« Travailleur social » : c’est qui, c’est quoi ? D’abord, quel est l’intérêt de la question ? Il est déjà dans le fait que même les premiers concernés ne sont pas d’accord sur la réponse ! Travailleur social, c’est un terme générique. Un bénévole d’association est-il un travailleur social ? Oui, s’il est au contact des usagers, répondent certains. Non, objectent d’autres, se fondant sur l’énumération figurant à l’article L. 451-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) qui vise les « formations sociales », indispensables selon eux à mériter le titre de travailleur social : « Les formations sociales contribuent à la qualification et à la promotion des professionnels et des personnels salariés et non salariés engagés dans la lutte contre les exclusions et contre la maltraitance, dans la prévention et la compensation de la perte d’autonomie, des handicaps ou des inadaptations, dans la prévention de la prostitution et l’identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains et dans la promotion du droit au logement, de la cohésion sociale et du développement social. »
Ces formations sont sanctionnées par cinq diplômes d’Etat : assistant de service social, éducateur de jeunes enfants, éducateur spécialisé, éducateur technique spécialisé, et conseiller en économie sociale et familiale. Pourtant, les métiers ou les fonctions du social ne se résument pas à ces cinq diplômes, comme en témoigne notamment celui d’accompagnant éducatif et social (AES). Dans son Livre blanc remis au gouvernement le 5 décembre 2023, le Haut Conseil du travail social (HCTS) indique : « Au total, les métiers du travail social sont historiquement structurés et identifiés autour d’une quinzaine de “professions” attachées à 13 diplômes d’Etat, échelonnés du niveau 3 (accompagnant éducatif et social ou assistant familial) au niveau 7 (ingénierie sociale ou direction d’établissement). » Mais ce même HCTS dénombre 90 « métiers du social ».
Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), 39 % des travailleurs sociaux sont employés par des particuliers, principalement en tant qu’assistantes maternelles ou gardes d’enfants. S’y ajoute l’assistance aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap. Donc quel est en définitive le nombre total des travailleurs sociaux ? Le HCTS indique dans son Livre blanc : « On avance souvent le chiffre de 1,3 millions de travailleurs sociaux en se fondant sur l’énumération figurant à l’article L. 451-1 du CASF », une énumération basée sur les formations et non sur les pratiques (quid, par exemple, des nombreuses « intervenantes sociales » ?).
Essayons une autre référence, celle de l’article L. 116-1 du code de l’action sociale et des familles qui définit l’action sociale : « L’action sociale et médico-sociale tend à promouvoir, dans un cadre interministériel, l’autonomie et la protection des personnes, la cohésion sociale, l’exercice de la citoyenneté, à prévenir les exclusions et à en corriger les effets. Elle repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de tous les groupes sociaux, en particulier des personnes handicapées et des personnes âgées, des personnes et des familles vulnérables, en situation de précarité ou de pauvreté, et sur la mise à leur disposition de prestations en espèces ou en nature. Elle est mise en œuvre par l’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les organismes de sécurité sociale, les associations ainsi que par les institutions sociales et médico-sociales au sens de l’article L. 311-1. »
Y a-t-il une équivalence entre travail social et action sociale ? Une thèse est que l’action sociale se résume aux prestations. Elle relèverait alors de l’assistance, d’aucuns diraient de l’assistanat, en contradiction avec la finalité même de l’accompagnement social, qui vise le retour à l’autonomie de la personne, lorsqu’il est envisageable.
Heureusement, l’article D. 142-1-1 du CASF éclaire les lanternes en définissant cette fois le travail social : « Le travail social vise à permettre l’accès des personnes à l’ensemble des droits fondamentaux, à faciliter leur inclusion sociale et à exercer une pleine citoyenneté. Dans un but d’émancipation, d’accès à l’autonomie, de protection et de participation des personnes, le travail social contribue à promouvoir, par des approches individuelles et collectives, le changement social, le développement social et la cohésion de la société. Il participe au développement des capacités des personnes à agir pour elles-mêmes et dans leur environnement.
A cette fin, le travail social regroupe un ensemble de pratiques professionnelles qui s’inscrit dans un champ pluridisciplinaire et interdisciplinaire. Il s’appuie sur des principes éthiques et déontologiques, sur des savoirs universitaires en sciences sociales et humaines, sur les savoirs pratiques et théoriques des professionnels du travail social et les savoirs issus de l’expérience des personnes bénéficiant d’un accompagnement social, celles-ci étant associées à la construction des réponses à leurs besoins. Il se fonde sur la relation entre le professionnel du travail social et la personne accompagnée, dans le respect de la dignité de cette dernière.
Le travail social s’exerce dans le cadre des principes de solidarité, de justice sociale et prend en considération la diversité des personnes bénéficiant d’un accompagnement social. »
Ici, il est question d’objectifs à atteindre dans un cadre éthique et déontologique pluridisciplinaire. Il n’est pas fait référence à des diplômes ou des métiers, mais à un ensemble de pratiques professionnelles.
Finalement, « travailleur social », c’est qui, c’est quoi ? La question reste ouverte.