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Revaloriser pour limiter la casse

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Revaloriser pour limiter la casse

Secteur public, secteur privé non lucratif, secteur marchand… Si les employeurs du travail social sont conscients de la nécessité de revoir les rémunérations à la hausse, leurs budgets ne leur permettent que rarement d’être à la hauteur d’une telle ambition. Particulièrement en période d’inflation soutenue.

Sur le papier, l’embellie semble de rigueur sur le front de l’emploi dans le travail social. Après les années de stagnation consécutives à la période pandémique, l’heure est à la reprise des créations d’emplois chez les employeurs associatifs non lucratifs. Ainsi, pour le deuxième trimestre 2023, la dernière note de conjoncture d’ESS France sur l’économie sociale et solidaire recensait 13 481 nouveaux emplois créés dans le champ de l’hébergement social et médico-social, 9 382 dans celui de la santé, 3 102 dans les sports et les loisirs et 965 dans l’action sociale. A contrario, c’est l’aide à domicile qui, en dépit de besoins croissants dans ce domaine, encaissait les plus lourdes pertes, avec 1 210 emplois en moins. Ils ont été absorbés par un secteur marchand en croissance de 6 % sur la même période. Et cette tendance à la relance des créations de postes s’observe également dans la fonction publique territoriale.

Selon le 12e panorama de l’emploi de la Fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale (FNCDG), les collectivités avaient fait paraître 5 024 offres d’emploi de travailleurs sociaux en 2022 – toutes spécialités confondues –, contre 3 880 l’année précédente. Une hausse qui porte à 36 700 le nombre total de ces professionnels employés par la fonction publique territoriale.

Des augmentations inférieures à l’inflation

Côté salaires, en revanche, la tendance peine à suivre. Grâce à l’investissement de l’Etat, 2024 a certes vu une amélioration parfois sensible des revenus de certaines catégories de personnel. Laquelle a notamment été favorisée par la récente extension du Ségur de la santé aux dizaines de milliers de salariés de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass) qui en avaient été exclus (voir p. 42), mais aussi par la révision à la hausse des rémunérations jusqu’à 150 € par mois pour les employés des crèches publiques et privées couvertes par la prestation de service unique (PSU). Ou encore par l’injonction gouvernementale faite aux employeurs de l’hospitalisation privée d’appliquer dans la branche la nouvelle grille des rémunérations gratifiant les niveaux de salaires proches du Smic d’une augmentation de 206 € bruts par mois.

Mais en dépit de ces avancées, certains salariés continuent à tirer le diable par la queue. « Les hausses de rémunération que l’on observe demeurent encore inférieures à l’inflation », soupire Steve Lewis, responsable de l’Observatoire national de l’ESS (Oness). Conséquence : dans des secteurs en pénurie de personnel, les salariés ont tendance à faire leur marché entre les différentes structures employeuses en fonction des grilles de salaires et des conventions collectives. « Dans certains domaines, l’application du Ségur a creusé des écarts salariaux de presque 15 % à postes identiques : on ne peut pas s’aligner », déplore Mehdi Tibourtine, directeur général adjoint de la Fédération des entreprises de services à la personne (Fesp), qui réunit les principaux acteurs privés du secteur.

Tutoyer le Smic

Alors que la FNCDG estime à 32 225 € brut le salaire annuel d’un travailleur social dans la fonction publique territoriale, difficile de connaître les chiffres du privé (marchand ou non marchand), faute d’études centralisées. Deloitte, Mercer, LHH, Alpha… aucun des grands cabinets qui réalisent chaque année les palmarès salariaux de l’économie française ne fouillent guère en profondeur le domaine social, exception faite des rémunérations des cadres. « C’est un secteur qui échappe en grande partie à notre scope », reconnaît-on d’ailleurs au sein de l’un d’eux. Une constante, cependant : les différences de rémunérations ont tendance à être très ténues, malgré la vingtaine de grilles existantes. « Quel que soit le domaine, associatif ou privé lucratif, les premiers échelons de salaires – qui correspondent le plus souvent à des niveaux de formation infra-Bac ou même Bac – ont tendance à tutoyer le Smic à peu de choses près », résume un dirigeant de fédération patronale.

Cependant, sur pression de l’exécutif après la parenthèse du confinement, les branches ont dû retravailler leur attractivité. Et la question salariale s’est évidemment posée, limitée toutefois par les faibles marges des activités du travail social, du soin ou de l’accompagnement. Notamment, là où l’Etat ne s’est pas impliqué financièrement comme il a pu le faire avec le Ségur (+ 183 € net par mois) ou les crèches PSU. Au sein d’Elisfa, syndicat des employeurs du lien social et familial, une nouvelle grille bloquant le premier niveau de salaire au Smic + 4 % a ainsi été négociée par les partenaires sociaux, afin « qu’aucune rémunération annuelle ne soit inférieure à 22 100 € brut annuels », explique Manuela Pinto, déléguée générale d’Elisfa. Dans l’aide à domicile, syndicats et patronat ont revu la rémunération minimale légèrement à la hausse, à 12,11 € brut de l’heure (contre 11,52 € pour un Smic « normal »). « Dans l’état actuel des choses, il était impossible d’aller au-delà », regrette Mehdi Tibourtine.

Cadres : une absence de variable qui pèse

A l’image des professionnels de terrain, les cadres du milieu social sont moins bien lotis que leurs pairs des autres secteurs. Si, dans le public, leur salaire suit celui des grilles de la fonction publique (territoriale ou associative, le plus souvent), dans le privé, il est souvent de 17 % à 33 % inférieur à celui de leurs homologues du secteur marchand, selon une étude du cabinet Deloitte. Une situation qui s’explique notamment par l’absence de mécanismes de rémunération variable, d’intéressement ou de participation dans ces structures comme le pratiquent les entreprises des services ou de l’industrie. « Il est plutôt rare qu’un salaire de cadre dépasse les 75 000 € annuels », confie le DRH d’une grande association gestionnaire d’établissements de soins. Mais avec une réserve, toutefois : « Lorsqu’il s’agit de cadres dirigeants, parmi les plus hauts échelons de la hiérarchie, on peut effectivement trouver des rémunérations équivalentes à celles des grosses boîtes du CAC 40. Ce qui n’est pas sans susciter un fort sentiment d’injustice de la part de leurs inférieurs immédiats… »

Bref, rien qui n’incite à la rétention des talents, dans ce secteur qui peine d’ordinaire à recruter. « Fidéliser les salariés à tous les niveaux de l’échelle, c’est l’un des principaux problèmes de ces secteurs. Et c’est un véritable enjeu : non seulement pour le développement de ces structures, mais aussi parce que le turn-over peut se traduire par un accroissement des situations de maltraitance envers les usagers, surtout dans les établissements du secteur médico-social. Parfois, cela conduit à des drames », avertit Steve Lewis. Alors, dans les instances paritaires des branches (syndicats et patronat), on se creuse la tête pour retenir les salariés. En débloquant, par exemple, des moyens conventionnels supplémentaires pour la formation professionnelle afin de garantir leur évolution, en mettant en place des mécanismes de RTT ou de congés plus avantageux ou encore en instaurant des politiques de partage de la valeur, comme le suggérait l’Udes (Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire). Mais toujours avec les contraintes d’un cadre financier extrêmement serré…

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