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Aux quatre coins de la France, des associations inspirantes

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Hébergement dédié, activité physique, cuisine, groupes de parole… certains acteurs associatifs mettent les bouchées doubles pour proposer un accompagnement qui s’adresse en priorité aux femmes migrantes. Des initiatives qui participent à rendre leurs problématiques plus visibles et à faire monter les professionnels en compétences.
1. Quand l’émancipation passe par la cuisine

Elles ont connu la faim, la violence, la rue, la précarité… Et la cuisine est le tremplin qui leur a permis de s’émanciper. A La cantine des femmes battantes, toutes celles qui passent derrière les fourneaux sont immmigrées, à l’instar de Mariame, Meïté et Fatou, les trois fondatrices de ce projet qui a vu le jour voilà cinq ans. Avant que naisse cette cantine, il y avait le collectif Attiéké. Localisé à Saint-Denis, il apportait une aide administrative et matérielle aux familles exilées. Fatou, qui en faisait partie, cuisinait parfois pour le collectif. Un goût des bons petits plats mijotés que partageaient aussi ses deux complices rencontrées dans le même squat. De là est venue l’idée de créer un service de traiteur spécialisé dans la cuisine traditionnelle d’Afrique de l’Ouest avec l’objectif d’y accueillir des femmes dans la même situation qu’elles. « On ne leur donnait pas voix au chapitre alors, pour s’en sortir, elles ont utilisé leur savoir-faire, concocter des mets familiaux africains, tels le maffé, le yassa ou le tiep », rembobine Elise-Leïli, coordinatrice de l’association depuis novembre dernier.

Au-delà de la restauration, ce projet vise avant tout à redonner un pouvoir d’action à ces femmes. Dans la cuisine qui a désormais pris ses quartiers à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), elles peuvent laisser libre court à leur talent culinaire, nouer du lien et s’insérer professionnellement. En appui, une équipe de bénévoles propose des cours de français, de la garde d’enfants sur les heures de travail, ainsi qu’un accompagnement administratif et juridique. 300 gourmands (collectivités, associations, particuliers) font régulièrement appel à ces désormais huit cuisinières pour chaque événement.

2. Le yoga adapté, un vecteur d’inclusion

Assises les jambes croisées et les mains posées tournées vers le ciel, une dizaine de personnes respirent en chœur, guidées par la voix délicate de la professeure. A mesure que l’heure défile, les postures de yoga s’enchaînent, gestes et souffle à l’unisson. S’ils en ont l’allure, les cours dispensés par Nour Yoga ne ressemblent à aucun autre. Ici, la pratique se concentre sur des mouvements simples qui ont d’abord vocation à aider la personne à renouer avec son corps. Car, dans cette association fondée en 2019, le but est d’accueillir tous les publics, mais aussi de cibler les personnes précaires ou en situation d’exil auxquelles il est nécessaire d’offrir un yoga adapté. « On ne fait pas certains exercices parce qu’ils pourraient être traumatiques pour certains publics fragiles. C’est un yoga qui permet de traiter de façon différente les impacts des violences sur les victimes », détaille Faustine Caron qui en est l’initiatrice. Comme elle, tous les enseignants de Nour Yoga ont été formés à la pratique du yoga adapté. Ainsi, les bienfaits physiques et psychologiques n’en sont que plus prégnants, sans risques pour les pratiquants vulnérables.

L’association Nour a d’abord lancé des cours de yoga inclusif à Marseille, à Strasbourg, avant d’en proposer dans cinq autres villes françaises. Les cours sont mixtes, et gratuits pour les personnes exilées ou précaires. En parallèle, l’association est de plus en plus sollicitée pour animer des ateliers de yoga dans des établissements sociaux et médico-sociaux. « Ces dernières années, on a élargi notre action à tous les champs de la précarité. L’idée est d’ouvrir le bien-être à tout le monde dans un espace sûr, inclusif, bienveillant et convivial où chacun peut pratiquer sans jugement », poursuit Faustine Caron. Trois cent professeurs, 80 cours par semaine et près de 500 pratiquants… la formule séduit.

