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Le casse-tête du « secret partagé » à l’hôpital

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Si les règles du partage d’informations à caractère secret au sein d’une équipe de soins sont régies par le code de la santé publique, dans la pratique, il n’est pas simple de s’y retrouver.

Quand on lit les dispositions du code de la santé publique (CSP) définissant « l’équipe de soins » et organisant le partage d’informations à caractère secret dans le cadre d’une prise en charge sanitaire, on peut légitimement se demander si les rédacteurs avaient déjà mis les pieds dans un hôpital avant de nous gratifier d’une sémantique aussi nébuleuse !

Schématiquement, les modalités de ce partage diffèrent selon que les professionnels concernés appartiennent ou non à ladite équipe de soins, au sens de l’article L. 1110-12, et en son sein, de la catégorie à laquelle chacun d’eux appartient. Le lecteur friand de déchiffrage juridique et ne craignant pas la migraine se fera un plaisir de faire lecture intégrale de cet article (voir encadré ci-contre).

Au début, les choses sont plutôt simples, s’agissant des assistants de service social, on comprend que ceux qui participent à la prise en charge d’un patient déterminé (et non des patients en général) au sein de l’hôpital sont membres de l’équipe de soins. Mais lorsque le législateur vise des professionnels extérieurs à l’établissement, le texte devient si abscons que les pouvoirs publics ont dû recourir à une clarification, en la forme d’un arrêté du 25 novembre 2016 : « Elle [l’équipe de soins] n’implique pas une modification des pratiques professionnelles. Elle a au contraire vocation à être suffisamment souple pour permettre l’échange et le partage des données de santé dans le respect des droits des personnes concernées, entre des professionnels agissant au bénéfice d’une même personne, ne relevant pas uniquement du secteur sanitaire et pouvant intervenir en dehors des murs de l’hôpital. »

Conclusion : ne changez rien ! C’est comme si on en revenait au mode d’emploi du partage hors cadre légal qui figurait déjà dans une lettre-circulaire de 1996 : ne partager que ce qui est strictement nécessaire avec des professionnels astreints au secret, dans l’intérêt de l’usager – ici du patient – qui en a été avisé. Tout ça pour ça, donc ? Pas tout à fait, car un arrêté n’efface pas une loi ni un décret, et un médecin ne saurait s’en prévaloir pour exiger d’une assistante sociale qu’elle lui communique des informations hors du cadre légal et règlementaire. Pour le comprendre, revenons sur le concept d’équipe de soins.

L’équipe de soins : les blouses blanches et les autres

L’article R. 1110-2 du CSP scinde l’équipe de soins en deux catégories : les professionnels de santé (à tout seigneur, tout honneur), et… les autres ! En tête de liste figurent les assistants de service social (tout de même !), suivis d’une énumération allant des psychologues aux accueillants familiaux en passant par les mandataires à la protection des majeurs. De ce fait, tout ce beau monde se retrouve astreint au secret professionnel, souvent par mission et circonstances, ce qu’il n’est pas inutile de rappeler à ceux qui ne le sont pas par métier. Dès lors, comment partager ?

Tentons une synthèse : les membres d’une même équipe de soins peuvent partager des informations strictement nécessaires à la continuité de la prise en charge, sans solliciter l’accord formel du patient, puisque ces informations sont réputées confiées aux membres de l’équipe (CSP, art. L. 1110-4), à condition qu’ils interviennent dans le périmètre de leur mission (CSP, art. R. 1110-1), et que le patient ne s’y soit pas opposé en début de prise en charge ou ultérieurement. Si ces professionnels, même membres de l’équipe de soins, n’appartiennent pas à la même catégorie (par exemple un médecin et une assistante sociale), le patient doit être informé du partage et de l’identité du destinataire, ainsi que de sa faculté de s’y opposer (CSP, art. R. 1110-3). Dans tous les autres cas, et notamment s’ils ne font pas partie de la même équipe de soins, il leur faut recueillir préalablement l’accord express et écrit (même numérique) du patient (CSP, art. D. 1110-3-1 et D. 1110-3-2), sauf en cas d’impossibilité ou d’urgence. Dans ce cas, le consentement pourra être donné ou retiré postérieurement, lorsque le patient sera en état d’y procéder (CSP, art. D. 1110-3-3). Le consentement est strictement limité à la durée de la prise en charge.

Un partage d’informations soigneusement circonscrit

Ainsi, une assistante sociale de l’hôpital devrait obtenir l’accord écrit et éclairé du patient pour échanger avec une consœur hors équipe de soins. En revanche, sauf opposition globale du patient, notamment en début de prise en charge, le partage avec un psychologue de l’établissement ne nécessite ni accord, ni même information pré­alable du patient, puisque les deux professionnels appartiennent à la même catégorie. Mais si un médecin demande des informations à une assistante sociale de l’hôpital, et bien qu’ils soient tous deux membres de l’équipe de soins, elle devra non pas obtenir l’accord formel du patient, mais l’en informer préalablement, ainsi que lui offrir la possibilité de s’y opposer, puisque ces deux professionnels sont de catégories différentes. Un casse-tête, disions-nous en titre !

Evidemment, le formateur juridique que je suis ne va pas dire aux assistantes sociales hospitalières de ne pas respecter la loi. Mais je constate que dans de nombreux établissements, le dossier patient informatisé (DPI) permet à tous d’accéder à tout – ou presque. Ou qu’en psychiatrie, il est d’usage d’organiser des réunions pluridisciplinaires où la situation de plusieurs patients est évoquée collectivement. Je peux aussi leur dire que l’accord écrit et formalisé hors équipe de soins est loin d’être généralisé. En théorie, tout cela est d’une légalité douteuse. Pour autant, est-ce grave, docteur ? En principe, le médecin ne va pas s’intéresser aux problèmes sociaux du patient sans bonnes raisons. Et le patient ne va pas s’opposer à un partage qui sert ses intérêts. Le risque juridique est donc modéré, d’autant plus que, comme nous l’avons vu, l’arrêté du 25 novembre 2016 vise à entériner les pratiques bien installées. Mais modéré ne signifie pas nul, et il est donc préférable d’adapter ses pratiques, autant que faire se peut.

L’équipe de soins au sens du code de la santé publique (art. L. 1110-12)

Pour l’application du présent titre, l’équipe de soins est un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d’un même patient à la réalisation d’un acte diagnostique, thérapeutique, de compensation du handicap, de soulagement de la douleur ou de prévention de perte d’autonomie, ou aux actions nécessaires à la coordination de plusieurs de ces actes, et qui :

Soit exercent dans le même établissement de santé, au sein du service de santé des armées, dans le même établissement ou service social ou médico-social mentionné au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ou dans le cadre d’une structure de coopération, d’exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale figurant sur une liste fixée par décret ;

Soit se sont vu reconnaître la qualité de membre de l’équipe de soins par le patient qui s’adresse à eux pour la réalisation des consultations et des actes prescrits par un médecin auquel il a confié sa prise en charge ;

Soit exercent dans un ensemble, comprenant au moins un professionnel de santé, présentant une organisation formalisée et des pratiques conformes à un cahier des charges fixé par un arrêté du ministre chargé de la santé.

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