Le tiers digne de confiance peut se voir confier un mineur par le juge des enfants si ses parents ne sont pas aptes à l’accueillir. Il s’agit d’une alternative au placement dans un service départemental de l’aide sociale à l’enfance (ASE), dans un service ou un établissement habilité pour l’accueil de mineurs à la journée ou suivant tout autre modalité de prise en charge ou encore dans un service ou à un établissement sanitaire ou d’éducation – ordinaire ou spécialisé –, énumère l’article 375-3 du code civil. Cet article, créé par la loi n° 70-459 du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale, a été modifié à plusieurs reprises, jusqu’à la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi « Taquet ». Cette dernière a introduit la priorité à un placement auprès d’un proche, dont « le tiers digne de confiance ».
Un décret du 28 août 2023 vient préciser les modalités d’accompagnement du tiers digne de confiance, de l’accueil durable et bénévole par un tiers et de désignation de la personne de confiance par un mineur (lire l’encadré page 42).
Pour protéger un mineur, le juge des enfants peut le confier à un tiers digne de confiance. Cette possibilité prévue dans l’article 375-3 du code civil arrive en troisième position derrière « l’autre parent » et « un autre membre de la famille ». Le code civil indique que les options venant après le tiers digne de confiance ne peuvent être privilégiées qu’après une évaluation, illustrant la volonté de la loi « Taquet » de privilégier le placement chez une personne connue de l’enfant plutôt que dans les services de l’ASE par exemple. Ce tiers est considéré comme apte à agir dans l’intérêt et la sécurité de l’enfant.
Le tiers digne de confiance peut être un membre de la famille ou une personne extérieure à la famille du mineur. Dans les faits, il est souvent issu de la famille ou au moins de la sphère familiale. Dans tous les cas, il doit être proche de l’enfant et entretenir avec lui un lien affectif et de confiance.
Une fois désignée par le juge, cette personne accueille le mineur à son domicile personnel. Le tiers digne de confiance n’a pas de lien avec les services de protection de l’enfance et n’a ni agrément ni habilitation. Il n’a pas même besoin d’être formé pour s’occuper d’enfants.
Si la loi du 7 février 2022 incite à davantage recourir aux tiers digne de confiance, plusieurs institutions soulignent que les juges des enfants n’optent pas souvent pour cette solution(1). En 2020, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) estimait dans un avis que le peu de recours à ces « aidants informels » était notamment dû à son « absence de statut » et au « défaut de suivi du placement par l’aide sociale à l’enfance ». La CNCDH recommandait alors de « promouvoir le recours à ces aidants informels ou à d’autres formes d’aide qui présentent de nombreux avantages pour la stabilité de l’enfant », arguant que cela allait dans le sens de la volonté du Comité des droits de l’enfant. Elle conseillait en outre de reconnaître un statut juridique au tiers digne de confiance et de lui donner une formation adaptée. Dans un rapport d’octobre 2021, la commission des affaires sociales du Sénat estimait que « l’accueil chez un tiers digne de confiance est peu utilisé par le juge lorsque l’enfant doit être extrait du domicile de ses parents. Il permet pourtant de maintenir l’enfant dans son environnement habituel et de préserver des liens avec une partie de ses proches, ce que privilégient les dispositions du code civil. »
Si les textes n’en disent pas plus sur le statut du tiers digne de confiance, ils donnent des éléments sur son indemnisation. La formule de « bénévole indemnisé » est souvent employée pour désigner le tiers digne de confiance. Ce dernier ne reçoit pas de salaire mais une allocation mensuelle non imposable fixée par le département. L’article L. 228-3 du code de l’action sociale et des familles (CASF) indique qu’à l’exception des dépenses résultant de placements dans des établissements et services publics de la protection judiciaire de la jeunesse, ce dernier prend en charge financièrement au titre de l’ASE les dépenses d’entretien, d’éducation et de conduite des mineurs confié par l’autorité judiciaire, entre autres, à des personnes physiques, ce que sont les tiers dignes de confiance.
« Dès notification par le juge des enfants de la décision de placement de l’enfant chez le membre de la famille ou le tiers digne de confiance, le président du conseil départemental fixe le montant et les modalités de versement de l’allocation », précise encore le décret du 28 août 2023 (CASF, art. D. 221-24-4).
Les personnes désignées tiers dignes de confiance doivent faire la demande d’allocation, cette dernière n’étant pas automatique. Elles doivent notamment envoyer une demande écrite ainsi qu’une copie de la désignation en qualité de tiers digne de confiance.
