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Le droit, un outil essentiel de l’accompagnement social

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Les travailleurs sociaux devraient tous être dotés de connaissances juridiques pratiques afin d’apporter des réponses concrètes aux situations des personnes accompagnées et leur garantir l’accès à leurs droits fondamentaux.

« Le travail social vise à permettre l’accès des personnes à l’ensemble des droits fondamentaux, à faciliter leur inclusion sociale et à exercer une pleine citoyenneté. » Cette proclamation est la première phrase de l’article D. 142-1-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF). Sans accès aux droits fondamentaux, pas d’inclusion sociale ni de plein exercice de la citoyenneté. Liberté, égalité, fraternité ! La première ne peut être absolue, sans quoi elle dégénère en chaos, d’où émerge l’autocratie. La troisième ne se décrète pas, même dans la Constitution, mais peut au mieux être suscitée. Et la seconde, qui nous intéresse ici, est juridique et non souveraine : l’égalité des droits, éventuellement des chances, est la seule qui puisse être promise voire due au citoyen, sans quoi il ne peut s’intégrer à la société ni exercer ses prérogatives citoyennes.

L’article D. 142-1-1 du CASF fait référence aux « droits fondamentaux » énoncés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la Constitution ou encore la Convention européenne des droits de l’homme : égalité des sexes, protection des mineurs, liberté d’expression, droit à la santé, à la sécurité, à l’éducation, au travail, accès à la justice, équité fiscale… Tous les autres principes découlent de ces droits fondamentaux.

Lorsqu’un travailleur social accompagne un usager, celui-ci est fréquemment confronté à des problèmes dont la cause ou le traitement relève au moins partiellement du droit : famille, argent, logement, travail, consommation… Ne pas les traiter contribue à son exclusion. Mais quelles formes prend alors l’accompagnement social, sachant que les travailleurs sociaux ne sont pas juristes ou qu’accessoirement ? Que sont les outils juridiques de l’accompagnement social, pour reprendre le nom d’une formation que j’anime pour les travailleurs sociaux depuis une trentaine d’années ?

Des bases juridiques indispensables

Cet accompagnement prend souvent une de ces trois formes : le renseignement (mais pas le conseil), l’orientation ou l’intervention directe. En amont, il faut détecter et qualifier le problème, c’est pourquoi les travailleurs sociaux devraient tous être dotés d’un socle de connaissances juridiques pratiques dédiées à l’accompagnement des personnes. Socle qui ne peut se restreindre à la seule théorie, tant elle est souvent éloignée des réalités. Par exemple, lorsque j’indique à mes stagiaires qu’en cas de violence conjugale sans arrêt de travail (violence « légère », donc !), la sanction peut aller jusqu’à trois ans de prison, ils me rétorquent que le mari violent ne risque même pas trois heures de garde à vue !

Détecter et qualifier le problème pour mieux orienter, c’est par exemple savoir qu’on n’est pas responsable de toutes les dettes de son conjoint, que tous les biens ne sont pas saisissables, qu’il faut systématiquement faire opposition à une injonction de payer, qu’il est possible de convaincre certains démarcheurs, vendeurs ou réparateurs que s’ils ne remboursent pas le consommateur grugé, ils s’exposent à des poursuites pénales, que l’on peut résilier certains engagements de caution en matière de bail locatif, etc., etc., etc. ! Ces outils juridiques sont des réponses à des situations concrètes qui reviennent régulièrement, et pour lesquelles il est possible d’agir.

Il faut être vigilant lorsque l’on renseigne l’usager. Par exemple, on ne saurait évoquer un dépôt de plainte sans s’enquérir de la preuve (d’ailleurs, qui sait que pour prouver une infraction pénale, on peut, sous certaines conditions, filmer le délinquant à son insu ?).

Quant à orienter une personne, encore faut-il savoir qu’il y a matière à le faire. Par exemple, si on ignore qu’on peut s’opposer à la saisie des biens et comptes communs lorsque la dette contractée par un des époux est un crédit à la consommation, on ne pensera pas à orienter la personne vers le commissaire de justice ou un avocat. Dans un autre ordre d’idée, si un salarié se plaint de harcèlement, avant de l’orienter, il peut être utile de vérifier si les faits décrits ou ressentis correspondent à la définition juridique du harcèlement moral ou sexuel. L’urgence peut rendre l’orientation inopérante, par exemple lorsqu’un délai est sur le point d’expirer. Il faut alors accompagner l’usager dans ses démarches, voire les faire à sa place, ce qui nous conduit à l’intervention directe.

Une « compétence métier »

L’intervention directe peut consister à aider l’usager à déposer un dossier de surendettement à titre préventif, avant tout incident de paiement, ou contacter le banquier en cas de saisie du compte, si ledit banquier ne veut laisser au saisi que le solde bancaire insaisissable, alors que tout ce qui est insaisissable à la source (fraction du salaire, prestations familiales…) le reste une fois versé sur le compte. Comme la personne n’a ni les compétences ni l’énergie pour s’opposer à son banquier, lequel n’est pourtant pas au-dessus des lois (qu’il ignore parfois !), le droit donne au travailleur social les moyens d’agir en ses lieux et place. Comme la demande doit être faite dans les quinze jours de la saisie, il n’y a parfois pas d’alternative à l’intervention directe.

Le droit est omniprésent dans la vie sociale et professionnelle, et pas seulement pour aider les particuliers à solutionner leurs difficultés. Par exemple, les questions de confidentialité, de secret et d’écrits professionnels, de traitement des données à caractère personnel sont plus prégnantes que jamais. Le droit est aussi en perpétuelle évolution. Il est important de se sentir à l’aise avec la « chose juridique », de maîtriser son jargon. Par exemple, si un usager montre à son assistante sociale une sommation de payer, elle ne doit pas réagir de la même manière que s’il lui apporte un commandement, même si les deux documents émanent d’un commissaire de justice.

Enfin, le droit, si interprétatif soit-il, jouit d’une crédibilité lui conférant une certaine force de persuasion. Cela est utile lorsqu’on intervient auprès d’un interlocuteur de la personne accompagnée (banquier, bailleur, administration, curateur, commissaire de justice…), et parfois face à sa propre hiérarchie, par exemple s’agissant du secret professionnel. Pour les travailleurs sociaux, le droit pratique relève de la « compétence métier », comme ils me le disent souvent.

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