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S’opposer à l’imprescriptibilité revient à être dans le déni

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La question de savoir s’il faut rendre imprescriptible la poursuite des crimes et délits sexuels commis contre les enfants est légitime : il n’y a pas d’obstacle juridique, philosophique, moral, politique qui interdisent de la poser. Contrairement à d’autres préconisations de la Ciivise, elle nécessite un débat et une réflexion collective. Après l’avoir examiné avec rigueur en auditionnant des experts, en prenant le temps de débattre, nous avons considéré que les arguments habituellement invoqués pour s’y opposer n’étaient pas solides. Pour commencer, l’argument du dépérissement des preuves est profondément injuste. Parce que même quand la plainte est déposée quelques heures après les violences, on oppose déjà aux victimes l’absence de preuves. Au contraire, quand du temps passe, on arrive davantage à réunir d’autres types de preuves, d’autres victimes, d’autres témoignages. On entend aussi souvent dire qu’avoir une date limite pour exercer une action en justice peut inciter certaines victimes à se lancer. Depuis quand subordonne-t-on l’énoncé d’un droit à l’interprétation hypothétique de l’usage qui en sera fait ?

Réduire les délais d’instruction

On veut par ailleurs faire croire que l’imprescriptibilité serait l’illustration d’une forme de haine éternelle. Mais soumettre sa demande à un tribunal face à des transgressions aussi graves en recourant à la justice est le contraire de la vengeance. Ou alors c’est tout le système pénal qui devrait être anéanti. De la même façon, l’idée que la prescription est facteur de paix sociale est erronée. Ce qui a été conçu pour l’assurer, c’est de remettre la loi à sa place, pas de faire comme si les crimes n’existaient pas. D’ailleurs, de nombreux Etats de droit ont adopté l’imprescriptibilité pour les violences sexuelles envers les enfants.

On soutient que la justice n’est pas là pour réparer la souffrance des victimes. Mais qui prétend qu’elle a une fonction thérapeutique à part ceux qui veulent la discréditer ? Ce que les victimes attendent, c’est d’être restaurées dans leurs droits et que l’agresseur qui a commis une transgression majeure soit reconnu comme ayant enfreint la loi. Je suis juge des enfants, pas thérapeute. Mais je sais que mieux j’exerce mes fonctions, plus la décision judiciaire est structurante pour les personnes à qui elle s’adresse.

Lorsque la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise préconise l’imprescriptibilité de l’indemnisation, personne ne pousse de hauts cris. Ce qui poserait problème serait-il le fait de déclarer des criminels coupables et de leur appliquer une peine pour leur infraction ? En raison de phénomènes spécifiques à ce type de violence, comme la stratégie de l’agresseur, l’amnésie traumatique ou la peur, et surtout le déni social extrêmement puissant, la révélation des faits en la matière se révèle complexe. Le temps qui passe ne passe pas pour les victimes. C’est ce que j’appelle le présent perpétuel de la souffrance. Plutôt que d’accumuler des arguments sans substance, mieux vaut se donner les moyens de réduire les délais d’instruction et les nombreux classements sans suite ou relaxes pour inspirer confiance aux victimes afin qu’elles puissent avoir recours aux institutions le plus vite possible.

Têtes chercheuses

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