La justice restaurative est définie par le ministère de la Justice comme « un espace confidentiel, sécurisé et volontaire, de parole et d’échanges sur les ressentis, les émotions, les attentes de toutes les personnes concernées par l’infraction et ses répercussions ». Elle vise « à faire dialoguer, avec l’aide d’un médiateur neutre et formé, une victime, l’auteur d’une infraction ou toute personne concernée » dans un objectif de « reconstruction de la victime », de « responsabilisation » et de « réintégration dans la société » de l’auteur de l’infraction. L’article 10-1 du code de procédure pénale précise que, si les faits ont été reconnus, toute personne victime ou auteur d’une infraction peut « se voir proposer une mesure de justice restaurative ». Cette dernière permet à la victime et à l’auteur « de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission ».
La justice restaurative fait son apparition dans le code de procédure pénale avec l’article 18 de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. Sa mise en œuvre est précisée par une circulaire du 15 mars 2017(1) où il est indiqué qu’elle est conçue « pour appréhender l’ensemble des répercussions personnelles, familiales et sociales liées à la commission des faits, et participe ainsi, par l’écoute et l’instauration d’un dialogue entre les participants, à la reconstruction de la victime, à la responsabilisation de l’auteur et à l’apaisement, avec un objectif plus large de rétablissement de la paix sociale ». La circulaire inscrit le développement de la justice restaurative en France dans un contexte juridique international et européen, et cite des résolutions du 28 juillet 1999 au 18 décembre 2014, date à laquelle l’Assemblée générale des Nations unies consacre à son tour la justice restaurative, aussi appelée « justice réparatrice ».
La justice restaurative, dont les mesures peuvent prendre plusieurs formes, implique des participants – victimes et auteurs d’infraction – ainsi que des encadrants, qui peuvent être des professionnels de divers horizons ou des associations. Ils sont désignés dans les textes officiels par le terme « tiers indépendants ».
Les victimes comme les auteurs d’infraction participent à une mesure de justice restaurative par choix personnel, dans le cadre d’une démarche volontaire. Pour « consentir expressément » à sa mise en place, ils doivent recevoir « une information complète à son sujet » (code de procédure pénale [CPP], art. 10-1). La circulaire du 15 mars 2017 précise que ce consentement doit être recueilli « par écrit, par le tiers chargé de la mesure ».
Pour une victime, l’objectif de la justice restaurative est la reconstruction. La circulaire précise la définition du terme « victime » dans le cadre d’une mesure de justice restaurative. Il peut s’agir :
→ d’une victime directe ;
→ d’une victime collatérale, d’un proche d’une personne décédée par exemple ;
→ d’une victime d’infraction prescrite, qui a fait l’objet d’un non-lieu ou qui n’est pas assez caractérisée.
Les victimes doivent recevoir des officiers et des agents de police judiciaire toutes les informations sur leurs droits. Au premier rang desquels figure l’obtention de « la réparation de leur préjudice, par l’indemnisation de celui-ci ou par tout autre moyen adapté, y compris, s’il y a lieu, une mesure de justice restaurative » (CPP, art. 10-2). Les victimes ont le droit d’obtenir cette réparation « au cours de l’exécution de la peine » (CPP, art. 707).
Les auteurs d’infration sont présents dans une optique de responsabilisation, voire de réintégration à la société. La circulaire du 15 mars 2017 précise que tous les types d’infraction – crimes, délits, contraventions – sont compatibles avec une mesure de justice restaurative. Cette dernière peut intervenir à tout stade d’une procédure, est mise en œuvre indépendamment des poursuites engagées et peut même avoir lieu si aucune poursuite n’est possible, dans le cas d’une absence de caractérisation des faits ou si ces derniers sont prescrits.
Les auteurs d’infraction doivent avoir reconnu les faits, « sous peine de fragiliser la victime et de porter atteinte au bon déroulement des échanges », souligne un guide méthodologique sur la justice restaurative du ministère de la Justice(1). Une reconnaissance partielle peut suffire si le professionnel référent et le tiers indépendant estiment que cette minimisation de sa responsabilité peut mener l’auteur à travailler sur lui-même et à cheminer « vers une pleine reconnaissance des actes commis, condition préalable d’une rencontre avec une victime ». Le ministère rappelle que l’application d’une mesure de justice restaurative ne remet pas pour autant en cause le principe de présomption d’innocence.
