Pratiques professionnelles en recul, surprotection, manque d’effectifs chronique… Quatre ans se sont écoulés depuis la crise sanitaire et le travail médico-social en ressent encore les soubresauts. Un changement de paradigme que nous avons choisi d’explorer dans la première série thématique de notre nouvelle rubrique « Conseils de pros », avec une plongée dans « les établissements après le Covid ». Vous pouvez retrouver l’intégralité de ces articles sur notre site – et vous abonner à la rubrique – en scannant le QR code page 29.
Comment la pandémie et ses conséquences ont-elles transformées en profondeur un secteur déjà fragilisé ? Si Emmanuel Macron évoquait à l’époque une « guerre à mener », les professionnels se sentent aujourd’hui en partie vaincus, parfois même exsangues. Après avoir construit les premières bases de lieux de vie ouverts sur l’extérieur, travaillé sans blouse, écouté la voix des usagers, le Covid a refermé à double tour les portes des établissements. Et il est difficile de se défaire des nouvelles mauvaises habitudes avec, comme conséquences, une surprotection et une quête du risque zéro.
Face à cette situation, nombreux sont ceux qui réclament un changement de modèle tourné vers la qualité de service, vers des lieux de vie plus ouverts tout en refusant le rapprochement avec les protocoles sanitaires. Si les professionnels, mais aussi les membres de direction, souhaitent gommer l’organisation coercitive instaurée pendant le Covid, beaucoup militent pour un virage où la parole de l’usager devra enfin être entendue. Le droit de visite récemment consacré est une première victoire.
Il en reste de nombreuses à gagner pour des professionnels au bord de la crise de nerf. Car la crise sanitaire a laissé place à une crise des vocations et du recrutement. Le constat est le même dans tous les secteurs. Chaque absence devient difficile, voire impossible, à remplacer. Le contrat à durée indéterminée n’est plus recherché ; les contrats à durée déterminée ou encore les vacations séduisent avec la volonté de retrouver de la liberté, de pouvoir choisir son emploi du temps et de ne plus subir une organisation. Une réalité qui pèse sur les équipes, qui interroge et qui épuise. Dans le même temps, c’est la saturation dans les services et des situations dégradées dans tous les secteurs, à commencer par l’aide sociale à l’enfance.
Cependant, les bonnes volontés subsistent. Du côté des ressources humaines, l’énergie et l’imagination se déploient pour tenter de séduire et de recruter coûte que coûte. C’est aussi par la qualité de service et l’innovation que le salut viendra. Démocratie en santé, intelligence collective, éthique, équipe fédérée par des valeurs communes, nouvelles organisations… les pistes sont nombreuses pour imaginer un autre avenir où professionnels et personnes accompagnées pourront évoluer et vivre dans de meilleures conditions.
Les professionnels ont besoin d’être reconnus et fiers du métier qu’ils exercent. Et c’est notre rôle de leur rappeler. C’est nécessaire et surtout vrai, ils peuvent être fiers de ce qu’ils accomplissent au quotidien. Certes, chacun travaille dans des conditions parfois complexes mais, globalement, les résidents vont bien, ils sourient, il y a des projets de fêtes, de vacances, les familles sont satisfaites et solidaires avec les professionnels. Ce sont bien ces éléments qui font le sens de notre travail au sein de l’Archipel et de l’association et qui alimentent ce besoin de se sentir utile. C’est un jeu dangereux que de parler exclusivement de ce qui ne va pas, il faut aussi se nourrir de ce qui va bien pour affronter les moments plus difficiles. Ce cercle vertueux permettra à ce collectif humain d’arriver au bien-vivre ensemble.
Catherine Baudouin Quéromes, directrice d’une maison d’accueil spécialisée Adapei-Nouelles Côtes d’Armor