Les frais d’entretien et d’éducation sont calculés sur la base (CASF, art. R. 228-3) :
→ « d’un prix de pension mensuel auquel s’ajoute une indemnité d’entretien et de surveillance lorsque le mineur est placé dans une famille, se trouve en apprentissage ou poursuit ses études » ;
→ « d’une indemnité de surveillance et, éventuellement, d’entretien lorsque le mineur est salarié ».
Les textes n’indiquent donc pas de montant, laissant aux départements le soin de le définir. Ces derniers ont par ailleurs l’obligation d’informer les tiers digne de confiance de leur droit à une allocation.
Dans une ordonnance du 19 décembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a enjoint le département – qui refusait de verser une allocation à la requérante qui avait à sa charge son frère – de verser à cette femme une indemnité mensuelle équivalente à celle perçue par des assistants familiaux (Conseil d’Etat, 1re-6e ch. réunies, 19 mai 2017, n° 406637).
En juillet 2019, c’est le défenseur des droits qui a été amené à se prononcer dans une affaire concernant une tiers digne de confiance s’étant vu refuser l’allocation. Cette femme avait été désignée tiers digne de confiance en 2005 pour trois enfants âgés de 11, 9 et 7 ans. En 2013, elle dépose une demande d’allocation dans le département de D., qui lui répond que cela relève de la compétence du département de W., dont sont originaires les enfants placés auprès d’elle. Sans réponse du département de W., elle le contacte par téléphone et se voit expliquer qu’elle a en effet droit à une allocation mais « qu’en raison de l’absence de fonds suffisants, aucune somme ne pouvait lui être versée ». Le défenseur des droits souligne dans cette affaire :
→ le manquement du département à informer la requérante de son droit à toucher une allocation : « La responsabilité du conseil départemental de W. est susceptible d’être engagée en ce qu’il a manqué au devoir d’information qui lui incombe dans l’exécution de sa mission. » Et rappelle qu’un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 21 septembre 2006 ayant statué en faveur d’un tiers digne de confiance allait dans ce sens ;
→ ainsi que le manquement à l’obligation légale de prise en charge de l’allocation.
Enfin, l’article L. 543-3 du code de la sécurité sociale souligne que l’allocation de rentrée scolaire pour un enfant placé ailleurs que chez ses parents, sa famille ou un tiers digne de confiance sera versée à la Caisse des dépôts et des consignations jusqu’à sa majorité ou son émancipation. Si l’enfant est à la charge « effective et permanente » d’un membre de sa famille, ce dernier reçoit l’allocation. Dans une réponse à un parlementaire de 2016, le ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes indiquait d’ailleurs que : « Les prestations familiales peuvent même, dans certains cas, être attribuées à un tiers digne de confiance. »
C’est au juge des enfants, après examen, de décider à qui confier un enfant qui serait en danger au domicile parental. Par danger, l’Etat entend un risque trop important sur sa santé physique ou mentale, sa sécurité physique ou matérielle, sa moralité ou son éducation. Il s’agissait là d’une recommandation du défenseur des droits qui, en 2014, estimait que « la décision du juge des enfants de confier un enfant à une personne désignée tiers digne de confiance ou à un autre membre de la famille, comme toute autre mesure de placement, ne devrait se justifier que par l’existence d’un danger ou d’un risque de danger pour l’enfant, lequel est provisoirement éloigné de son milieu habituel le temps nécessaire à ce que sa sécurité ou les conditions de son éducation et de son développement soient à nouveau garanties ».
La loi « Taquet » impose, comme le recommandait également le défenseur des droits (voir encadré page ??), de privilégier le fait de laisser un enfant dans son entourage en cas de danger au domicile parental, et de le confier à un membre de sa famille ou un tiers digne de confiance. En outre, les fratries ne peuvent pas être séparées et doivent être accueillies au même endroit, « sauf si cela n’est pas possible ou si son intérêt commande une autre solution » (code civil [C. civ.], art. 371-5).
Le proche du mineur, ou un membre de la famille, qui souhaite devenir tiers digne de confiance doit saisir le juge des enfants, directement ou par le biais des services de l’aide sociale à l’enfance. La demande doit être précise et argumentée. Il est conseillé d’écrire le terme « tiers digne de confiance » dans la requête adressée au juge. Les travailleurs sociaux peuvent également, après étude de l’entourage de l’enfant, discuter de ce dispositif avec un proche et lui proposer d’assurer ce rôle de tiers digne de confiance.
