En France, 22 000 personnes habitent en pension de famille. Conseillère en économie sociale et solidaire, Nesrine Berroukeche travaille depuis un an et demi dans une résidence de la fondation Aralis située à Saint-Etienne (Loire). Son métier d’intervenante sociale se partage entre travail social et animations collectives. Un modèle probant dans l’accompagnement de personnes aux multiples vulnérabilités.
ASH : Quels sont les profils des résidents que vous accompagnez ?
Nesrine Berroukeche : Il s’agit de personnes isolées. La pension de famille dispose de 24 logements indépendants dont les locataires sont majoritairement des hommes. Les usagers ont connu une période d’errance, avec, pour beaucoup, l’alternance de moments à la rue et en foyers d’hébergement. Bien que ce ne soit pas forcément le public visé, nous accueillons de nombreuses personnes en situation de handicap psychique qui peuvent connaître des problématiques d’addictions. La quasi-totalité d’entre elles sont suivies pour traiter ces vulnérabilités. La moyenne d’âge des résidents se situe autour de 50 ans. L’objectif principal est de rompre leur isolement.
Vous exercez des missions d’accompagnement social individuel autant que des missions d’animations collectives. Quel est l’intérêt de cette dualité pour le public ?
Il s’agit d’un levier pour enrichir l’accompagnement individuel. Les temps collectifs permettent d’aborder de nombreuses problématiques propres à la vie des usagers. J’organise par exemple des « temps café ». Plusieurs fois par semaine, les résidents sont conviés à partager un petit déjeuner. Nous discutons de l’actualité, on prend des nouvelles des uns et des autres. Il n’y a aucune obligation. Certains discutent, d’autres observent et rentrent chez eux.
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Ces moments permettent notamment aux nouveaux arrivés de s’intégrer au groupe. Mais il me permet aussi de récolter des informations sur leur situation individuelle. Par exemple, ce matin, au détour d’une conversation, une personne m’a confié qu’elle ne percevait plus ses aides au logement. J’ai pu lui proposer un rendez-vous et le problème est réglé. Sans cela, sa situation financière serait devenue critique.
Sur quels autres types d’activités vous appuyez-vous ?
Il en existe de multiples. Soit je les anime, soit elles sont assurées par des intervenants extérieurs. Musée, karting, équitation… Une sortie a également lieu chaque mois. Nous nous réunissons aussi autour de repas partagés. On cuisine, on mange et on range ensemble. C’est un excellent levier pour aborder le thème de l’alimentation. Manger équilibrer ou cuisiner représente, pour certains, un objectif complexe. En termes de gain, je constate que plusieurs personnes reproduisent les recettes chez elles. Elles s’invitent aussi parfois mutuellement. Une fois encore, le lien social se voit facilité. Personne n’est obligé de participer mais je reste à l’écoute des activités qui font leurs preuves car tout ne fonctionne pas.
Comment vous assurez-vous des bienfaits de ce que vous proposez ?
Nous décidons de tout ce qui est mis en place collectivement. Nous avons par exemple organisé des sessions de gym douce. Dès la deuxième séance, personne n’était présent. J’ai donc stoppé l’activité. En revanche, les activités d’écriture ont été créés à leur initiative. En effet, les locataires ont indiqué qu’ils n’écrivaient plus depuis longtemps. Ils craignaient de perdre en qualité d’écriture et de faire de plus en plus de fautes. Pour renouer avec la pratique, nous organisons des dictées, des jeux comme le Petit bac ou de la rédaction libre sur un thème. Cette dernière permet de découvrir le public autrement.
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Il arrive également que je sois surprise. Les interventions d’une socio-esthéticienne et d’une socio-coiffeuse font mouche, surtout auprès des cinq femmes qui ne manquent aucune séance. Ce sera donc maintenu alors que je ne misais pas forcément dessus.
En termes d’accompagnement social, que vous apportent ces temps collectifs ?
La proximité avec les personnes que j’accompagne est singulière. Elle est différente de celle que j’ai pu connaître dans mes précédentes expériences professionnelles. Ici, nos bureaux se situent sur le lieu de vie des usagers. On va leur rendre visite à domicile et ils peuvent nous consulter sur place. Mais ce qui diffère vraiment, c’est le lien de confiance que nous avons créé. Ce n’est pas simple car il a bien fallu six mois avant que je les sente sécurisés avec moi.
Qu’engendre cette confiance et le fait de travailler là où ils vivent ?
Cela facilite l’abord de certains sujets comme l’hygiène, notamment pour les personnes qui ont des troubles psychiques. J’observe donc qu’elle génère une ouverture à la discussion.
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Le lieu de travail permet, quant à lui, d’être vigilant sur l’état des personnes. Si nous ne croisons pas un résident pendant cinq jours, avec un agent d’exploitation, nous nous rendons chez lui pour s’assurer que tout va bien. Par ailleurs, bien que la plupart d'entre eux soit sous mesure de curatelle, notre présence favorise l’accompagnement général, qu’il s’agisse de soins médicaux comme de rendez-vous pour de l’insertion professionnelle.
Sur un plan plus personnel, que vous apporte cette double casquette ?
C’est clairement le fait que les personnes aidées partagent leurs histoires avec moi, me confient de nombreux pans de leurs vies. Je suis donc très épanouie car, outre les comptes-rendus dont j’ai la charge pour quantifier mes objectifs, j’observe aussi le fruit de mon travail au quotidien. C’est très motivant. Les journées sont longues pour les résidents mais la cohésion qu’offrent les temps collectifs est visible.
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Il s’agit par ailleurs d’un public autonome qui n’est pas dépendant des travailleurs sociaux ni de personne. Je peux donc partir en congés sereinement. Et contrairement à d’autres professionnels, je travaille très peu dans l’urgence. C’est un réel confort.
Les #PensionsDeFamille sont en fête !
— Unafo (@UnafoUnion) May 27, 2024
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