3. A Bordeaux, un cocon pour les mères exilées

Dans cette maison, les questions liées à la parentalité ont toujours été au cœur des discussions. On y parlait grossesse, accouchement, éducation, post-partum, sommeil de l’enfant, temps d’écran, place des pères… mais jamais de façon formelle, jusqu’à ce qu’en janvier 2023, un besoin émerge et donne lieu à un groupe de parole, une fois par mois. S’il s’adresse à tous les parents, Yap – « Y’a pas de parent parfait ! » – est surtout fréquenté par des migrantes qui viennent échanger des astuces et tisser du lien. « Elles ont toutes en commun d’être mère et cela fédère. Dans cet espace vierge, elles peuvent s’exprimer, trouver une écoute, se rassurer mutuellement et retrouver une certaine notion d’entraide qu’elles ont parfois perdue en arrivant en France », décrit Karine Schoumaker, responsable de la Maison des familles bordelaise.Un lundi sur deux, c’est au tour des femmes enceintes de se réunir autour de la préparation à l’accouchement. Ces rendez-vous, réalisés en lien avec la consultation transculturelle du CHU Saint-André, composée d’une sage-femme, d’un psychologue et d’un interprète, s’avèrent précieux pour rassurer ces futures mères, particulièrement vulnérables en périnatal. « Il y a un gros travail à faire autour de l’approche culturelle de la grossesse et de l’accouchement. On ne sait pas comment l’enfant a été conçu, ni ce qu’il représente pour ces femmes. La gestion du traumatisme de l’exil est tout le temps présente. De même, selon les communautés, certaines femmes ne peuvent pas accoucher à l’européenne. On leur explique qu’elles ont le choix ; ce qui limite le nombre de césariennes », dévoile la responsable. Des passerelles peuvent également être créées avec d’autres professionnels, l’objectif étant d’apporter du répit et de la solidarité dans le quotidien de ces femmes.

4. Un bus lyonnais pour les travailleuses du sexe

Quelques-unes montent pour récupérer des préservatifs ou du gel lubrifiant, d’autres pour boire une gorgée de café chaud et s’asseoir quelques minutes sur un bout de canapé. Toutes sont accueillies avec le sourire car, dans le camion blanc de Cabiria, qui emprunte une ou deux nuits et trois jours par semaine les rues de Lyon et les nationales alentour, les travailleuses du sexe sont les bienvenues. Depuis 1993, l’association développe une action de santé communautaire à leur intention. Durant les tournées de nuit, les intervenantes de l’association partent à la rencontre des personnes prostituées avec pour mission principale de les sensibiliser aux maladies sexuellement transmissibles (VIH, hépatites), mais aussi diffuser des informations sur la contraception et les examens gynécologiques. « Certaines d’entre elles ne savent pas qu’elles peuvent accéder à des soins gratuits. Le but de ces tournées est de les inciter à se remettre dans le soin et de les orienter vers des dispositifs de droit commun », renseigne Orane Langjahr Thomas, infirmière au sein de Cabiria depuis août 2023.

En marge des sorties nocturnes, l’association organise aussi des permanences où se relaient deux animatrices de prévention, deux médiatrices culturelles et une infirmière pour réaliser des tests de dépistage ou les accompagner dans leurs démarches administratives liées aux soins (prises de rendez-vous chez un médecin généraliste par exemple). Sur le terrain et dans les locaux de l’association, la population concernée est quasi exclusivement composée de femmes étrangères, dont la grande majorité a suivi un parcours migratoire. « En ce moment les primo-arrivantes viennent de Guinée, du Nigéria, de Roumanie et surtout de République dominicaine, dont pas mal d’allophones. Heureusement, nous avons deux animatrices hispanophones pour lever la barrière de la langue », détaille l’infirmière.

A Lyon, Cabiria fait partie des très rares associations à aller vers ces travailleuses du sexe qui exercent dans la rue ou dans des camionnettes. Une ligne téléphonique d’urgence est également ouverte en permanence. « Ce qui compte, c’est qu’elles n’attendent pas d’aller mal pour se soigner et qu’elles aient le réflexe de se tourner vers nous en cas de problème, estime Orane Langjahr Thomas. Le bouche à oreille fonctionne d’ailleurs bien car dans 90 % des cas, les nouvelles arrivantes ont entendu parler de nous avant d’avoir pu grimper dans le camion. »

5. Une mise à l’abri 100 % féminine

Si l’on croise quelques visages masculins dans les logements de ce centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) situé à Nantes, aucune chance qu’il s’agisse d’un migrant. Et pour cause, ce centre d’accueil est réservé à un public féminin ; le seul en France à présenter cette singularité.

