1 Un historien bien connu dans le secteur. Les travaux de Mathias Gardet portent sur les politiques sociales à l’égard de l’enfance et de la jeunesse dites « délinquantes », « arriérées » ou « inadaptées ». Ses livres Mauvaise Graine. Deux siècles d’histoire de la justice des mineurs et La Parole est aux accusés. Histoires d’une jeunesse sous surveillance, 1950-1960, coécrits avec Véronique Blanchard, ainsi que L’Internationale des républiques d’enfants, 1939-1955 font date. Il est aussi responsable du centre d’exposition historique et du portail de ressources numériques « Enfants en justice XIXe-XXe siècles ». Depuis un an, il publie chaque mois une chronique dans la page « Mémoires du social » des ASH.
2 Témoignages. Dans son dernier ouvrage, il donne la voix à de jeunes Algériens venus en France entre 1945 et 1963 pour rejoindre un proche ou trouver un emploi. Arrêtés pour vagabondage ou petits délits, ils ont été enfermés plusieurs mois dans un ancien centre d’observation de la justice des mineurs, à Savigny-sur-Orge. C’est là que l’historien a retrouvé leurs traces et a constitué un échantillon de 150 dossiers dans lesquels les jeunes décrivent leur parcours, leur vie quotidienne, leurs rapports avec les éducateurs, leurs aspirations, leurs amours… Figurent aussi les lettres qu’ils ont écrites à leur famille ou à leurs copains mais que, de toute évidence, l’administration a confisquées.
3 Une plongée dans le racisme ordinaire. A la spontanéité des jeunes s’opposent la sévérité de l’institution judiciaire, les jugements inquisiteurs ou à l’emporte-pièce des équipes éducative, sociale et psychiatrique, l’absence totale d’empathie des professionnels… Le tout sur fond de guerre d’Algérie et de racisme. En témoigne la violence de certains commentaires : « Type arabe à peine touché par la civilisation européenne. Son comportement est celui d’un primitif. » Ou encore : « C’est avant tout un jeune Algérien gardien de chèvres dans l’Atlas. Sous la tente kabyle, il serait un remarquable poète et chanteur […]. Perd son temps en France. »
« Nous sommes venus en France », Mathias Gardet, éd. Anamosa, 26 €.