Pour accéder à la demande d’un aspirant tiers digne de confiance, le « service compétent » – notion qui n’est pas explicitée dans le code civil – doit mener une évaluation portant sur les « conditions d’éducation et de développement physique, affectif, intellectuel et social de l’enfant dans le cadre d’un accueil par un membre de la famille ou par un tiers digne de confiance » (C. civ., art. 375-3).
Il s’agit aussi d’étudier la situation du demandeur, ou du couple de demandeurs, et de vérifier qu’elle est en adéquation avec le projet pour l’enfant. Garant de ce document unique, le président du conseil départemental l’établit « en concertation avec les titulaires de l’autorité parentale et, le cas échéant, avec la personne désignée en tant que tiers digne de confiance ainsi qu’avec toute personne physique ou morale qui s’implique auprès du mineur » (CASF, art. L. 223-1-1).
Si cette évaluation n’est pas concluante, le juge peut décider de confier le mineur à un service départemental de l’aide sociale à l’enfance, à un service ou à un établissement habilité pour l’accueil de mineurs ou à un service ou à un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé. C’est en ce sens que la priorité est donnée au fait de laisser l’enfant dans un entourage connu.
L’enfant peut être auditionné sur le sujet s’il « est capable de discernement ». La loi ne définit pas davantage cette notion de discernement, c’est au juge de l’apprécier en se basant sur l’âge et le degré de maturité du mineur, indique le ministère de la Justice dans une réponse parlementaire en 2015. « Les juges doivent par ailleurs motiver la décision par laquelle ils refusent l’audition d’un mineur. La Cour de cassation, par un arrêt du 18 mars 2015, a ainsi considéré qu’une cour d’appel prive sa décision de base légale en rejetant une demande d’audition formulée par un enfant, en se bornant à se référer à l’âge du mineur, sans expliquer en quoi celui-ci n’était pas capable de discernement », est-il encore précisé.
Une fois ces étapes réalisées, le juge prend la décision finale. S’il y a une limite de 2 ans pour un placement dans un service ou une institution, la durée durant laquelle une personne est désignée tiers digne de confiance a d’abord été sans limite.
Dans une décision du 29 septembre 2014 relative à l’accueil des enfants confiés, dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative, à une personne désignée tiers digne de confiance, le défenseur des droits constatait qu’une fois la décision de placement chez un tiers digne de confiance prise, les juges des enfants ne réexaminaient pas les situations, présumant que le danger était écarté. Or, le placement chez un tiers digne de confiance s’inscrivant dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative, le défenseur des droits appelait à réaffirmer le caractère provisoire de cette décision et recommandait de réexaminer régulièrement la mesure de placement pour s’assurer qu’elle est toujours cohérente et pertinente. Si ce n’était pas le cas, le juge pourrait envisager d’autres options comme un changement de statut juridique vers une tutelle ou une délégation parentale, ou le retour chez ses parents si le contexte le permettait.
Ces recommandations ont finalement été prises en compte. Le renouvellement des mesures de placement chez un tiers digne de confiance s’effectue tous les 2 ans au maximum.
« Lorsque l’enfant a été confié à un tiers, l’autorité parentale continue d’être exercée par les père et mère ; toutefois, la personne à qui l’enfant a été confié accomplit tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation. Le juge aux affaires familiales, en confiant l’enfant à titre provisoire à un tiers, peut décider qu’il devra requérir l’ouverture d’une tutelle » (C. civ., art. 373-4). La désignation d’un tiers digne de confiance n’enlève donc pas aux parents du mineur l’autorité parentale. Celle-ci est régie par l’article 371-1 du code civil qui note qu’elle « appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Certaines exceptions demeurent. Le tiers – ainsi que l’ASE – peut saisir le juge pour les démettre de l’autorité parentale. « En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale ou si un parent est poursuivi ou condamné pour un crime commis sur la personne de l’autre parent ayant entraîné la mort de celui-ci » (C. civ., art. 377).