Ces mesures de justice restaurative sont mises en œuvre par « un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire » (CPP, art. 10-1). Ces tiers indépendants (circulaire du 15 mars 2017) :
→ doivent être impartiaux et présenter des qualités relationnelles et des compétences garantissant le bon déroulement de la mesure ;
→ ils peuvent être membres du personnel du secteur public ou associatif habilités de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip), tant qu’ils ne suivent pas l’auteur ou la victime mineure ;
→ ou encore des professionnels du Spip ou de la PJJ, avocats, intervenants associatifs…
« La formation et l’information des professionnels sont des leviers majeurs pour assurer la connaissance des mécanismes et de la philosophie de la justice restaurative » (circulaire du 15 mars 2017). Une formation qui « vise à garantir l’impartialité et la technicité dans la mise en œuvre de la mesure de justice restaurative ». Magistrats, greffiers, personnels de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’administration pénitentiaire doivent être formés à la justice restaurative lors de leurs formations initiale et continue. Ils doivent aussi être sensibilisés localement pour s’approprier cette nouvelle modalité d’intervention, en organisant, par exemple, une semaine de la justice restaurative avec des expositions, des conférences, des débats ouverts au public…
L’autorité judiciaire, l’administration pénitentiaire ou la PJJ sont chargées du contrôle de ces mesures de justice restaurative et ont la responsabilité de s’assurer que les tiers indépendants mobilisés ont bien été formés. Des conventions partenariales sont ainsi conclues par l’autorité judiciaire avec des structures associatives comportant des dispositions relatives à leur formation.
Le ministère de la Justice reconnaît les formations en matière de justice restaurative dispensées par ses écoles ou celles financées par le service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes (Sadjav) via le budget de l’accès au droit et à la justice (programme 101 de la mission ministérielle « Justice » de la loi de finances). Le financement des intervenants de la PJJ ou du Spip « se fait par les voies de financement habituelles des actions de formation » (circulaire du 15 mars 2017).
A noter : la circulaire du 15 mars 2017 indique que la loi ne prévoit pas d’habilitation particulière de structures associatives et qu’il « pourra être fait appel au réseau des associations du secteur socio-judiciaire habilité, et à celui des associations conventionnées soit par la protection judiciaire de la jeunesse, soit par les cours d’appels pour les actions relatives à l’aide aux victimes ». Cependant, elle enjoint « d’éviter le recours à des intervenants qui n’auraient pas bénéficié de ces formations ».
S’il n’existe pas d’habilitation particulière pour les associations, certaines disposent d’un agrément. La circulaire du 16 juin 2021 relative au « plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences liées aux bandes et groupes informels » consacre une fiche à la justice restaurative qui précise que l’autorité judiciaire :
→ tient un rôle d’impulsion et de contrôle de la justice restaurative ;
→ vérifie la régularité des mesures mises en œuvre sur son ressort ;
→ peut être à l’initiative de projets de justice restaurative en lien avec les associations agréées de son ressort.
Ce document indique que les associations d’aide aux victimes peuvent mettre en œuvre des mesures de justice restaurative, tout comme les services de la PJJ ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation (voir encadré page 53).
La circulaire du 15 mars 2017 note que les associations viennent en aide aux victimes en leur apportant « un soutien psychologique » ou « une aide socio-juridique ». Pour ces associations d’aide aux victimes, ou celles « exerçant dans le secteur socio-judiciaire », « le non-cumul s’applique à la personne animant la mesure et non à la structure gestionnaire. Ainsi, la répartition des dossiers entre intervenants ou la désignation de personnels dédiés garantira le respect de ce principe », précise encore la circulaire.
Faire de la justice restaurative implique de monter un projet, et pour ce faire, le guide méthodologique du ministère de la Justice préconise de réunir les différents partenaires locaux au sein d’un comité de pilotage (Copil). Ses membres ont pour mission d’élaborer le cadre de mise en œuvre de la justice restaurative et sa méthodologie : conventions, protocoles, cahier des charges, supports de communication éventuels, etc.
