Elle raconte, face caméra, calée dans un fauteuil rouge : « Un jour, j’ai trouvé Nassim, 16 ans, dans son lit alors qu’il aurait dû être au lycée. (…) Je lui ai demandé de se préparer. Mais ce jour-là, il n’a pas réussi à s’y rendre. » La narratrice s’appelle Elisabeth. Elle est éducatrice spécialisée chargée de l’insertion professionnelle et de la scolarité au service d’accueil d’urgence de l’Idefhi, l’institut départemental de l’enfance de Seine-Maritime. A chacun, derrière son écran de téléphone ou d’ordinateur, de se positionner : comment, d’après vous, la professionnelle a-t-elle réagi ? « Elle a proposé à Nassim un entretien en fin de journée » ou « elle a engagé le dialogue » avec lui ?
Inspiré d’une situation réelle, ce témoignage est issu du serious game « Je choisis », que lancent en cette rentrée scolaire l’Institut de formation d’éducateurs de Normandie (Ifen) et l’Institut départemental de l’enfance, de la famille et du handicap pour l’insertion (Idefhi). Un partenariat évident pour deux structures seinomarines qui collaborent depuis plusieurs années autour d’un enjeu fondamental : recruter de futurs professionnels dans un secteur en mal de vocations, marqué par un fort déficit d’attractivité. En témoigne la courbe des inscrits en formation qui, à quelques exceptions près, ne cesse de s’infléchir depuis 2010.
Le secteur connaît ses faiblesses. En novembre 2023, le Livre blanc du travail social soulignait la nécessité d’engager une stratégie de communication autour des métiers. Avec pour levier, suggérait l’une de ses recommandations, l’utilisation de « médias attractifs et diversifiés (jeux vidéo, capsules d’immersion professionnelle, mini-série humoristique) ». « Certaines professions développent beaucoup d’outils interactifs pour découvrir les métiers. Pas le travail social : culturellement, ça ne se fait pas », constate Cécile Batby, responsable qualité, communication et RSE (responsabilité sociétale des entreprises) à l’Ifen.
Pour que cela change, l’école a répondu à un appel à projets de la région Normandie, fin 2022, dédié au développement de ressources pédagogiques innovantes. L’engagement de la collectivité et le concours d’un prestataire ont permis de développer deux versions du jeu : l’une dédiée au métier d’éducateur spécialisé, l’autre de moniteur-éducateur.
L’une comme l’autre cultive les mêmes ressorts. Qui dit jeu, même « sérieux », dit interaction. Pour accéder aux témoignages, il faut d’abord viser une cible avec un arc (il est possible de passer cette étape). Chaque bonne réponse aux situations illustrées permet de collecter une clé. Il vous en faudra au minimum cinq pour déverrouiller le coffre d’accès aux métiers. Et découvrir les caractéristiques de la formation, jalonnées là encore de témoignages.
Elisabeth, l’éducatrice spécialisée, est l’une des quatre professionnels de l’Idehfi à s’être prêtée au jeu. A ses côtés, quatre étudiants de l’Ifen. Tous décrivent une situation, leur réaction, ce qu’ils aiment et les qualités que requiert le métier. « Chaque volontaire a contribué gracieusement. C’est rare qu’un employeur demande à des salariés de valoriser leur travail, ou qu’on mette en avant des stagiaires, explique Cécile Batby. L’expérience, en ce sens, a été un levier motivationnel. Ils ont été contents d’avoir participé au film. »
« Je choisis » se joue en solo, via un accès joueur. Il peut également être présenté à un auditoire, via un accès formateur dont pourront s’emparer les professionnels de France travail et des mssions locales. Hébergé sur le site de l’Ifen, il peut être librement réutilisé. « Les situations sont parfaitement transposables, les caractéristiques de la formation sont à peu près les mêmes partout », remarque Cécile Batby, qui vient de présenter l’outil, début octobre, aux adhérents de l’Uriopss de Seine-Maritime. Alors, d’après vous, fallait-il proposer un entretien à Nassim ou engager le dialogue avec lui ?
Making of du jeu : bit.ly/3TMQTEB – Contact :