Censés être au cœur des dispositifs qui les concernent, les enfants suivis sont rarement entendus par d’autres que les professionnels auxquels ils se confient. Paru en mars dernier, « Mots de jeunes protégé.e.s » donne la parole aux principaux concernés. Ce document prend sa source dans deux enquêtes d’Emmanuelle Toussaint et Séverine Euillet – « Rupture et placement : les mots pour le dire… paroles d’enfants » et « Les besoins des adolescents placés hors de leur famille – points de vue d’adolescents ». C’est à partir des 29 entretiens auprès de jeunes de plus de 8 ans que les deux chercheuses, respectivement en psychologie et sciences de l’éducation à l’université de Nantes, ont extrait une partie des verbatims engrangés.
Rédigées sous forme d’abécédaire, ces bribes d’entretien reprennent mot par mot les propos récurrents les plus forts symboliquement des mineurs accompagnés. « La peur de se faire rejeter, toujours » pour Abandon, « Ça veut dire que quand j’ai dit quelque chose, il comprend directement ce que je veux dire », pour Ecoute, « Ne pas avoir de but, tourner en rond, c’est terrible. Tu ne sais pas ce que tu fais aujourd’hui, ni où tu seras demain » pour Gouffre, « Parce que là on vit… dans la peur, dans la peur de se retrouver… sans personne… sans appuis. Sans raisons aussi de vivre, enfin… sans une bonne raison de continuer » pour Peur…
L’objectif est triple. D’une part, rendre visibles les vécus de ces jeunes, à travers leurs pensées et leurs ressentis, en les transmettant à d’autres, professionnels ou particuliers. De l’autre, « nous appuyer pour penser notre propre posture, notre propre relation » à eux, suivant les mots de deux scientifiques, qui ont préfacé l’écrit. Et enfin, donner à ces enfants protégés le statut d’experts de leur propre parcours.