Avant la crise sanitaire, nous sentions déjà que la situation se compliquait pour nos employés. De nombreux signes attestent de leur précarité financière. Une quarantaine d’entre eux demande régulièrement des acomptes sur salaires. Certains font aussi l’objet de saisies administratives à tiers détenteur, et parfois de manière répétée. On observe aussi des problèmes de surendettement, révélés par le cabinet d’assistantes sociales avec lequel nous travaillons depuis plusieurs années pour accompagner les salariés en difficulté. De plus en plus de salariés décident d’habiter dans l’Oise, où la pression immobilière est moins forte. Au début, ils sont contents, avant de se rendre compte du coût en carburant occasionné par cet éloignement et de l’allongement des temps de trajet. Aujourd’hui, les bas salaires empêchent même l’accès au 1 % logement, qui, du reste, propose rarement des logements à proximité du lieu de travail. Certains salariés dorment dans leur voiture ou doivent travailler ailleurs pendant leurs congés, soit en intérim, soit en contrat à durée déterminée.
Les assistantes sociales avec lesquelles nous travaillons jouent un rôle important. Elles peuvent être contactées par tout salarié ayant besoin d’aide, qu’il s’agisse d’accès au logement, de problèmes de surendettement ou en cas de séparation. Lorsqu’un salarié adresse quatre demandes d’acompte et fait l’objet de quatre avis de tiers détenteur, on le contacte pour lui rappeler que ce service existe. Dans les situations complexes, il est possible d’obtenir un prêt sans intérêt du comité social et économique, mais on exige un suivi social. De plus, nous faisons partie d’une mutuelle qui dispose de fonds d’aides spécifiques qui permettent, sur dossier, de payer le reste à charge des coûts de santé, voire d’exonérer temporairement le salarié de cotisations salariales. Enfin, nous disposons d’une solution d’hébergement d’urgence de trois mois au maximum. Elle a été activée trois fois en un an et demi.
Dans les établissements, un certain nombre de salariés effectuent des heures supplémentaires. Notamment pendant les vacances scolaires, grâce aux dispositifs de répit qui sont mis en place dans nos structures. Cependant, nous devons limiter ces possibilités afin de préserver le temps de repos des personnels. Par ailleurs, cette solution n’en est pas vraiment une pour les familles monoparentales, car elle implique de pouvoir faire garder les enfants. Nous avons aussi institué une prime de présentéisme. Au-delà, nos marges de manœuvre sont limitées par la logique pluriannuelle du Cpom [contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens], qui empêche la négociation de dotations supplémentaires au fil de l’eau. Au moment du recrutement, nous ne sortons pas des grilles de la convention collective 51. Gonfler les reprises d’ancienneté poserait un problème d’équité. Lors des entretiens professionnels, nous encourageons donc les salariés à monter en qualification pour améliorer leur rémunération. On peut également valoriser certaines compétences particulières sous forme de primes, mais elles ne sont pas pérennes.
Nous sommes en réflexion constante sur ces sujets. Par exemple, nous avons mis fin aux avances de frais dans le cadre professionnel, car les salariés avaient besoin d’être remboursés rapidement. Nous avons donc instauré des cartes prépayées et non nominatives, destinées aux achats du quotidien pour les personnes accompagnées. Nous poursuivons ce même objectif avec nos véhicules de service, en limitant les avances de frais par les professionnels. Lorsqu’un salarié utilise exceptionnellement sa voiture et qu’il y a un accident, on déclare le sinistre à notre assureur afin qu’il évite le malus. En ce moment, on réfléchit à la façon de nous porter caution pour des salariés, afin de leur faciliter l’accès au logement. On aimerait aussi développer le covoiturage et organiser des navettes entre les gares et certains lieux de travail pour éviter le recours aux véhicules personnels, mais cela reste compliqué. Enfin, nous réfléchissons à la possibilité de réserver des places auprès de groupes de crèches. Mais on pourrait aller plus loin. Nous militons pour une réflexion inter-associative, car on constate peu d’échanges de bonnes pratiques sur ces enjeux.