Dans ce Copil, se retrouvent :
→ les représentants des services et institutions engagés ;
→ le procureur de la République ;
→ le président de la juridiction ou des magistrats du siège intéressés ;
→ un magistrat référent qu’il serait « opportun » de désigner pour la construction et la mise en œuvre de la mesure ;
→ des associations d’aide aux victimes (AAV) locale ;
→ un magistrat délégué à la politique associative et à l’accès au droit. Ce dernier peut d’ailleurs « aider à la mise en relation des différents acteurs locaux » en tant qu’interlocuteur privilégié des AAV désireuses de mettre en place des mesures de justice restaurative. Ces dernières portent par exemple à sa connaissance les besoins budgétaires pour cette mise en place.
Le Copil peut également accueillir, à titre consultatif ou informatif, des représentants du barreau et des professionnels de centres régionaux de justice restaurative, des partenaires institutionnels ou associatifs locaux, des services de police/gendarmerie, de l’Education nationale, des agences régionales de sante, etc.
La circulaire du 15 mars 2017 relative à la mise en œuvre de la justice restaurative précise les différents types de mesures qu’il est possible de mettre en place. Elles peuvent être directes ou indirectes, selon que l’auteur et la victime sont concernés ou non par la même affaire. Il existe également un type de mesure qui ne concerne que les auteurs.
La circulaire du 26 septembre 2014(1) précise que « des mesures de justice restaurative pourront intervenir lors de l’exécution d’une peine, en milieu fermé comme en milieu ouvert, mais également à titre d’alternatives aux poursuites ». La justice restaurative s’applique indépendamment de toute procédure, avant ou après celle-ci « sous réserve de précautions particulières dans la première ».
La médiation pénale, une alternative aux poursuites, est une mesure antérieure à la circulaire du 15 mars 2017 qui ne l’explicite pas davantage mais souligne qu’elle continue « de s’appliquer dans le respect des principes généraux du code de procédure pénale » dans le cadre de son article 41-1. Il est indiqué que le procureur de la République peut « faire procéder, à la demande ou avec l’accord de la victime, à une mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime ». Cette médiation n’a lieu que si le procureur de la République estime que la mesure « est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits ». La médiation n’est pas possible en cas de violences au sein du couple.
La circulaire du 15 mars 2017 précise que la justice restaurative « peut être proposée parallèlement à une mesure alternative aux poursuites, mais en aucun cas comme mesure alternative ». C’est le procureur de la République qui peut « cumuler une mesure alternative avec la proposition d’une mesure de justice restaurative » :
→ soit il la propose aux victimes et aux auteurs et les renvoie vers une association référente ;
→ soit il est saisi d’une demande émanant d’une association et donne son accord.
Dans les deux cas, il exerce un contrôle qualitatif à l’issue de la mesure qui ne doit en aucun cas interférer avec « le sort de la procédure pénale ». Pour s’en assurer, les rapports émis par le tiers indépendant ne sont pas joints au dossier classé à la suite de la réalisation de la mesure alternative.
La circulaire précise encore que « la mesure de justice restaurative n’a pas d’effet sur l’octroi d’éventuels dommages-intérêts dus à la partie civile, y compris sous forme transactionnelle, ni sur l’indemnisation de la victime dans le cadre d’une alternative aux poursuites ». Par ailleurs, la personne chargée d’une mesure alternative aux poursuites ne peut s’occuper de la mise en œuvre de la mesure de justice restaurative.
Lors d’une rencontre directe, l’auteur et la victime d’une même infraction sont mises en contact. Elle peut prendre différentes formes.
→ La médiation restaurative durant laquelle l’auteur et la victime évoquent les faits commis et leurs répercussions. Ils sont accompagnés du tiers indépendant qui les a préparés à cet échange lors d’entretiens individuels. Il est possible que seule la phase de préparation ait lieu et qu’il n’y ait pas de face-à-face.
→ Des conférences restauratives, ou conférences de groupe familial, auxquelles participent des proches de l’auteur et de la victime. Elles permettent « d’envisager les modalités de l’aide que l’environnement familial et social est susceptible d’apporter aux intéressés » (circulaire du 15 mars 2017). Cette mesure est recommandée pour les mineurs (voir page 54) afin d’associer la famille au dispositif.
