Il faut distinguer les lieux privatifs des lieux de services généraux. La position ne peut pas être la même. Dans les parties communes comme les couloirs, les caméras peuvent être intéressantes pour la sécurité des résidents, notamment la nuit. Concernant les chambres, selon la Cnil, c’est non par principe, sauf s’il y a une enquête pour des cas de maltraitances qui n’a pas été solutionnée. Je resterai dans cette ligne-là, pour deux raisons : le respect de l’intimité de la personne âgée, mais aussi parce que la chambre est un lieu de travail. On ne peut pas filmer un salarié en permanence, même avec son autorisation. Il faut faire attention à ne pas devenir un lieu de « flicage » pour tout le monde. Ce qui pose un vrai problème, lorsque des familles installent des caméras à notre insu.
Que cherche-t-on finalement ? Garantir la sécurité du résident ou prouver une suspicion de maltraitance ? Dans le premier cas, comment se pose la sécurité d’un résident en chambre ? A 90 %, c’est la chute. Dans les Ehpad aujourd’hui, il n’est pas possible d’avoir un professionnel pour une personne âgée. Lorsqu’un résident tombe, il faut que nous ayons un moyen pour repérer rapidement l’accident. Le détecteur de chutes me paraît être une solution intéressante. Dans le deuxième cas, si on met des caméras parce qu’on suspecte un aide-soignant d’être virulent, voire maltraitant, la peur risque de s’installer… Les salariés craindront d’être fliqués et les résidents de mettre en défaut les salariés. De quoi abîmer les relations. Je suis persuadé que dans les années à venir, l’intelligence artificielle prendra de plus en plus d’ampleur dans notre secteur et qu’elle trouvera un moyen pour répondre à cette double problématique du confort du résident et de la prévention des risques.
Quoi qu’il en soit, je préfère travailler dans une dynamique de prévention. La sensibilisation du personnel est fondamentale, notamment avec des formations flash pour ceux qui viennent faire des remplacements, mais également la mise en place de groupes de régulation. Nous avons de plus en plus de personnes âgées dont les profils n’ont plus rien à voir avec ceux d’il y a encore sept ou huit ans : troubles psychologiques importants, troubles cognitifs lourds, à la limite du psychiatrique. Ce cocktail de pluri-pathologies peut malheureusement amener certains professionnels à se livrer à des comportements maltraitants. Nous avons donc adopté ce que j’appelle un système inversé : lorsque des résidents ou des familles se montrent agressifs envers les intervenants, le dispositif Erapro (évaluation des risques des aidants professionnels) met immédiatement en place une sorte de « main courante » virtuelle. Il ne s’agit pas de sanctionner les personnes âgées ou leurs proches, mais de soutenir les salariés pour éviter qu’ils se sentent épuisés, voire anéantis.
L’Ehpad et le domicile sont les secteurs où le taux d’accidents du travail est le plus élevé. Il y a bien sûr la manutention et les troubles musculosquelettiques, mais l’expression « en avoir plein le dos » en dit également long sur le comportement de certaines familles qui ne se montrent pas très coopérantes. J’estime que ce n’est pas le résident qui doit être au centre du dispositif, sinon la relation entre résidents et professionnels.