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Violences sur enfants : « Je te crois, je te protège »

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Si la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants a bien été reconduite, Arnaud Gallais, l’un des onze membres démissionnaires, s’inquiète de la continuité de cette instance et de la mise en œuvre de ses recommandations.

En décembre dernier, le remaniement de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a fait couler beaucoup d’encre. Nous étions douze membres à avoir démissionné après l’éviction du juge Edouard Durand. Outre l’acte symbolique de solidarité que représente cette démission collective, nous avons surtout agi au regard de la confiance que nous ont fait 30 000 personnes, dont, rappelons-le, seules 8 % ont bénéficié d’un soutien social positif : « Je te crois, je te protège ». 92 % ont subi un soutien social négatif : « Je te crois mais je ne te protège pas », voire « Tu es un menteur, une menteuse ». Les enfants parlent et nous ne sommes donc pas en mesure de les protéger.

Chaque année en France, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles. 10 % de la population française, dont je fais partie. Moins de 4 % des enfants victimes de viols déposent plainte. D’après le ministère de la Justice, 73 % de ces plaintes sont classées sans suite. Seulement 0,4 % d’entre elles aboutissent aux assises. Le reste est correctionnalisé, c’est-à-dire que ces crimes sans cadavre deviennent des viols sans pénétration.

Nous l’avons clamé haut et fort : la Ciivise est une doctrine pour qu’enfin en France émerge une réelle culture de la protection de l’enfance. Là où la tendance actuelle est de faire vivre la culture du secret, qui renvoie la victime à une forme de responsabilité, il nous est apparu essentiel que la société porte enfin un vrai message protecteur : « Nous devons protéger les enfants ».

Des violences sexuées

Nous avons déploré le fond et la forme de la continuité de cette instance. Passer l’émoi d’une incompréhension collective sur les conditions mise en place d’un passage de relais cavalier, revenons-en au fond.

En premier lieu, nous avons manifesté nos inquiétudes en entendant la secrétaire d’Etat et le nouveau président de la Ciivise remettre en question une approche « féministe » soutenue jusqu’alors par la commission. Comment battre en brèche cette approche alors que 80 % des victimes de violences sexuelles dans leur enfance sont des filles ? Les violences sexuelles faites aux enfants sont des violences sexuées. Un lien évident à faire avec les sombres chiffres des violences faites aux femmes.

Comment également ne pas être inquiet à l’annonce de la nomination en qualité de vice-présidente de Caroline Rey-Salmon, qui claquait la porte de la Ciivise en 2022 car elle s’opposait à l’obligation de signalement des médecins, alors que dans notre rapport nous la renforçons avec la protection de tous les lanceurs d’alerte.

Résistance de la société

Comment ne pas être inquiet à l’annonce de la nomination d’un nouveau président de la Ciivise ouvertement opposé à l’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuels sur les enfants, l’une des préconisations phares du rapport. Ce dernier compare la prescription à une date de péremption sur un pot à yaourt, faisant ainsi reposer sur les épaules des victimes toute la responsabilité de la reconnaissance de leur statut par la justice.

Comment l’indépendance peut-elle être maintenue lorsque, à la tête de la nouvelle Ciivise, figure le directeur général d’une association qui reçoit des fonds publics de manière significative ?

Ce décryptage doit déclencher en nous une prise en compte collective d’une résistance que la société met en place malgré elle, mécanisme du déni pour ne pas protéger les enfants.

Passé le temps des polémiques, le rapport de la Ciivise doit permettre à chaque professionnel de s’imprégner dans sa pratique des préconisations de la commission. Car si notre vœu le plus cher est l’application des 82 mesures, dont certaines relèvent du pouvoir législatif et de la volonté politique, ne nous dédouanons pas de ce que nous pouvons chacune et chacun à notre niveau pour agir et protéger les enfants. Un rapport est aussi un texte adressé à toute la société. Faisons le vœu en ce début d’année qu’il soit source d’inspirations pour celles et ceux qui au quotidien sont au côté des enfants. Faisons vivre collectivement ce que 30 000 survivantes et survivants nous ont dignement apportés ! Passons de « Je te crois » à « Je te protège ».

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