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« Le changement de paradigme de la performance à la santé est un défi »

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Sociologue et spécialiste de l’activité physique adaptée, Claire Perrin déplore le manque d’enseignants formés, seuls capables d’articuler sport et projet éducatif sanitaire pour les personnes vulnérables.
Handisport, sport adapté, sport santé, activité physique adaptée (APA)… Des spécificités se cachent-elles derrière chaque terme ?

Claire Perrin : Il est possible de croire que ces dénominations sont équivalentes, tant elles ont tendance à être employées l’une pour l’autre. Pourtant, du point de vue socio-historique comme de celui des pratiques sociales, elles correspondent à des réalités distinctes.

Le handisport s’adresse aux personnes vivant avec des déficiences physiques, motrices ou sensorielles. Le sport adapté concerne les situations de handicap mental et les maladies psychiques. Le sport santé est une notion plus récente qui s’est concrétisée dans le mouvement sportif à partir de 2000. Il ne s’agit plus seulement pour les clubs sportifs de produire de la performance, mais d’offrir des possibilités de pratiques à visée de santé. Or ce changement de paradigme de la performance à la santé ne va pas de soi pour le mouvement sportif, il s’agit d’un véritable défi. Quant à l’APA, c’est un concept né au Québec dans les années 1970 avec la volonté de rendre accessibles des activités sportives aux personnes qui en sont empêchées du fait d’un handicap, d’une maladie chronique, du vieillissement.

Quand le sport santé a-t-il fait son apparition dans les établissements du secteur ?

Les premières formations universitaires en APA ont développé dès les années 1980 une nouvelle professionnalité qui visait l’éducation physique des usagers, mais aussi la participation sociale dans le cadre de rencontres sportives en ou hors établissement, en partenariat ou non avec les fédérations spécialisées (sport adapté et handisport). De nombreux diplômés ont ainsi été recrutés sur ces missions dans les IME, les MAS ou les FAM. L’importance prise par la lutte contre la sédentarité dans les politiques publiques va marquer une nouvelle étape dans les années 2010 dans les mondes du sport et de la santé. Ce tournant concernait initialement les patients en affection longue durée (ALD), puis les malades chroniques.

Les personnes en situation de handicap (PSH) ont cependant revendiqué leur droit d’accès à la santé et donc à la prévention, en particulier avec la charte « Romain Jacob » (2014). Mais il a fallu attendre la stratégie nationale sport et handicap 2020-2024 pour que la perspective de promotion de la santé soit intégrée pour les PSH. Pour autant, elles sont encore surtout accueillies dans les dispositifs municipaux de prescription d’activité physique. Au mieux, des intervenants sont envoyés en prestation de service spécialisée dans les établissements, sans lien avec un projet global interdisciplinaire.

La loi de démocratisation du sport de mars 2022 et une note d’information de février 2024 suggèrent une articulation de la pratique sportive avec une démarche éducative ancrée dans un projet existant. Elle préconisent trente minutes d’activité physique quotidienne pour les enfants en situation de handicap, sans pour autant créer les conditions que cette intervention puisse prendre un sens dans le cadre d’un projet de promotion de la santé par l’activité physique. Sans cette articulation, sans encadrement qualifié, le dispositif risque de se réduire à un effet de communication le temps de l’année olympique.

Quelle place pour les personnes handicapées ou âgées dépendantes qui souhaitent pratiquer une activité sportive adaptée aujourd’hui ?

Avec le tournant inclusif impulsé par la loi de 2005, toute l’attention a été portée sur les projets hors les murs des institutions. Mais l’accès aux clubs ne garantit aucunement la pratique inclusive. Des articulations entre les mondes médico-social, de la santé et du sport nécessitent des acteurs frontières, comme l’ont montré les travaux de Hugues Lhopital à propos de l’émergence de l’handi-escalade.

Aujourd’hui, le chaînon manquant est clairement identifié : les enseignants en APA titulaires d’un diplôme Staps mention APA-Santé qui leur permet de mettre en place, de coordonner et d’évaluer des parcours complexes dans les territoires. Cette approche est celle qui a le plus de chance d’aboutir à une pratique régulière, durable et si possible inclusive.

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