→ Le cercle restauratif. Cette mesure directe concerne les victimes et les auteurs dont l’infraction ne fera pas l’objet de poursuites en raison d’une prescription, d’un non-lieu, de faits insuffisamment constitués, etc. « Le cercle est l’occasion d’aborder notamment les questions relatives au traitement judiciaire des faits, et a pour objectif d’apporter un apaisement aux personnes concernées par ces faits » (circulaire du 15 mars 2017).
Dans ce type de mesure, les auteurs et les victimes ne se connaissent pas mais ils ont été impliqués dans un même type d’infraction. Ces rencontres, appelées « condamnés-victimes » et « détenus-victimes » selon que les échanges ont lieu en milieu ouvert ou en milieu fermé, permettent de discuter par groupe de cinq ou six personnes sur les répercussions de l’acte commis.
Les sessions sont animées par un ou des tiers indépendants spécialement formés. Il peut s’agir d’un binôme constitué d’un personnel d’une association d’aide aux victimes et d’un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation par exemple. Des représentants de la société civile formés à la justice restaurative peuvent également participer à ces réunions. Ils ont principalement un rôle d’écoute et de soutien.
Il existe deux types de cercles de parole destinés aux auteurs, en fonction du caractère sexuel ou non de l’infraction :
→ le « cercle de soutien et de responsabilité » (CSR) est exclusivement réservé aux personnes condamnées pour une infraction à caractère sexuelle. Ce dispositif a pour but d’éviter la récidive, en aidant à la réinsertion sociale de l’intéressé ;
→ le « cercle d’accompagnement et de ressources » (CAR) s’adresse aux personnes condamnées pour une infraction de toute autre nature que sexuelle. L’objectif est de leur permettre de recouvrer leur autonomie personnelle et sociale. Le dispositif concerne également les détenus en fin de peine.
Première condition pour mettre en œuvre une mesure de justice restaurative : s’assurer que les victimes sont protégées.
Si la mesure est initiée par l’auteur de l’infraction, le tiers indépendant doit évaluer les motivations de celui-ci afin de sécuriser sa mise en application. « La mesure de médiation restaurative envisagée ne doit pas conduire un auteur à maintenir un contact, même indirect, avec une victime qui se sentirait ainsi menacée, ni à lui faire porter la culpabilité de l’éclatement de la structure familiale », précise le guide méthodologique du ministère de la Justice. Une attention spécifique doit être portée dans les cas où l’infraction relève des violences conjugales, intrafamiliales ou sexuelles.
Les magistrats et les services chargés du suivi de l’auteur doivent déterminer la pertinence d’une mesure de justice restaurative, surtout quand « les infractions sont commises dans la sphère familiale, en raison de l’emprise possible, notamment d’un ascendant sur une victime mineure ou du conjoint dans le cadre de violences conjugales » (circulaire du 15 mars 2017). Car il existe des risques de subornation de témoin ou d’intimidation de la victime dans le cadre intrafamilial. « Des rencontres avec des victimes substitutives peuvent, le cas échéant, apparaître plus opportunes au stade pré-sentenciel » (circulaire du 15 mars 2017).
L’article 2 du décret du 23 novembre 2021 tendant à renforcer l’effectivité des droits des personnes victimes d’infractions commises au sein du couple ou de la famille prévoit que ces mesures restent applicables pour une infraction sexuelle commise par un majeur sur un mineur, « en cas de décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement ». Le procureur de la République vérifie alors si une mesure de justice restaurative est susceptible d’être mise en œuvre.
Le guide méthodologique du ministère mentionne enfin l’application de la justice restaurative aux actes de terrorisme et souligne la connaissance « fragile des processus de radicalisation » qui exige « la plus grande prudence ».
La mise en œuvre d’une mesure de justice restaurative ne doit pas « compromettre la procédure en cours (manifestation de la vérité) » (circulaire du 15 mars 2017). Pour autant, une mesure de justice restaurative n’inclut pas d’obtenir un résultat en particulier et n’a aucun impact sur la décision judiciaire si cette dernière n’a pas encore été rendue. Le guide du ministère souligne qu’une rencontre directe entre un auteur et une victime concernés par une même infraction « n’exclut pas l’octroi de dommages-intérêts à la victime qui en fait la demande, ni n’est susceptible de modifier le montant alloué par la juridiction ».
