A travers des témoignages inédits d’enfants des bidonvilles des années 1960 – devenus adultes et en cela témoins privilégiés –, la sociologue Margot Delon a pu retracer leurs trajectoires et s’interroger sur l’influence de l’habitat dans les parcours de vie. Des baraques de tôle aux cités de transit, elle décrit deux réalités : celles des villes de Nanterre et de Champigny-sur-Marne. La première, à l’ouest de Paris, concentre près de 10 000 habitants en bidonvilles, d’origine maghrébine ; la seconde, à l’est, en compte 15 000, des Portugais pour la plupart. Malgré un même contexte, les expériences vécues divergent, note l’autrice qui constate une « racialisation des bidonvilles ». Parce qu’ils étaient rattachés à une « blanchité européenne », ceux de Champigny ont été moins mal traités par les pouvoirs publics que ceux de Nanterre, associés à un « indésirable colonial ». La différence avec aujourd’hui ? En dépit d’un racisme structurel, il existait, il y a cinquante ans, « une volonté politique d’intégrer les habitants par le relogement ».
« Enfants des bidonvilles. Une autre histoire des inégalités urbaines », Margot Delon, éd. La Dispute, 14€.