Au début d’une formation sur les risques psychosociaux (RPS) organisée pour un service social d’une grande entreprise, une assistante sociale m’interpelle : « Vous allez nous parler de harcèlement, de sexisme, de responsabilité, de nos relations avec le CSE, mais nous, tout ce qu’on a souvent à proposer aux salariés qui vont mal, c’est de la câlinothérapie ! »
Voici une bonne entrée en matière ! Il est vrai que dans les enquêtes consacrées aux RPS, de très nombreux salariés se disent stressés. Le stress n’est ni une définition juridique, ni même une pathologie, mais plutôt un symptôme qui peut dégénérer en maladie professionnelle. Et là, les choses peuvent devenir juridiques : quelle est la source du problème et comment le traiter ? Quelle est la responsabilité de l’employeur ? Le positionnement de l’assistante sociale du travail peut s’en trouver délicat : « Je fais quoi, si le salarié me dit qu’il est victime de harcèlement, qu’il me demande de l’aider et d’alerter la hiérarchie, ou si je suis convoquée par le DRH ? »
Rappelons quelques règles, car il est important que chaque protagoniste connaisse ses attributions et ses responsabilités pour bien accompagner la victime… Si elle est bien victime. Le propos peut choquer, mais il n’est pas rare qu’une distorsion entre la définition juridique du harcèlement ou de la discrimination et le ressenti du salarié conduise à l’échec de ses démarches judiciaires.
Il s’agit donc de distinguer ce qui relève du droit (harcèlement, discrimination, sexisme, conditions et parfois rythmes de travail…) de ce qui n’en relève pas. Le défaut d’autonomie, la nature répétitive du travail ou encore l’obligation de se dépêcher sont souvent déplorés dans les enquêtes. S’y ajoutent les problèmes de famille, d’argent, de logement ou de santé, indépendants du travail. Pourtant, l’approche reste juridique, car l’article D. 4631-1 du code du travail dispose notamment que « le service social agit sur les lieux mêmes du travail pour suivre et faciliter la vie personnelle des travailleurs… » Le mal-être du travailleur, quelle que soit son origine, est donc bien l’affaire de l’assistante sociale, même si certains DRH veulent la cantonner à ce qui relève exclusivement du champ professionnel. Ensuite, « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (code du travail, art. L. 4121-1). Sa responsabilité est donc globale et générale. Si malheur devait arriver alors qu’il a été alerté, son inaction pourrait même relever de la faute inexcusable, avec les conséquences indemnitaires qui en découlent. Au pire, sa responsabilité pénale pourrait être engagée.
L’assistante sociale du travail doit savoir ce que sont juridiquement le harcèlement moral ou sexuel, les agissements sexistes, ou encore la discrimination, afin d’orienter le salarié en connaissance de cause. Mais en toutes hypothèses, elle doit l’accompagner sans violer le secret professionnel. Or, d’un point de vue purement juridique, elle ne peut alerter le médecin du travail, le CSE ou la DRH aussi librement que d’autres pourraient ou devraient le faire. Dans un arrêt du 8 avril 1998, la Cour de cassation rappelait que nul ne peut affranchir de son obligation de secret un professionnel qui y est astreint. En pratique, l’interdit doit être nuancé, car le risque qu’un salarié reproche le viol du secret à l’assistante sociale qui vient à son secours est évidemment hypothétique. Mais la prudence et souvent l’efficacité de l’intervention sociale commandent de se situer davantage dans une démarche d’accompagnement : « Vous voulez que j’en parle à votre manager ? Allons plutôt le voir ensemble ! »