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Devoir de visite des pères : réinventer ce qui existe

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Instaurer une obligation de visite au parent pour maintenir les liens avec son enfant est-il dans l’intérêt de ce dernier ? Les approches diffèrent.

« Chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent. » Le président de la République Emmanuel Macron l’avait évoqué à l’occasion d’un entretien accordé au magazine Elle, le 8 mai dernier : le droit de visite pourrait muter en « un devoir de visite, un devoir de suivi, d’éducation ». La phrase susmentionnée semble refléter la volonté présidentielle édulcorée par souci de réalisme, le devoir de visite envisagé devenant une obligation de chaque parent de « maintenir des relations personnelles avec l’enfant ».

Mais d’où sort cet énoncé ? Du projet de loi initié par le Chef de l’Etat ? Non. Il s’agit en réalité du second alinéa de l’actuel article 373-2 du code civil, qui permet au juge (ou directement aux parents s’ils s’entendent) de s’adapter à chaque situation, à chaque configuration familiale.

Ne chercherait-on pas à réinventer ce qui existe déjà ? Une fois encore, le problème n’est pas le défaut de loi existante mais sa non-application. S’il s’avère déjà impossible d’imposer à un parent de rester en contact avec son enfant, comment une loi pourrait-elle l’obliger à le visiter ou à l’héberger ? On pourrait, par exemple, sanctionner d’une amende le non-exercice d’un devoir de visite, voire l’assimiler à un abandon de famille. A condition évidemment que les plaintes aboutissent, que les juges sévissent et que les peines soient exécutées.

On n’oblige pas à aimer

Mais cette approche répressive est-elle sérieusement envisageable, dans l’intérêt de l’enfant ?

La formulation de l’article du code civil peut laisser penser qu’il vise le parent qui empêcherait l’autre d’avoir des liens avec l’enfant. Une réécriture du texte pourrait éventuellement clarifier les choses. Reste donc à savoir si l’intérêt de l’enfant, qui doit guider toute décision du juge, est de forcer la main au parent concerné et, dans l’affirmative, si cela peut aller jusqu’à l’obligation de visite, comme l’envisage Emmanuel Macron.

Certains pensent que le droit est impropre à régler ce type de difficulté, qu’au contraire, son ingérence peut être nuisible : on n’oblige pas un père à aimer son enfant, à s’intéresser à lui, à le voir et à s’en occuper. Au contraire, le père ainsi forcé n’en éprouverait que rancœur et ressentiment à l’égard de l’enfant. D’aucuns relèvent qu’un devoir de visite ne peut s’appliquer à un père violent ou considèrent que la précarité économique explique les défaillances parentales.

Le droit à un père

Mais d’autres font une analyse différente : le droit de l’enfant d’avoir deux parents. Peu importe les sentiments du père à l’égard de son enfant, qu’il s’en désintéresse, qu’il ait d’autres priorités. Dans cette logique, l’enfant a droit à un père, et celui-ci doit se faire violence pour « maintenir des relations » comme indiqué dans le code civil, une responsabilité qui peut aussi s’analyser en devoir moral.

Alors pourquoi ne pas obliger, si nécessaire par la contrainte, un parent à rester en relation avec son enfant, sauf évidemment motif grave ? D’une relation forcée peut naître ou renaître une affection profonde et sincère.

Chacun détient sans doute sa part de vérité qu’il pense parfois être toute la vérité, surtout si le raisonnement prend une dimension politique(1). Si la seconde thèse devait l’emporter, celle d’une relation imposée, il serait probablement plus raisonnable de laisser au juge le soin d’en fixer les modalités au cas par cas.

« La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale », mentionne le premier alinéa de l’article 373-2 du code civil. On s’est aussi résigné à ce que ce texte soit un vœu pieux, jusqu’à qualifier de monoparentale une famille composée d’un parent élevant seul ses enfants. Comme si l’autre n’existait plus. Exercer l’autorité parentale oblige les deux parents à « le protéger dans sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne » (code civil, art. 371-1). Cela ne se résume pas à la pension alimentaire, ni au droit ou devoir de visite.

Notes

(1) Comme le décrit fort justement un article publié sur le site publicsenat.fr, le 13 mai, « Devoir de visite des pères : une idée accueillie tièdement au Sénat ».

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