 2017). Pour autant, une mesure de justice restaurative n’inclut pas d’obtenir un résultat en particulier et n’a aucun impact sur la décision judiciaire si cette dernière n’a pas encore été rendue. Le guide du ministère souligne qu’une rencontre directe entre un auteur et une victime concernés par une même infraction « n’exclut pas l’octroi de dommages-intérêts à la victime qui en fait la demande, ni n’est susceptible de modifier le montant alloué par la juridiction ».

 

B. En pratique

 

1. Le cadre de la mesure

Le cadre du projet est défini en comité de pilotage (Copil). Les différents acteurs élaborent une convention mentionnant :

→ la méthodologie employée ;

→ les étapes du projet ;

→ son financement ;

→ le fonctionnement du dispositif ;

→ le rôle de chacun des acteurs.

Les membres du Copil doivent aussi établir des garanties à respecter pour mettre en œuvre la mesure, les modalités des futurs échanges sur son contrôle, l’identité des participants, le cadre juridique de la procédure pénale en cours, l’évaluation des dispositifs ou encore la dénonciation d’une infraction. Le guide méthodologique fournit plusieurs exemples de documents.

Le comité de pilotage doit aussi assurer la pérennité du dispositif en cas de changement d’acteurs et l’évaluer.

 

2. Les financements

Le service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes (Sadjav) finance les associations d’aide aux victimes dans le cadre du programme budgétaire 101 (voir page 50). Ces dernières sollicitent le magistrat délégué à la politique associative et à l’aide aux victimes pour obtenir une subvention.

L’enveloppe budgétaire attribuée par le Sadjav à chaque cour d’appel est répartie entre les différentes associations pour financer les projets de justice restaurative qu’elles portent avec les autres acteurs locaux.

 

3. Le lieu

 

Au cours d’une médiation restaurative, lorsque la rencontre a lieu, elle doit se dérouler dans un espace neutre et en présence du tiers indépendant qui a mené les entretiens préparatoires.

Le lieu doit aussi être « sécurisé » et garantir « la confidentialité des échanges », indique le guide méthodologique. Ainsi, un autre espace que celui où s’exerce le suivi pénal pourra être privilégié :

→ local d’un service communal ;

→ maison de justice et du droit ;

→ local mis à disposition par une collectivité territoriale.

S’agissant de la confidentialité, elle peut être levée en cas d’accord des parties mais également si « la nécessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur de la République » (circulaire du 15 mars 2017).C’est le cas si au cours d’une rencontre entre l’auteur et la victime, « une infraction distincte de celles motivant la médiation est révélée ou, à plus forte raison, commise ».

 

4. La durée

La durée d’une mesure de justice restaurative ne peut être prédéfinie, « même si les intervenants peuvent proposer un calendrier et un rythme de rencontre » précise le guide méthodologique. La mesure peut ainsi être prolongée au-delà du temps de la procédure pénale ou, à l’inverse, s’arrêter plus tôt, en raison du retrait d’un participant.

Le tiers indépendant peut aussi y mettre fin si les conditions de mise en œuvre de la mesure ne sont plus respectées (voir page 52).

Pour les dispositifs qu’il met en place, le service pénitentiaire d’insertion et de probation doit vérifier que la mesure de justice restaurative est compatible avec la durée d’exécution de la peine, même si les participants peuvent être orientés vers une association d’aide aux victimes pour poursuivre la mesure au besoin.

 

C. L’application aux mineurs

Pour adapter la justice restaurative au public mineur, le ministère de la Justice a publié en 2022 un guide dédié(1). Il s’appuie sur les résultats de groupes de travail et d’expérimentations nationales. La justice restaurative apparaît dans le code de la justice pénale des mineurs à l’article L. 13-4.

 

1. Evaluer la maturité et assurer la reconnaissance des faits

La circulaire du 15 mars 2017 indique que la mise en œuvre de mesures de justice restaurative doit être adaptée si les auteurs ou les victimes sont mineurs : « L’implication du mineur dans l’action ne comporte pas un enjeu judiciaire mais éducatif, sans contrepartie attendue. Dans ce cadre, le degré d’adhésion du mineur à la démarche et son cheminement seront fonction de son degré de maturité, et de sa situation individuelle. Il est donc primordial d’évaluer la capacité de l’adolescent à mesurer les effets de son acte sur la victime et sa volonté de s’engager dans un processus de justice restaurative. »

Le guide méthodologique évoque aussi le degré de maturité de l’auteur mineur, mais aussi « sa capacité de discernement et plus largement l’ensemble de sa situation personnelle, le soutien que le mineur est en mesure de recevoir de ses proches, son rapport au groupe, la possible influence exercée par un tiers, et les risques d’emprise ».

Ces précautions supplémentaires doivent être prises par les professionnels de l’équipe pluridisciplinaire chargée du suivi éducatif ou du suivi pénal d’un mineur. S’agissant de la reconnaissance des faits, elle peut être limitée par ce degré de maturité variable chez un mineur. « Que celui-ci se sente concerné par la commission de l’infraction et ne nie pas de manière absolue les faits peut suffire à engager une démarche dont la portée éducative est manifeste. Les différentes étapes préparatoires du processus sont autant d’occasions de travailler son rapport aux faits, à la victime et à sa responsabilité », précise le guide.

 

2. Associer les détenteurs de l’autorité parentale

Les parents, ou représentants légaux, doivent être associés au processus. Ils doivent donner leur accord pour participer à une conférence restaurative ou conférence de groupe familial. Les mineurs doivent aussi consentir à la mesure.

Comme il est possible que les titulaires de l’autorité parentale n’adhèrent pas à la démarche, faute de repère face à une pratique nouvelle, il est conseillé aux professionnels de veiller à déterminer en amont le moment propice à la présentation de la mesure restaurative, en s’appuyant éventuellement sur la présence de l’éducateur qu’ils connaissent déjà.

 

>>> Le dossier juridique complet :

Justice restaurative : responsabiliser l'auteur, réparer la victime (1/4)

Principes et fonctionnement de la justice restaurative (2/4)

3 questions à Séverine Collado-Defay (4/4)

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