Au siècle dernier, il était fréquent pour les établissements d’organiser un déplacement de quelques jours pour les usagers, souvent à proximité géographique. C’est ce que l’on appelait les « transferts d’établissements » ou « séjours institutionnels », qui permettaient aux personnes de profiter de quelques jours de vacances. Cette modalité qui demandait une logistique importante et une forte gestion du personnel s’inscrivait dans une logique éducative. Bien qu’à cette époque-là on ne parlait pas encore de projets individuels, ces séjours étaient instrumentalisés au profit de finalités diverses comme la socialisation ou l’autonomie des publics. Progressivement, à partir de la fin des années 1990, une autre manière d’organiser les vacances s’est mise en place, avec ce que l’on nomme aujourd’hui les « vacances adaptées organisées » (VAO). Concrètement, il s’agit de séjours organisés par des prestataires spécialisés. Deux manières d’accéder aux vacances se distinguent, avec des enjeux différents quant aux attentes et en matière de socialisation. Les usagers ont le choix de partir soit en transfert avec des personnes de leur institution, soit en séjour adapté avec d’autres personnes qu’ils ne connaissent pas. Mais, dans les deux cas, le séjour implique un entre-soi pour les personnes handicapées.
Votre question me permet d’exposer une troisième voie, avec l’apparition et le développement d’une modalité influencée par la vision inclusive portée par la loi du 11 février 2005. Il s’agit de permettre aux personnes handicapées d’accéder et de profiter de l’offre touristique « classique » ou « ordinaire ». On parle de tourisme « inclusif » ou « accessible ». Dans ce cadre, les personnes en situation de handicap peuvent en quelque sorte sortir de leur huis clos et fréquenter d’autres personnes que celles avec lesquelles elles vivent en établissement, et surtout pas uniquement des personnes handicapées. Toutefois, cette modalité inclusive implique une condition essentielle parfois négligée : l’accessibilité.
Les séjours de vacances adaptées répondent à la diversité des attentes et des besoins des personnes handicapées. Je pense que le degré de handicap ne peut pas être avancé comme une contre-indication, un prétexte ou une excuse pour ne pas avoir accès aux vacances. Tout est possible. Certains séjours adaptés sont spécifiquement pensés et organisés pour accueillir des vacanciers très dépendants. En revanche, les coûts des séjours adaptés sont souvent relativement élevés. La possibilité de partir en vacances ne relève pas du degré de handicap mais plutôt de la mise en œuvre de l’accessibilité généralisée.
Pour ma part, le développement de l’offre touristique pour les personnes en situation de handicap est conditionné par la démocratisation de l’accessibilité. Si les séjours institutionnels ou adaptés proposent des prestations ajustées aux besoins et attentes d’un vaste public composé de différents types et degrés de handicap, l’offre touristique généraliste dispose d’une marge de progression conséquente. En fait, le gros frein reste le manque d’accessibilité. C’est pourquoi, en se mobilisant en faveur d’une accessibilité généralisée, cette offre peut évoluer et se transformer pour accueillir une clientèle aux besoins spécifiques. Mais cela implique un engagement concerté et combiné de la part de l’ensemble des acteurs de l’offre touristique.