Dans le même temps, l’enfant a le droit d’entretenir des liens avec ses ascendants : « Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit. Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables » (C. civ., art. 371-4). Les parents conservent en outre un droit de correspondance et un droit de visite (C. civ., art. 375-7). Les modalités sont fixées par le juge qui peut décider de suspendre ces droits. Il peut aussi imposer la présence d’un tiers lors des visites d’un parent au mineur placé auprès d’un parent, un tiers digne de confiance ou un membre de la famille. Ce tiers est désigné au moment du placement de l’enfant, soit par l’établissement ou le service qui s’est vu confier l’enfant, soit par le juge. Un décret du Conseil d’Etat du 15 novembre 2017 précise les modalités d’organisation de la visite en présence d’un tiers. Le tiers digne de confiance chez qui l’enfant est placé doit alors choisir un lieu de visite en concertation avec cet autre tiers. Dans le cas d’un placement chez un tiers digne de confiance ou un parent, cet autre tiers doit fournir au juge une analyse « sur les effets de ces visites sur l’enfant ainsi que sur la qualité et l’évolution de la relation entre l’enfant et son ou ses parents ».
Le tiers digne de confiance, en qualité de personne physique s’étant vu confier un enfant pris en charge par les services de l’ASE, a accès à « une liste des actes usuels de l’autorité parentale [qu’elle] ne peut pas accomplir au nom de ce service sans lui en référer préalablement » (CASF, art. L. 223-1-2). Celle-ci est annexée au projet pour l’enfant qui « définit les conditions dans lesquelles les titulaires de l’autorité parentale sont informés de l’exercice des actes usuels de l’autorité parentale ». Les actes usuels sont ceux qui peuvent être réalisés par un seul parent avec présomption d’accord de l’autre parent.
En 2011, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre spéciale des mineurs, définit les actes usuels comme des actes de la vie quotidienne qui (CA Aix-en-Provence, 28 octobre 2011, n° 11/00127) :
→ n’engagent pas l’avenir de l’enfant ;
→ ne donnent pas lieu à une appréciation de principe essentielle ;
→ ne présentent aucun risque grave apparent pour l’enfant ;
→ s’inscrivent dans une pratique antérieure non contestée.
Les actes non usuels désignent ceux qui impliquent l’accord express des titulaires de l’autorité parentale. L’acte non usuel :
→ rompt avec le passé de l’enfant ou engage son avenir de manière déterminante ;
→ affecte ou garantit ses droits fondamentaux.
Dans le cadre d’un placement par l’aide sociale à l’enfance chez un tiers digne de confiance, les actes usuels peuvent être effectués en informant les parents. Ces actes relèvent de la santé, de l’éducation, du droit à l’image, de l’administration, des loisirs et des transports, des relations avec la famille et les tiers, de la religion, énumère un guide du ministère des Solidarités et de la Santé(1).
Ce document indique que dans les cas de placement où les parents conservent l’autorité parentale, les services de l’ASE doivent en permanence s’interroger sur le caractère usuel ou non-usuel des actes exercés sur l’enfant. Il expose entre autres « le droit applicable, l’état de la jurisprudence sur les actes usuels et non-usuels ».
Il note que le service départemental de l’aide sociale à l’enfance est chargé d’apprécier « la liste des actes usuels que la personne physique ou morale, qui prend en charge l’enfant au quotidien, ne peut pas accomplir au nom du service sans lui en référer préalablement ». Cette liste est rédigée par le service départemental de l’ASE dans le cadre de la rédaction du projet pour l’enfant, au moment de la prise en charge du mineur, et en concertation avec les personnes titulaires de l’autorité parentale. Elle précise également les conditions dans lesquelles les parents sont informés des actes usuels exercés par la personne en charge de l’enfant, ainsi que celles dans lesquelles leur accord est recueilli pour l’exercice des actes non usuels. Si le refus de donner cet accord est estimé aller à l’encontre de l’intérêt de l’enfant, des dispositions sont prévues par l’article 375-7 du code civil : « En cas de refus abusif ou injustifié ou en cas de négligence des détenteurs de l’autorité parentale ou lorsque ceux-ci sont poursuivis ou condamnés, même non définitivement, pour des crimes ou délits commis sur la personne de l’enfant », le juge des enfants peut autoriser exceptionnellement la personne à qui est confié l’enfant à exercer des actes relevant de l’autorité parentale. Le demandeur a la charge « de rapporter la preuve de la nécessité de cette mesure ».
Un placement auprès d’un tiers digne de confiance peut s’accompagner ou non d’une action éducative en milieu ouvert (AEMO).
