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La relation augmentée, mode d’emploi

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Dispositif de l’association Aurore, Astheriia entend prévenir et accompagner les conduites prostitutionnelles des mineurs. Snapchat est au cœur de sa pratique. La cheffe de service, Katia Baudry, en détaille les ressorts.

Composée de six professionnels, l’équipe d’Astheriia intervient en Seine-Saint-Denis et à Paris, essentiellement dans le cadre scolaire et auprès de structures de l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Aller vers

« Dans le cadre de ses interventions en milieu scolaire, l’équipe repère les élèves au travers d’une révélation ou d’une posture qui l’interpelle. Elle leur remet une carte de visite indiquant le prénom de l’éducatrice, un numéro de téléphone et le compte Snapchat de l’association. Lorsqu’elle intervient auprès d’une structure de l’ASE, dans le cadre d’un accompagnement individuel, elle rencontre le jeune au foyer. Ou, s’il est en fugue, elle s’appuie sur l’expertise des professionnels et d’acteurs de proximité pour recueillir des informations. Et tenter d’entrer en contact, selon différentes stratégies, en demandant son Snap ou en s’appuyant sur les parents, etc. »

Contourner le face à face

« Passer par Snapchat, que la plupart des jeunes utilisent (ou, dans une moindre mesure, par WhatsApp), permet dans un premier temps de créer du lien. Certains jeunes n’ont pas ou plus confiance en l’adulte, qui était censé les protéger et n’a pas su réagir ni poser un cadre bienveillant. Ils sont réticents à parler de leur intimité, des violences vécues, de peur d’être jugés. Ils redoutent le face-à-face, l’idée de se confronter à un regard. L’écran, qui ne laisse pas transparaître les émotions, leur permet de passer ce cap. Une fois le contact établi, il s’agit de renforcer le lien pour le maintenir dans le temps, quelles que soient les circonstances. »

Accrocher

« On commence par dire, non pas : “Bonjour, comment vas-tu ?”, mais : “Ça va ?” C’est le premier code d’accroche. Et la manière dont eux nous interpellent. On écrit normalement, sans mimétisme : “Je m’appelle Katia, je suis éducatrice, on s’est vus à tel endroit.” Ensuite, on suit le fil conducteur que la personne nous amène. Certaines nous parlent très vite de ce qui se passe. D’autres tournent autour. On cherche alors ce que le jeune veut nous dire. On reprend ses mots avec notre propre analyse. On travaille sur les émotions pour les aider à dévoiler l’inentendable. Et s’il est réticent à parler de sa conduite, on ne contraint pas. On parle d’autres sujets, de ses loisirs. On propose des sorties, un resto… Comme avec une relation en face-à-face, on respecte sa temporalité. »

Rester soi-même

« J’écris en français correct, c’est mon identité et je ne vais pas modifier ma manière de faire. Rester soi-même, c’est important. Les jeunes, confrontés à de la manipulation et à des violences, savent identifier si vous êtes honnête ou si vous jouez un rôle. Même à travers le numérique. Etre toujours dans une posture d’apprenant étonné nous oblige à ajuster nos pratiques pour être au plus près des réalités du terrain. »

Respecter l’intimité

« On n’a pas accès au Snap utilisé dans le cadre de l’activité prostitutionnelle. Mais il peut arriver que les jeunes se trompent de compte et publient des vidéos et photos osées. Il ne faut pas être curieux et regarder leurs stories. Les jeunes vont s’en apercevoir et on perdra la relation de confiance. Et pour des raisons éthiques, si on n’a pas l’autorisation du jeune, on ne regarde pas. »

Rencontrer

« Du virtuel, on passe au réel. Quand la personne accepte le face-à-face, on peut la rencontrer dans un café, un parc, un fast-food, au domicile familial, etc. Tout espace est un bureau, du moment qu’il est convivial et propice à l’échange. »

Décrypter les parcours

« Snapchat nous permet, même avec les familles, de recueillir des informations qui vont nous aider à comprendre la situation. Son utilisation nécessite d’être vigilant : les proxénètes le contrôlent parfois et répondent à la place du jeune. On voit la tonalité des messages changer… Parfois, on reçoit du jour au lendemain des photos volées : un arbre, un intérieur de voiture. Signe que la communication est contrôlée. Le jeune ne peut plus échanger, mais il maintient le lien en disant : “Je suis là.” L’outil est ainsi une manière de décrypter les parcours et leurs évolutions. Aujourd’hui, on ne pourrait pas travailler sans Snapchat. »

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