Le cadre du projet est défini en comité de pilotage (Copil) (voir page 50). Les différents acteurs élaborent une convention mentionnant :
→ la méthodologie employée ;
→ les étapes du projet ;
→ son financement ;
→ le fonctionnement du dispositif ;
→ le rôle de chacun des acteurs.
Les membres du Copil doivent aussi établir des garanties à respecter pour mettre en œuvre la mesure, les modalités des futurs échanges sur son contrôle, l’identité des participants, le cadre juridique de la procédure pénale en cours, l’évaluation des dispositifs ou encore la dénonciation d’une infraction. Le guide méthodologique fournit plusieurs exemples de documents.
Le comité de pilotage doit aussi assurer la pérennité du dispositif en cas de changement d’acteurs et l’évaluer.
Le service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes (Sadjav) finance les associations d’aide aux victimes dans le cadre du programme budgétaire 101 (voir page 50). Ces dernières sollicitent le magistrat délégué à la politique associative et à l’aide aux victimes pour obtenir une subvention.
L’enveloppe budgétaire attribuée par le Sadjav à chaque cour d’appel est répartie entre les différentes associations pour financer les projets de justice restaurative qu’elles portent avec les autres acteurs locaux.
Au cours d’une médiation restaurative, lorsque la rencontre a lieu, elle doit se dérouler dans un espace neutre et en présence du tiers indépendant qui a mené les entretiens préparatoires.
Le lieu doit aussi être « sécurisé » et garantir « la confidentialité des échanges », indique le guide méthodologique. Ainsi, un autre espace que celui où s’exerce le suivi pénal pourra être privilégié :
→ local d’un service communal ;
→ maison de justice et du droit ;
→ local mis à disposition par une collectivité territoriale.
S’agissant de la confidentialité, elle peut être levée en cas d’accord des parties mais également si « la nécessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur de la République » (circulaire du 15 mars 2017).C’est le cas si au cours d’une rencontre entre l’auteur et la victime, « une infraction distincte de celles motivant la médiation est révélée ou, à plus forte raison, commise ».
La durée d’une mesure de justice restaurative ne peut être prédéfinie, « même si les intervenants peuvent proposer un calendrier et un rythme de rencontre » précise le guide méthodologique. La mesure peut ainsi être prolongée au-delà du temps de la procédure pénale ou, à l’inverse, s’arrêter plus tôt, en raison du retrait d’un participant.
Le tiers indépendant peut aussi y mettre fin si les conditions de mise en œuvre de la mesure ne sont plus respectées (voir page 52).
Pour les dispositifs qu’il met en place, le service pénitentiaire d’insertion et de probation doit vérifier que la mesure de justice restaurative est compatible avec la durée d’exécution de la peine, même si les participants peuvent être orientés vers une association d’aide aux victimes pour poursuivre la mesure au besoin.
Pour adapter la justice restaurative au public mineur, le ministère de la Justice a publié en 2022 un guide dédié(1). Il s’appuie sur les résultats de groupes de travail et d’expérimentations nationales. La justice restaurative apparaît dans le code de la justice pénale des mineurs à l’article L. 13-4.
La circulaire du 15 mars 2017 indique que la mise en œuvre de mesures de justice restaurative doit être adaptée si les auteurs ou les victimes sont mineurs : « L’implication du mineur dans l’action ne comporte pas un enjeu judiciaire mais éducatif, sans contrepartie attendue. Dans ce cadre, le degré d’adhésion du mineur à la démarche et son cheminement seront fonction de son degré de maturité, et de sa situation individuelle. Il est donc primordial d’évaluer la capacité de l’adolescent à mesurer les effets de son acte sur la victime et sa volonté de s’engager dans un processus de justice restaurative. »
Le guide méthodologique évoque aussi le degré de maturité de l’auteur mineur, mais aussi « sa capacité de discernement et plus largement l’ensemble de sa situation personnelle, le soutien que le mineur est en mesure de recevoir de ses proches, son rapport au groupe, la possible influence exercée par un tiers, et les risques d’emprise ».
