Dans mon travail, j’ai analysé les différentes terminologies qui, effectivement, désignent toutes une pratique relativement similaire : mettre en relation un animal et un humain dans le but de produire un bénéfice pour ce dernier, le tout supervisé par un professionnel du soin pour les humains. C’est une question de vocabulaire, mais qui est sociologiquement intéressante parce qu’elle dit beaucoup des dynamiques sociales dans lesquelles sont pris les humains. En l’occurrence, le terme « thérapie » a été utilisé très tôt par les premières personnes à s’intéresser à ces pratiques, bien que certaines n’avaient aucune formation de thérapeute. Les thérapeutes « reconnus » n’ont pas apprécié et l’ont fait savoir. Depuis le milieu des années 1990, un consensus a été trouvé : on peut parler de « thérapie » (avec l’animal, assistée par l’animal) à condition d’être déjà reconnu comme « thérapeute » ou professionnel dans sa discipline (psychomotricité, kinésithérapie, psychologie, voire infirmière ou travailleur social).
Depuis plusieurs années, des efforts considérables ont été faits par les promoteurs de médiation animale pour penser les conditions dans lesquelles les animaux pourraient intervenir dans ces établissements. On a fait l’inventaire des législations existantes, en montrant qu’elles n’étaient pas si restrictives qu’on le pensait. On a mis en place des protocoles d’intervention pour s’assurer que les animaux n’amenaient pas avec eux trop de microbes. Ces efforts ont coïncidé avec une évolution des établissements pour personnes âgées, qui se sont de plus en plus pensés comme des lieux de vie. Il y a eu une prise de conscience de la nécessité de « personnaliser » l’environnement de soin, de ne pas trop accentuer la coupure avec la « vie d’avant » que représente l’entrée en institution.
Historiquement, la présence animale dans certains établissements de soin n’est pas nouvelle : des asiles psychiatriques possédaient des fermes par exemple, et les animaux faisaient donc partie de la vie de l’établissement. Mais d’une manière très différente de celle que l’on retrouve avec la médiation animale, où il est question de créer une relation, non instrumentale, bienveillante, avec des animaux vus comme des quasi-personnes.
Je me garde d’exagérer le succès de la médiation animale. L’une des conclusions de ma thèse était précisément de montrer que le monde du soin reste très dominé par le modèle biomédical, dans lequel il est difficile de considérer les non-humains autrement que comme des bactéries ou des molécules, et qu’à ce titre il est compliqué de faire accepter la manière dont les animaux sont mobilisés en médiation animale, sur un mode qui valorise leur agentivité, leur individualité, voire leurs qualités morales. La place qu’a trouvée la médiation animale dans le monde du soin est celle que l’on réserve aux pratiques paramédicales en général : on les considère importantes, des recours potentiels, complémentaires, mais pas vraiment des alternatives pouvant se substituer à de la médication ou à de l’intervention chirurgicale.