→ Une action éducative en milieu ouvert est prononcée par le juge des enfants. L’article 375-2 du code civil indique que dans le cas où l’enfant est « maintenu dans son milieu actuel », une personne qualifiée – ou un service d’observation, d’éducation ou de rééducation en milieu ouvert – est désignée pour « apporter aide et conseil à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu’elle rencontre ». Cette personne doit « suivre le développement de l’enfant » et rédiger des rapports au juge « périodiquement ».
L’AEMO s’adresse aux détenteurs de l’autorité parentale et aux personnes ayant la garde de l’enfant, tels que les tiers dignes de confiance, si le juge estime que ces derniers ont besoin d’un accompagnement plus soutenu. L’article 375 du code civil précise en effet que : « Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par la justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. »
Le même article du code civil précise que la durée de la mesure est limitée à deux ans mais qu’elle peut être « renouvelée par décision motivée ». Cette mesure d’AEMO peut être assortie d’obligations : « Le juge peut aussi subordonner le maintien de l’enfant dans son milieu à des obligations particulières, telles que celle de fréquenter régulièrement un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé, le cas échéant sous régime de l’internat ou d’exercer une activité professionnelle » (C. civ., art. 375-2).
→ Dans le cas où aucune mesure d’assistance éducative en milieu ouvert n’est mise en place, un référent du service de l’aide sociale à l’enfance, chargé de la mise en œuvre du projet pour l’enfant, « informe et accompagne le membre de la famille ou la personne digne de confiance à qui l’enfant a été confié » (CASF, art. L. 221-4).
→ Ce même article mentionne aussi la remise d’un rapport sur la mesure mise en place : « le président du conseil départemental organise, sans préjudice des prérogatives de l’autorité judiciaire, entre les services du département et les services chargés de l’exécution de la mesure, les modalités de coordination en amont, en cours et en fin de mesure, aux fins. Le service qui a été chargé de l’exécution de la mesure transmet au président du conseil départemental un rapport circonstancié sur la situation et sur l’action ou les actions déjà menées. Il en avise, sauf en cas de danger pour l’enfant, le père, la mère, toute personne exerçant l’autorité parentale ou le tuteur. »
→ La loi « Taquet » donne la priorité au placement auprès d’un tiers digne de confiance, plutôt qu’un placement dans un service départemental de l’ASE. Le tiers digne confiance n’est pas un professionnel – il n’est ni formé ni habilité – mais un proche de l’enfant. Un lien affectif doit exister pour que le juge des enfants accède à une demande de placement auprès de ce tiers. Cette demande doit être formulée par l’aspirant tiers digne confiance qui a droit à une allocation. Cette solution d’un placement dans l’entourage n’est pas suffisamment utilisée selon différentes institutions.
→ Une évaluation du tiers digne confiance pour s’assurer des « conditions d’éducation et de développement physique, affectif, intellectuel et social de l’enfant » et de l’adéquation du placement avec le projet pour l’enfant est menée par le « service compétent ».
→ Les parents conservent l’autorité parentale. Le tiers digne confiance ne peut accomplir que des actes usuels. Ces derniers ont été définis dans un guide du ministère des Solidarités et de la Santé en 2018. Il s’agit d’« actes de la vie quotidienne, sans gravité, qui n’engagent pas l’avenir de l’enfant […] ».
→ La loi « Taquet » et le décret du 28 août 2023 renforcent l’accompagnement des tiers digne confiance. Si aucune mesure éducative en milieu ouvert n’a été mise en place, les services de l’ASE informent le tiers digne confiance et l’accompagnent lors des visites des parents de l’enfant confié. L’objectif est d’assurer la bonne prise en compte les besoins fondamentaux de l’enfant, de garantir l’implication de la tierce personne dans la mise en œuvre du projet pour l’enfant et de faire en sorte que cet accueil contribue au développement physique, affectif, intellectuel et social de l’enfant.
Un décret du 28 août 2023, pris en application de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi « Taquet », définit les modalités d’accompagnement du tiers digne de confiance, de l’accueil durable et bénévole par un tiers et de désignation de la personne de confiance par un mineur.
Le texte précise comment le tiers digne de confiance peut être informé et accompagné dans sa mission – mettre en œuvre le projet pour l’enfant – par un référent de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ou par un organisme habilité.
