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Les réponses des pros

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« Ecartée trois jours avant son décès »

Un 31 décembre, les choses se sont accélérées, elle a désaturé, j’ai immédiatement contacté l’infirmière de garde qui a appelé le Samu. Nous nous sommes retrouvées dans une situation très délicate. Car en soins palliatifs, il faut communiqué le nom d’une personne de confiance qui prendra la décision de laisser ou non partir la personne. Mais nous n’avons eu accès à ce nom que le lendemain. J’ai donc passé toute la nuit à redoubler de vigilance. J’ai été très choquée que les autres intervenants, notamment mon employeur, ne connaissent pas ces obligations légales. J’ai écrit un rapport le lendemain pour exprimer mon mécontentement. J’ai également constaté le détachement des collègues de jour qui semblaient avoir baissé les bras, répétant : « Mieux vaut pour elle qu’elle parte le plus vite possible. » Trois jours avant son décès, on m’a écartée de chez elle car j’avais signalé un manquement grave lors d’une transmission. Un signalement de trop, qui m’a valu une mise à pied conservatoire. Les derniers jours, Fleur a été privée de ses auxiliaires de vie référentes et est partie très vite. Elle avait 39 ans et était entourée de têtes inconnues. J’ai trouvé cela très violent. Encore aujourd’hui, quatre ans après. Pour exercer ce métier, il faut de l’affect, c’est essentiel.

Sandrine Bonnot, auxiliaire de vie.

« Disposer d’un espace sécurisé et collectif »

Dans le travail social, la notion d’équipe est importante. Elle est une ressource et un soutien fondamental. C’est l’une des raisons pour laquelle j’ai fondé le Réseau animation à domicile. Le Rado est une réponse à cet isolement professionnel. Il entretient la culture de soutien par les pairs. Lors de rencontres digitales régulières, nous utilisons différents outils issus de la « pairagogie » (apprentissage par les pairs) tels que le codéveloppement professionnel, les séances de transmission de savoir, de partages d’expériences ou encore les cafés punchy du Rado. Il ne s’agit pas de faire une thérapie à chaque difficulté rencontrée mais bien d’avoir un espace sécurisé où l’on peut déposer sa parole, se dire et trouver des solutions grâce à l’intelligence collective. L’enjeu est de prendre du recul et d’être dans une dynamique de formation continue qui permet d’évoluer dans sa pratique. Pour l’accompagnement à la fin de vie, cet espace peut servir à connaître ses propres limites, pouvoir les poser et savoir orienter vers d’autres professionnels du domicile pour répondre aux besoins des personnes accompagnées.

Yolaine Desbois, formatrice du Rado (Provence-Alpes-Côte d’Azur).

« Que les professionnels parlent de la mort »

Si nos sociétés se révèlent en quête de sens dans le rapport à la mort, la tendance de fond reste celle d’une mort interdite, chassée de l’espace social. Ce qui n’est pas sans conséquences sur l’expérience ordinaire des personnes concernées et de ceux qui les entourent. Si, « techniquement », on accompagne de mieux en mieux la mort, les manques de repères sont majeurs en matière d’attitudes, de mots face à la mort. Même dans les lieux où elle est « ordinaire », elle peine à être abordée collectivement, et dans toute sa complexité.

Souvent, alors qu’elles souhaiteraient parler de leur propre mort, les personnes âgées peinent à trouver une écoute attentive. Elles sont parfois maintenues dans l’ignorance du décès d’un proche, par souci de les protéger ; silence qu’elles osent rarement rompre. Cet interdit ordinaire peut être source d’étonnement mais aussi d’isolement et de souffrance. Ce dont témoignent des personnes avec qui j’ai pu échanger : « Quand on en parle, les professionnels, les proches nous disent : oh non il ne faut pas y penser ! » « Si vous pouviez suggérer aux professionnels qu’on parle de la mort, qu’on débloque cette frayeur par rapport à une chose qui, en définitive, est naturelle… »

Marion Villez, enseignant chercheur.

« Financer des temps de psychologues »

La coordination entre les acteurs autour de la personne peut se mettre en place à l’initiative d’un service d’aide à domicile. Par exemple, l’association AGABC, adhérente Adédom située à Asnières (92), organise, le cas échéant avec des dispositifs d’appui et de coordination, des réunions de concertation et de coordination et des visites communes d’évaluation ou de ré-évaluation à domicile, afin de ne pas laisser une personne « sans solution ». Un progrès important serait d’avoir des temps de psychologues dans les budgets des services d’aide à domicile pour améliorer l’écoute et l’expression des personnes accompagnées mais, également, pour que les professionnels puissent exprimer leur mal-être quand une personne accompagnée depuis de nombreuses années est en fin de vie ou décédée. Pour ces salariés de la branche de l’aide et des soins à domicile, ce soutien serait complémentaire de l’écoute psychologique mise en place il y a quelques années par leur syndicat professionnel.

Didier Duplan, membre du comité d’experts personnes âgées de la Fondation de France.

« La crainte, la peur »

C’est l’histoire d’une promesse. Celle que Corinne a faite à ses parents : rester à la maison jusqu’au bout. Jusqu’au bout ? C’est une façon bien pudique mais commode de dire jusqu’à la mort. Bernard est parti le premier, laissant Armande, 80 ans, et sa démence de type Alzheimer, seule à la maison. Dans leur repaire, dans leurs repères. Mais bien perdue quand même. Elle glisse. Tout doucement. C’est l’histoire d’une promesse qui tient. Que ni les infirmières, ni les auxiliaires dont je fais partie, ni le médecin traitant ni la kiné n’ont faite. Et pourtant, nous en sommes tous solidaires. Ce n’est pas la mort qui fait peur dans cette histoire. C’est la souffrance, la perte de contrôle, l’impuissance face à l’avancée de la maladie. Tout est là : dans la crainte, la peur.

Mylène Laboyrie, aide-soignante, créatrice de Jolis moments (Nouvelle-Aquitaine).

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