C’est l’histoire de l’ordonnance de protection que relate la sociologue Solenne Jouanneau dans un livre-enquête passionnant. Institué par la loi du 9 juillet 2010, ce dispositif « garantit à toute personne affirmant être victime de la violence d’un (ex) partenaire de passer en urgence devant un juge aux affaires familiales » sans être obligé de porter plainte ou d’engager une procédure pénale. Pour autant, le recours à cette ordonnance reste peu utilisé en France, contrairement à d’autres pays européens et nord-américains dotés du même outil. Pourquoi ? s’interroge la chercheuse, en revenant sur les conditions de son invention, de sa retranscription juridique et de sa mise en œuvre judiciaire. Comble du paradoxe : porté par les féministes, cet instrument – qui vise à sécuriser l’organisation effective de la séparation – a abouti à instaurer un seuil de violence « juridiquement acceptable » au sein du couple et n’a pas conduit les juges aux affaires familiales à remettre en cause la violence masculine.
« Les Femmes et les enfants d’abord ? », Solenne Jouanneau, CNRS éditions, 26 €.