Les objectifs de l’accompagnement
L’accompagnement permet d’assurer :
→ « La bonne prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant par le membre de la famille ou le tiers digne de confiance à qui l’enfant a été confié ;
→ l’implication de ces derniers dans la mise en œuvre du projet pour l’enfant, en veillant en particulier à sa bonne santé et au suivi de sa scolarité ;
→ la contribution de cet accueil au développement physique, affectif, intellectuel et social de l’enfant. »
L’accompagnement et l’information du TDC par un référent du service de l’ASE sont mis en place en l’absence de mesure éducative en milieu ouvert (CASF, art. L. 221-4). Le conseil départemental détermine les modalités de contact d’urgence avec le service de l’ASE ou l’organisme habilité, précise encore le décret.
Des entretiens et des visites
L’accompagnement « prend notamment la forme d’entretiens et de visites ». L’ASE ou l’organisme habilité sont chargés de désigner le référent qui rencontrera le membre de la famille ou le tiers digne de confiance, ainsi que le mineur confié.
L’accompagnement est renforcé pour les enfants de moins de 3 ans, contre 2 ans auparavant. Il prend en compte le lien avec les parents et peut s’appuyer sur « un réseau de partenaires de proximité ».
Des évaluations régulières
S’agissant de l’accueil du mineur chez le tiers digne de confiance ou le membre de la famille, des évaluations sont régulièrement effectuées et transmises au juge des enfants par le président du conseil départemental.
Il revient également au conseil départemental de fixer le montant et les modalités de l’allocation versée au membre de la famille ou au tiers digne de confiance pour couvrir « les dépenses d’entretien, d’éducation et de conduite de l’enfant ».
Décret n° 2023-826 du 28 août 2023, J.O. du 30-08-23.
Dans un document de septembre 2023, le défenseur des droits souligne que les lois du 14 mars 2016 et du 7 février 2022 relatives à la protection de l’enfant prennent en partie en compte ses recommandations en la matière faites dès 2014. A savoir :
→ privilégier une solution chez un proche ;
→ examiner régulièrement le placement auprès du tiers digne de confiance ;
→ l’accompagner et donner la possibilité au juge de désigner le tiers en présence duquel l’enfant pourrait rencontrer ses parents.
En 2014, le défenseur des droits soulignait l’importance de l’accompagnement des tiers dignes de confiance, notamment par le biais d’une mesure d’AEMO (acton éducative en milieur ouvert), rappelant que l’accueil d’un enfant « peut être particulièrement source de difficultés pour l’accueillant, notamment en raison des motifs ayant conduit au placement, des “séquelles” sur l’enfant ou de la manière dont ce dernier vit cette “mise à l’écart” ».
Et il confiait à la sociologue Catherine Sellenet une étude sur « l’évaluation qualitative d’une expérience de mise en place d’un service tiers digne de confiance », réalisée auprès de l’association Rétis, située en Haute-Savoie. Son rapport pointait la fatigue physique et mentale, les difficultés financières et une mise entre parenthèse de la carrière professionnelle des tiers digne de confiance.
Le défenseur des droits recommandait, en plus d’une AEMO quand nécessaire, l’élaboration d’outils pour mesurer les conséquences de l’accueil d’un enfant sur les tiers digne de confiance en prenant en compte les dimensions physiques, psychologiques, socio-professionnelles et financières, pour « prévenir les risques de rupture de l’accueil ». Ce point n’a pas été repris depuis.
L’article 41 de loi « Taquet » modifie le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) en intégrant les enfants confiés à des tiers dignes de confiance (TDC) dans les dispositifs favorisant l’accès au séjour des mineurs étrangers.
→ L’article L. 423-22 du Ceseda prévoyait qu’un enfant confié au service de l’ASE se voit délivrer le jour de sa majorité une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d’une durée d’un an.
→ L’article L. 435-3 prévoyait de son côté qu’un mineur confié à l’ASE entre ses 16 et 18 ans et justifiant d’une formation d’au moins 6 mois destinée à lui apporter une qualification professionnelle puisse se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire ».
Ces deux cas concernent désormais également les enfants placés auprès de TDC. Ces derniers sont sollicités, comme l’ASE, pour donner leur avis sur l’« insertion dans la société française » de l’enfant qu’ils hébergent et qui est concerné par l’une ou l’autre de ces cartes de séjour.
(1) D’après l’enquête « aide sociale » de la Drees, 208 064 enfants sont accueillis à l’ASE en 2022. Au 31 décembre 2022, 14 068 placements avaient été prononcés par le juge auprès d’un tiers digne de confiance.
(1) Intitulé : « L’exercice des actes relevant de l’autorité parentale pour les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance ». Janvier 2018.