Ces précautions supplémentaires doivent être prises par les professionnels de l’équipe pluridisciplinaire chargée du suivi éducatif ou du suivi pénal d’un mineur. S’agissant de la reconnaissance des faits, elle peut être limitée par ce degré de maturité variable chez un mineur. « Que celui-ci se sente concerné par la commission de l’infraction et ne nie pas de manière absolue les faits peut suffire à engager une démarche dont la portée éducative est manifeste. Les différentes étapes préparatoires du processus sont autant d’occasions de travailler son rapport aux faits, à la victime et à sa responsabilité », précise le guide.
Les parents, ou représentants légaux, doivent être associés au processus. Ils doivent donner leur accord pour participer à une conférence restaurative ou conférence de groupe familial. Les mineurs doivent aussi consentir à la mesure.
Comme il est possible que les titulaires de l’autorité parentale n’adhèrent pas à la démarche, faute de repère face à une pratique nouvelle, il est conseillé aux professionnels de veiller à déterminer en amont le moment propice à la présentation de la mesure restaurative, en s’appuyant éventuellement sur la présence de l’éducateur qu’ils connaissent déjà.
→ Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.
→ Circulaire du 26 septembre 2014, B.O.M.J. n° 2014-10 du 31-10-14.
→ Circulaire du 15 mars 2017 relative à la « mise en œuvre de la justice restaurative applicable immédiatement », B.O.M.J. n° 2017-03 du 31-03-17.
→ Circulaire n° 6276/SG du 16 juin 2021 relative au « plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences liées aux bandes et groupes informels ».
→ Décret n° 2021-1516 du 23 novembre 2021 tendant à renforcer l’effectivité des droits des personnes victimes d’infractions commises au sein du couple ou de la famille.
→ Guide méthodologique sur la justice restaurative du ministère de la Justice, 2020.
→ La Justice restaurative pour les mineurs, guide du ministère de la Justice, 2022.
→ La justice restaurative vise à ouvrir un dialogue entre victimes et auteurs de tout type d’infraction, par le biais de différentes mesures et de rencontres directes ou indirectes. Elle poursuit plusieurs objectifs : reconstruction de la victime, responsabilisation de l’auteur et rétablissement de la paix sociale.
→ Elle apparaît dans la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales et sa mise en œuvre est précisée dans une circulaire du 15 mars 2017. Deux guides du ministère de la Justice existent, le premier, publié en 2020, est général, le second, paru en 2022, se concentre sur les mineurs.
→ Les mesures de justice restaurative sont encadrées par des tiers indépendants formés à cet effet. Il s’agit de personnels du secteur public ou associatif, habilités de la protection judiciaire de la jeunesse ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation.
→ Ces mesures nécessitent le consentement de toutes les parties prenantes et n’ont aucun impact sur la procédure judiciaire en cours, s’il y en a une. La justice restaurative peut intervenir aussi en cas de prescription, de non-lieu ou de caractérisation insuffisante. Elle ne remet pas en cause la présomption d’innocence.
→ Chaque mesure implique de monter un projet. Divers acteurs y prennent part au sein d’un comité de pilotage. Ces projets dépendent des attentes des victimes et des auteurs qui participent à la mesure. Aucune durée n’est fixée, le lieu doit être neutre et permettre la confidentialité des échanges.
L’Institut français pour la justice restaurative (IFJR), créé en 2013, accompagne les services mettant en place des projets de justice restaurative et mène des enquêtes nationales sur le sujet. D’après les chiffres mis à jour le 30 avril 2024 :
→ 88 mesures de justice restaurative accompagnées par l’IFJR ont été réalisées en 2022 dont :
– 64 médiations,
– 23 rencontres détenus-victimes/rencontres condamnés-victimes,
– 1 cercle de soutien et de responsabilisation/cercle d’accompagnement et de ressources ;
→ 148 personnes en ont bénéficié.
En 2024, l’IFJR compte 157 mesures démarrées en 2022 – toujours en cours – et 203 participants.
(1) Publiée au B.O.M.J. n° 2017-03 du 31-03-17, NOR : JUST1708302C.
(1) Publié en novembre 2020. Lien bit.ly/4577UOt
(1) Publiée au B.O.M.J. n° 2014-10 du 31-10-14, NOR : JUSD1422849C.
(1) La justice restaurative pour les mineurs. Lien : bit.ly/3WOVAQL