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50 ans de péril jeune

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Face aux récents faits divers mettant en cause des adolescents, et après l’appel du Premier ministre à un « sursaut d’autorité », tourner son regard vers le passé s’avère utile. Car le phénomène, loin d’être nouveau, était déjà à l’étude il y a un demi-siècle.

Si la question de la violence des jeunes est à nouveau sous les feux de l’actualité, il semble important de souligner qu’elle était déjà inscrite dans l’agenda politique il y a presque cinquante ans. Au début des années 1970, à la suite d’une série d’émeutes dans les banlieues des grandes villes qui font la une des médias, Jacques Chirac, alors Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing, décide de nommer par décret du 23 mars 1976 un « comité d’études sur la violence, la criminalité et la délinquance », dont la présidence est confiée à Alain Peyrefitte, qui sera nommé garde des Sceaux au moment de la remise du rapport, en 1977.

Un sentiment d’insécurité médiatisé

La composition de ce comité témoigne d’une volonté de faire appel à des experts venus d’horizons différents. On y retrouve : Jean Chazal de Mauriac, souvent désigné comme l’un des premiers juges des enfants, promoteur de l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante, devenu conseiller honoraire à la Cour de cassation ; Pierre Deniker, neuropsychiatre et médecin-chef à l’hôpital Saint-Anne ; Jacques Ellul, professeur de sociologie à l’université de Bordeaux, remarqué notamment pour son livre co-écrit avec l’éducateur Yves Charrier, Jeunesse délinquante. Des blousons noirs aux hippies (éd. Mercure de France, 1971) ; Max Fernet ancien directeur central de la police judiciaire ; Jean Fourastié, économiste et professeur au Cnam, réputé pour son engagement auprès du commissariat au Plan et pour ses ouvrages de réflexion philosophique, qui sera l’inventeur deux ans plus tard de l’expression « Trente Glorieuses » ; Paul Lombard, avocat au barreau de Marseille, célèbre pour avoir été l’un des trois défenseurs de Christian Ranucci lors de son procès ; Simone Rozès, première directrice de l’Education surveillée en 1973 et présidente de 1976 à 1981 du tribunal de grande instance de Paris ; Robert Schmleck, avocat général à la Cour de cassation et directeur de l’Administration pénitentiaire de 1961 à 1964 ; François Spoerry, architecte urbaniste connu pour ses positions à l’encontre de la prolifération des grands ensembles à la périphérie des villes.

Or, si ces spécialistes évoquent le climat de peur sociale, exacerbé par les informations du journal télévisé et les gros titres de la presse – en 1973, Le Nouvel Observateur fait sa une sur : « Les banlieues de la peur » –, leurs conclusions dans le rapport sont pour le moins inattendues et méritent d’être livrées à notre réflexion collective. Un des premiers questionnements repose sur l’accroissement ressenti de la violence en général, et de celle des jeunes en particulier. Les auteurs se demandent s’il ne s’agirait pas plutôt d’une augmentation du sentiment d’insécurité, dû notamment à la fréquence et à l’intensité des messages diffusés par les médias.

Urbanisation, chômage, ségrégation

Pour étayer cette hypothèse, ils se réfèrent à un sondage de l’Ifop qui démontre paradoxalement que, si plus de 80 % des Français éprouvent avec acuité une montée de la violence, 95 % d’entre eux n’ont pourtant ni été les témoins ni subi récemment un acte qui puisse les impressionner. Ils pointent ensuite dans le même sondage le fait que la violence serait toujours perçue comme venant des autres : seuls 12 % des Français reconnaissent ainsi faire preuve d’agressivité, alors que 61 % accusent autrui. De plus, ces accusations désignent tout particulièrement les jeunes, selon un lien mal défini. Enfin, il ressort que la peur de la jeunesse délinquante s’intensifie très nettement à mesure qu’on avance en âge.

Le comité souligne par ailleurs la difficulté d’évaluer avec précision l’évolution de la délinquance juvénile, étant donné l’insuffisance des informations statistiques officielles. D’autant que de nombreux changements de la qualification juridique de certains actes se sont produits au cours du temps. Pour finir, les rapporteurs mettent en avant les problèmes liés à l’urbanisation, au chômage et même à l’allongement de la scolarisation et à la ségrégation qu’elle peut entraîner.

Pour analyser les phénomènes de violence et leur aggravation supposée, aujourd’hui comme hier, ne faut-il pas comprendre avant tout les mécanismes de nos peurs, faire une étude critique de nos outils de mesure et évaluer l’impact des facteurs socio-économiques sous-jacents ?

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