400 millions (en plus) d’un côté, un milliard (en moins) de l’autre. 400 millions, c’est le montant des aides obtenues par les agriculteurs après trois semaines de raffut et quelques tonnes de lisier. Plus d’un milliard, c’est le total des coupes budgétaires dans le secteur social et médico-social après les annonces du plan d’économie par Bruno Le Maire. La liste des branches élaguées est impressionnante ; elle est de surcroît incohérente car elle contredit de précédentes ambitions gouvernementales :
• 49 millions d’euros en moins pour la politique de la ville, huit mois après les pires émeutes du siècle ;
• 114 millions de crédits squeezés pour l’asile et l’immigration… alors que la loi de finances prévoyait, entre autres, 1 500 places supplémentaires dans les centres d’accueil ;
• 227,9 millions ponctionnés sur les politiques de retour à l’emploi, une soustraction en contradiction avec la vision de plein emploi du gouvernement ;
• 230 millions confisqués dans le budget pour le handicap et la dépendance, l’année où 6 000 postes doivent être créés dans les Ehpad et alors que les associations réclament des fonds d’urgence pour l’aide à domicile ;
• 300 millions retranchés des aides pour l’accès au logement pendant qu’une crise maousse traverse ce secteur et impacte de plein fouet les plus précaires ;
On arrête là cet EuroMillions à l’envers. Certes, d’autres secteurs subissent des coupes drastiques. Mais aucun ne cumule une stagnation des salaires, une attractivité en berne, des conditions de travail dégradées et une explosion des personnes à accompagner. Les cinq ministres et secrétaires d’Etat qui ont reçu le 5 décembre dernier le Livre blanc du travail social l’ont d’ailleurs reconnu volontiers. Ah, c’est vrai qu’en février, quatre sur cinq n’étaient pas reconduits à leur poste.
Sans préjuger des intentions de leurs successeurs, démarrer une charge ministérielle par des coupes drastiques n’est pas un signal extrêmement encourageant.
Et on se demande quelle est cette logique qui vise les plus fragiles…
Est-ce parce que ce sont aussi les plus invisibles ? La France des exclus ne roule pas en tracteur. On ne va pas encercler des préfectures avec des résidents d’Ehpad, des jeunes placés et des polyhandi alliés à des cohortes de sans-abri et de migrants encadrés par des éducs et des assistantes sociales.
Quoique.
Quelques actions d’agit prop’ peuvent avoir des répercussions intéressantes aussi bien auprès de la presse en régions qu’auprès des ministères, comme la #braderiedusocial qui fut organisée par la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) en octobre dernier. La même fédération programme en septembre des « journées du travail social » qui dépasseront le cercle des seuls acteurs de l’insertion. Ce sera l’occasion d’unir des structures professionnelles fragmentées entre la protection de l’enfance, la dépendance, le handicap, l’insertion, etc. Ce n’est pas au programme, mais ces journées seraient le bon endroit pour construire une confédération ou une coordination qui aurait le poids et la force de frappe d’une FNSEA. Si cette structure voit un jour le jour, il n’y aura même pas besoin de tracteurs et de fumier pour se faire respecter.
Enfin, on peut rêver.