Réseaux sociaux et hypersexualisation de la société ont vu croître les phénomènes de prostitution des mineurs ces quinze dernières années. Les professionnels de la jeunesse y sont de plus en plus confrontés. Sans être toujours armés émotionnellement pour adopter la bonne posture.
Oser parler de sexualité. « Comment s’occuper d’adolescents sans travailler l’amour, la sexualité et le consentement ? Les équipes doivent réfléchir à la manière d’aborder cette question selon les âges. Le besoin de découvrir l’amour est constitutif du développement humain. Très tôt, la question occupe le cerveau, qui plus est dans l’univers numérique actuel et particulièrement dans les foyers, où les ados, de fait, vivent ensemble. Si on ne parle pas de vie sexuelle, c’est la pornographie qui le fera. Avec autour, des prédateurs qui savent exploiter les fragilités. »
Travailler le rêve de l’argent facile et les addictions. « Devenir influenceuse à Dubaï ou mannequin célèbre, voilà une promesse que les proxénètes ne tiendront pas mais qui fonctionne avec un “adonaissant” (12-14 ans). Il suffit de taper “argent facile” sur Instagram ou sur TikTok pour obtenir une multitude de propositions. Un adolescent verra la finalité – un portable, des baskets – mais pas la réalité des heures passées avec des clients de tous âges. Il faut aussi poser des questions sur la consommation de drogues : elle crée inévitablement des dettes qu’il faudra rembourser. »
Ne pas juger. « Nous, professionnels, devons revisiter nos représentations pour adopter la bonne posture et trouver les mots qui permettent le dialogue : le jeune se fermera face aux reproches, à la moralisation ou demande d’aveux, alors qu’il a besoin de reconnaissance et de bienveillance. Rappelons que, selon la loi française, la personne prostituée est une victime, du proxénète s’il y en a et des clients. Une victime que la recherche d’autonomie et le manque de capacité cognitive rend facile à manipuler. »
Favoriser une approche expérientielle. « Notre association conçoit des jeux, sur les réseaux sociaux, sur l’amour 2.0, etc. C’est une très bonne manière de favoriser le dialogue et d’aider à la prise de parole. Les agressions et humiliations vécues relèvent de l’indicible. Pour un adolescent, dire “je me suis trompé” ou “on m’a trahi” est un aveu de faiblesse. Le jeu permet de verbaliser, en faisant un pas de côté. »
Valoriser l’estime de soi. « Face à des jeunes dotés d’une très faible estime d’eux-mêmes, l’approche motivationnelle est intéressante. Plutôt que de focaliser sur des dangers et problèmes, mieux vaut s’appuyer sur la motivation du jeune. Et nourrir ses centres d’intérêt pour lui donner l’envie de vivre autre chose. On aimerait tous qu’il se reconnaisse victime et demande notre aide : on se trompe. Il faut “booster” l’estime de soi, puis trouver les portes d’entrée motivationnelles pour l’orienter vers autre chose. »
Soutenir les proches. « On va avoir besoin des proches pour créer le lien, pendant les fugues par exemple, et surtout pour un soutien à long terme. Car il faut des années pour se reconstruire après de tels traumatismes. Comment parler aux proches de la situation ? Même s’il faut interroger des fragilités qui tiennent à des événements de la petite enfance, il ne faut pas être soupçonneux de leurs compétences éducatives. Mais au contraire essayer de créer une alliance qui va permettre au jeune de quitter la prostitution. »
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