Il s’agit sans doute d’un des métiers les plus méconnus du secteur social et médico-social. Pourtant, au fil des années, sa place est devenue incontournable. Face aux nouveaux enjeux et aux nombreux défis propres à l’accompagnement des personnes vulnérables, le travail social ne pouvait se passer davantage de cette fonction d’expertise : l’ingénierie sociale.
Spécialiste des politiques sociales et médico-sociales, l’ingénieur social intervient à un niveau stratégique, en appui de la direction : il joue un rôle d’interface entre le terrain et les instances décisionnelles. Sa principale caractéristique : l’exhaustivité de ses missions. « Il y a autant de possibilités d’exercer cette fonction que de structures. Toutefois, tout ce qui relève de l’ingénierie de projets au sens large, c’est-à-dire sa capacité à établir des diagnostics en mobilisant les acteurs en transversalité et à concevoir un plan d’actions, un projet ou un dispositif d’action sociale, entre généralement dans ses attributions », détaille Sébastien Rebeix, formateur et coordonnateur du diplôme d’Etat d’ingénierie en Haute-Vienne.
Tantôt assimilé à un chargé de projets transverses, à un conseiller technique, ou encore à un référent démarche qualité, ce professionnel aux compétences variées incarne son poste d’une façon très différente d’une mission à l’autre. « L’ingénieur social doit savoir faire de la recherche applicative, professionnelle, notamment dans le cadre d’études, avec une idée d’horizontalité dans les rapports avec les équipes. C’est un facilitateur de la mise en œuvre opérationnelle au service d’une transformation sociale », complète Hervé Trémeau, président de l’Andelis (Association nationale pour le développement de l’ingénierie sociale) et consultant indépendant. A ce titre, ce spécialiste peut être amené à exploiter les référentiels professionnels et les connaissances institutionnelles pour problématiser une question sociale. Et ainsi proposer, voire conduire, des actions dans le but de développer un secteur, une activité, des ressources humaines et techniques, mener des enquêtes ou produire des études. « On peut être à la fois sur du management, du conseil, de la formation, de l’animation de groupe de travail, de la recherche. L’ingénieur social se situe au carrefour de tout cela, ce qui assez rare dans le secteur », admet Vianney Hautbois, ingénieur social près de Rennes.
Son DEIS en poche, cet ex-chef d’un service accueillant des personnes en situation de handicap s’est lancé à son compte voilà deux ans. En fin connaisseur du secteur, il est d’autant plus apprécié dans ses nouvelles fonctions qu’il a une longue expérience du terrain, conjuguée à de solides compétences analytiques et méthodologiques ainsi qu’à une bonne aptitude à prendre du recul. Allié à la diplomatie indispensable pour créer des passerelles entre des acteurs de nature diverse (élu, collectivité, habitant, public accompagné, bénévole, professionnel), ce faisceau de compétences représente peu ou prou le prérequis pour exercer en tant qu’ingénieur social. « Ce que j’aime autant que cela peut m’irriter, c’est d’être confronté à des situations qui nécessitent une réflexion collective pour élaborer une réponse sociale, confie Sébastien Rebeix. C’est ce mouvement qui me plaît, car il invite à dégager un dénominateur commun qui peut déboucher sur quelque chose de nouveau. »
Seule et unique voie d’accès pour devenir ingénieur social, le DEIS (diplôme d’Etat d’ingénierie sociale) est en cours de réforme. Le diplôme modifié compte trois blocs de compétences avec la possibilité de les valider partiellement. D’ici 2026, son contenu sera également revu. De niveau 7 (bac + 5), la formation est ouverte aux titulaires d’un diplôme de niveau bac + 4 minimum dans le domaine de l’action sociale ou de la santé, ou aux candidats pouvant justifier d’au moins trois ans d’expérience professionnelle dans ces secteurs. A la sortie, certains occupent un poste de cadre (chef de service, directeur), d’autres de chargé de mission ou d’études, de coordinateur, de consultant indépendant. Enfin, une part non négligeable des diplômés réintègrent leur poste.