Depuis sa création en 2016, ce dernier, porté par l’association Coallia, accueille des femmes ayant subi des violences, seules ou avec enfants, à qui une prise en charge dédiée est proposée dans un climat sécurisé. « Notre vœu de départ : nous spécialiser pour pouvoir répondre aux vulnérabilités propres à ces femmes. On voulait, et c’est toujours le cas, qu’elles aient un espace pour déposer leur douleur et qu’elles sachent que nous sommes là pour les aider à mieux rebondir », retrace Benoît Haein, son chef de service. Présente pour les épauler dans leurs procédures administratives, l’accès aux soins, au logement ou à l’insertion socio-professionnelle, l’équipe sociale du Cada propose également des activités et des ateliers de prévention, de soutien à la parentalité ou d’affirmation de soi où les questions de genre, et en particulier la lutte contre les violences faites aux femmes, sont au cœur de la démarche.

Au fil du temps, les travailleurs sociaux ont acquis une expertise de ce public féminin mais ils savent aussi s’appuyer sur les nombreux partenariats que le centre a noué avec les acteurs locaux engagés dans cette lutte. « A force d’être confrontés de façon constante aux mêmes problématiques, nos intervenants sont capables de déceler les signaux faibles et donc mieux y répondre. Mais, ils peuvent orienter les femmes et les enfants les plus fragilisés vers une psychologue qui intervient en soutien une demi-journée par semaine. Nos activités et notre accompagnement suggèrent aux femmes accueillies ici qu’elles sont attendues et entendues », ajoute le chef de service. De 60 places à l’origine, le Cada dispose actuellement de 90 places, essentiellement en logements diffus à travers le département.

6. Aux petits soins pour les migrantes séropositives

Au Rwanda, « Ikambere » signifie « la maison accueillante ». Un lieu central, où les habitants de village trouvent refuge et se réunissent pour créer du lien. Telle est aussi la philosophie de l’association Ikambere, créée par Bernadette Rwegera en 1997 à Saint-Denis avec l’objectif de permettre à des femmes en situation de précarité vivant avec le VIH de se rencontrer entre paires. Très vite, le partage d’expérience ne suffit plus et vient s’ajouter l’essentiel de ce qui constitue l’activité de l’association aujourd’hui : un programme d’accompagnement global et pluridisciplinaire.

Ikambere met en application les principes de la pyramide de Maslow qui propose une hiérarchie des besoins humains. Ainsi la prise en charge proposée permet d’abord de satisfaire les besoins urgents (mise à l’abri par le financement de nuitées hôtelières, mise en sécurité, régularisation, prise de traitements) puis ceux de l’accomplissement (activité physique adaptée, socio-esthétique, ateliers d’insertion sociale et professionnelle, etc.), tout en apprenant à vivre avec la maladie. « En France, 60 % des femmes diagnostiquées séropositives au VIH sont nées à l’étranger. Ces femmes cumulent la triple peine : précarité, exil et maladie. C’est pourquoi, il est essentiel de les soutenir sur ces trois volets », décrit Fatem-Zahra Bennis, directrice adjointe de ce centre d’accueil de jour. Une équipe de 35 salariés composée d’assistants sociaux, médiatrices de santé, diététicienne, conseillère en insertion professionnelle, éducateurs sportifs, etc. se relaie aux côtés de ces femmes pour les aider à reprendre progressivement le chemin de l’autonomisation, retrouvant confiance en elle et stabilité socio-économique et administrative. « Notre objectif est qu’elles puissent se responsabiliser et ne plus avoir besoin de venir, mais nous n’imposons aucune limite dans l’accompagnement. Même stabilisées, certaines continuent à fréquenter le centre pour échanger avec les autres », se réjouit la directrice adjointe.

Au cœur de son action, la structure dionysienne, qui accompagne chaque année près de 500 femmes, privilégie la création de liens à travers des repas partagés, des activités collectives et des groupes de parole thématiques. Les femmes se soutiennent entre elles. Cela renforce la confiance entre l’équipe et les migrantes accompagnées. Ce lien qui se crée au fil des rencontres est une étape essentielle de leur reconstruction. De quoi instaurer un climat d’appartenance et une intimité comme le confirme Fatem-Zahra Bennis : « Les femmes que nous accueillons sont très abimées par le parcours migratoire qu’elles ont vécu qui s’avère quasiment toujours d’une très grande violence. Une fois arrivées, ce n’est pas du tout la fin du périple pour elles, mais chez nous, elles trouvent un refuge. »

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