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Pour Nicolas Duvoux, « il est crucial de s’intéresser à l’ensemble des modalités de production de la pauvreté »

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Nicolas Duvoux, nouveau président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Le sociologue Nicolas Duvoux vient d’être nommé à la tête du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE). Durant ses trois années de mandat, le nouveau président entend miser sur une meilleure collaboration avec le milieu associatif, les institutions et le public concerné.

ASH : Quelles priorités comptez-vous inscrire à votre programme de travail ?

Nicolas Duvoux : Le CNLE doit s’inscrire dans ce qui constitue le centre de gravité des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Il convient de faire émerger des savoirs partagés et constitués collectivement avec les associations, le témoignage des personnes concernées, les organisations syndicales et le monde de la recherche scientifique. L’idée est d’avoir des orientations réalistes afin d’obtenir la plus grande force de conviction possible. L’élaboration du rapport sur l’impact social de l’écologie, dont la publication est prévue pour la fin de l’année, illustre bien la dynamique intégratrice que nous souhaitons mettre en place. Nous serons également très vigilants sur le contenu du projet de loi pour le plein emploi adopté par le Sénat, les 11 et 12 juillet derniers. A titre personnel, je viens d’ailleurs de répertorier divers points d’attention dans une note publiée le 17 juillet.

Les recommandations du CNLE donnent-elles lieu à des changements concrets ?

Nos travaux constituent d’abord des repères normatifs qui sont affirmés et portés à la connaissance des institutions, de la Première ministre et de la société puisque tout ce que nous produisons est rendu public. Ils peuvent avoir des effets d’éclairage, initier, renforcer des actions publiques ou, au contraire, souligner des points de vigilance ou de critique. Par exemple, au moment de la crise sanitaire, le CNLE a été mandaté pour produire un état des lieux de la situation, dans un moment où tout portait à croire à une explosion de la pauvreté mais où, en parallèle, les principales mesures de la statistique publique indiquaient que la situation resterait stable. Notre conclusion a été que la crise révélait et accentuait des difficultés préexistantes plus qu’elle n’en créait. Une fois encore, seuls les constats observés par les parties prenantes telles que les associations et les personnes concernées ont permis de produire un diagnostic précis dans un rapport que j’ai co-dirigé sur « la pauvreté démultipliée ». Pour autant, nos analyses ont participé, après le premier confinement, à renforcer et à accélérer une prise de conscience sur l’importance du maintien de l’ouverture des écoles en raison du rôle social que jouent les cantines. Nos travaux donnent donc lieu à des effets diffus et à des effets plus immédiats.

Plus globalement, comment comptez-vous organiser vos futures actions ?

Nous ne pouvons pas nous contenter d’un regard purement sectoriel, limité aux politiques de lutte contre la pauvreté. Il est crucial de s’intéresser à toutes les modalités de la protection sociale, de l’organisation sociale qui concourent à la production des inégalités. Nous porterons donc un grand intérêt à l’ensemble des mécanismes institutionnels qui y contribuent. Il ne faut pas réifier la pauvreté et la considérer comme un état. Il faut avoir une vision multidimensionnelle, partir des aspects monétaires, des privations, du recours à des prestations – le revenu de solidarité active ou l’aide médicale d’Etat par exemple –, mais ne pas s’y limiter. Penser l’ensemble est possible en intégrant ce qu’une étude d’ATD quart monde et de l’université d’Oxford a appelé les « dimensions cachées de la pauvreté » comme la stigmatisation ou la maltraitance institutionnelle. De même, s’approcher des causes structurelles de la pauvreté sera utile : marché du travail, assurance chômage ou vieillesse, « nouveaux » risques liés aux transformations de la famille et au désajustement entre la situation de certains groupes et la protection sociale… Cela peut concerner, par exemple, le partage de la richesse dans la société et son « acceptabilité » dans la transition écologique ou les évolutions législatives relatives à l’immigration.

Quel est l’intérêt d’une vision multidimensionnelle de la pauvreté ?

Disposer de repères de manière transversale peut s’avérer efficace. Toutes les politiques sont susceptibles de contribuer à la lutte contre la pauvreté ou, au contraire, de renforcer les mécanismes d’exclusion. Il faut donc pouvoir avancer des propositions qui dépassent le périmètre de notre secteur, tout en renforçant nos capacités de diagnostic et d’observation, de suggestion et de recommandation. Pour ce faire, je souhaite collaborer étroitement avec les autres hauts conseils, comme celui du travail social. L’élaboration du programme de travail se fera de manière collégiale, à l’automne prochain. En termes de catégories de la population, des priorités sont identifiées. Ainsi, la question de l’amélioration de la situation des familles monoparentales reste majeure. Pour lutter contre la forte exposition à la pauvreté de ce public, une collaboration entre le CNLE et le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge permettrait d’avancer des propositions concrètes et précises. De la même manière, des interactions avec le Haut Conseil du travail social sont bien sûr souhaitables. Nous allons tout mettre en œuvre pour que les avis se traduisent par des prises de décisions, sans jamais perdre de vue la parole et les intérêts des personnes concernées.

 

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