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Handicap : « C’est également ça, la maltraitance »

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L’Etat a fait le choix d’engager le débat sur la lutte contre les maltraitances dans le cadre de la présentation de sa stratégie nationale. La Fédération Paralysie cérébrale France, par la voix de son président, Jacky Vagnoni, s’y affirme prête et invite les pouvoirs publics à se saisir de toutes les formes de maltraitances.

Dans le prolongement de la diffusion d’une émission de grande écoute qui a mis en lumière de nombreux dysfonctionnements et des faits graves et intolérables de maltraitances qui doivent être dénoncés(1), l’Etat a trouvé la parade : multiplier les contrôles au sein des ESMS (établissements et services médico-sociaux) dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre les maltraitances. Bigre !

Cette annonce, totalement inappropriée, n’est bien évidemment qu’un écran de fumée face au désarroi de toute une communauté humaine qui va des familles aux personnes en situation de handicap, en passant par les professionnels qui les accompagnent.

Revaloriser les bas salaires

Nous alertons depuis de très nombreuses années sur l’effondrement de la qualité des accompagnements, tant en établissement qu’à domicile. Une logique mortifère de paupérisation et de déqualification du secteur de l’accompagnement des personnes en situation de handicap est à l’œuvre et livre, mois après mois, année après année, ses conséquences délétères. L’Etat n’ignore rien de ce délabrement. Les organisations patronales et syndicales ont également leur part de responsabilité. Nous le constatons à travers les postures désolantes qui empêchent de parvenir à de premiers accords de revalorisation des bas salaires et à une méthodologie efficace pour aller vers une convention collective unique et étendue (CCUE), seule garante d’un nouveau cycle vertueux en matière de revalorisation, de formation et d’attractivité de toute une filière.

Fidèle à ses racines et à ses valeurs, la Fédération Paralysie cérébrale France ne défend pas un secteur ou une corporation. Elle défend d’abord les droits des personnes en situation de handicap à disposer des réponses de la communauté nationale à hauteur de leurs besoins et de leurs aspirations. Nous en sommes loin !

Créer un observatoire des besoins

La première des maltraitances est ainsi de se montrer incapable de proposer des réponses aux projets de vie de nos concitoyens en situation de handicap. Les politiques publiques du handicap ne peuvent pas, pour être efficaces, s’élaborer à partir d’indicateurs désincarnés et parcellaires. Pour bien les orienter et les calibrer, commençons par créer un observatoire des besoins fiable et contradictoire. Cette demande, maintes fois formulée, a toujours été écartée. Pourquoi ? Se pourrait-il que les résultats soient accablants ? C’est également ça, la maltraitance !

Le « plan des 50 000 solutions » est une réponse, mais nous en percevons déjà largement les limites. La Fédération Paralysie cérébrale France cherche, par exemple, à sensibiliser les pouvoirs publics à la création de dix places de Sessad (service d’éducation spéciale et de soins à domicile) dans un département rural où il n’existe quasiment rien pour répondre aux besoins d’accompagnement de la paralysie cérébrale, et nous faisons face à une effarante inertie des acteurs. Dans ce même département, les parents font, pour certains d’entre eux, plus de cent kilomètres pour avoir accès à des structures adaptées pour adultes. C’est également ça, la maltraitance !

Nous entendons aussi des commentaires fallacieux expliquant que de nombreuses personnes accompagnées dans les ESMS ou en attente de l’être n’y auraient peut-être pas tout à fait leur place ; des orientations plus « adaptées » à la réalité de leur handicap permettraient ainsi de les « sortir » des établissements et de libérer, du même coup, des places pour les autres. Ces discours feutrés, pas toujours totalement assumés – et on le comprend ! –, sont en total décalage avec la réalité des territoires et des personnes handicapées réellement accueillies au sein des établissements. C’est également ça, la maltraitance !

Un turn-over incessant

On nous parle également d’une « transformation de l’offre » comme la martingale à tous les maux de la crise qui secoue le secteur médico-social. La Fédération Paralysie cérébrale France a pris dans ce domaine une initiative exceptionnelle avec la création de l’Académie des experts d’usages, dont l’un des objectifs est de former les personnes en situation de handicap à intervenir dans les centres de formation des métiers du soin et de l’humain. Ils peuvent ainsi dire en toute liberté aux professionnels actuels et futurs ce qu’ils attendent de leur accompagnement. A l’heure où l’on disserte sur l’autodétermination, sur la participation des personnes, notre mouvement a choisi de faire du concret ! Or cette initiative exceptionnelle est aujourd’hui entravée par le turn-over incessant des professionnels qui soutiennent les personnes handicapées dans leur parcours de formation, générant démobilisation et incompréhension. Combien de discours incantatoires sont ainsi percutés par la réalité du terrain, la réalité de la vie des familles et de leurs enfants ? C’est également ça, la maltraitance !

La gouvernance des politiques publiques du handicap souffre d’un mal structurel : la multiplicité des décideurs et des financeurs, qui aboutit à des politiques à plusieurs vitesses. A l’heure où l’on nous parle d’inclusion, de transformation de l’offre, de simplification et de fluidité des parcours de vie, ce maquis administratif se traduit très souvent par mille et une contraintes du quotidien. Dans les faits, des projets de déménagement vers un autre département ou de changement de mode d’accompagnement sont très souvent bloqués ou ralentis, car ils ne mobilisent pas le même financeur. Chacun se focalise sur une vision comptable de la personne, au détriment de son projet de vie. C’est également ça, la maltraitance !

Nous célébrerons dans quelques mois les vingt ans de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Celle-ci avait suscité de nombreux espoirs. Hélas, l’esprit de cette loi a été progressivement bafoué. C’est également ça, la maltraitance !

L’Etat a fait le choix d’engager le débat sur la lutte contre les maltraitances. Nous y sommes prêts. Qu’il trouve, dans ce cas, le courage de le faire pour toutes les formes de maltraitances !

Notes

(1) Les Dossiers noirs du handicap, reportage de « Zone interdite » diffusé sur M6 le 24 mars 2024.

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