Parfois, on peut lire dans les transmissions : « Ce matin, nous avons trouvé Madame X trempée » ou bien « Monsieur Y dormait dans son fauteuil tout habillé ». De telles remarques renvoient au fait que l’équipe de nuit n’a (probablement) pas changé Madame X ou que Monsieur Y n’a jamais été mis en pyjama. De ces informations écrites vont naître des conflits entre l’équipe de jour et celle de nuit, qui ont souvent du mal à se comprendre et à communiquer. Alors que la réalité est peut-être tout autre. Dans le premier cas, l’équipe de nuit n’a peut-être pas osé réveiller Madame X, profondément endormie, lors du passage pour le change le matin. Quant à Monsieur Y, qui nous dit qu’il ne s’est pas réveillé tôt, s’est habillé, puis a attendu bien installé dans son fauteuil et s’est rendormi ? Afin de résoudre ce genre de malentendus, il est intéressant de constater que dans les établissements qui ont fait le choix de travailler en 7 heures et de proposer systématiquement aux équipes de jour d’intervenir également la nuit, ce ton accusateur a disparu. Car pour comprendre l’accompagnement de nuit, il faut le vivre.
Véronique Tapia, assistante de soins en gérontologie et formatrice.
La prise en compte de la dimension sexuelle des personnes accompagnées est bien entendu une affaire d’équipe, et au Crédavis (association pour le droit à la vie amoureuse et sexuelle des personnes en situation de handicap dans le secteur médico-social), nous ne réduisons pas ce terme à celui d’équipe éducative. L’implication réelle des cadres de direction est absolument essentielle pour assurer une cohérence et une pérennité à cette reconnaissance. Les personnels paramédicaux et, idéalement, toute personne ayant à interagir avec les bénéficiaires devraient être inclus dans cette notion d’équipe, et en particulier les veilleurs de nuit dans le cas de l’hébergement. Dans le cas contraire, et en rapport avec les nécessaires changements profonds de positionnement de l’institution (respect effectif de l’intimité, droit des personnes à recevoir « chez elles » qui elles désirent, droit à une éducation à la sexualité, soutien constant de leur autodétermination sur cette question, mais aussi aide et conseil), on observe que la volonté des professionnels les plus convaincus se trouve mise à mal (volontairement ou non) lorsqu’ils sont considérés comme les seuls acteurs de ces changements et que des messages contradictoires sont envoyés aux personnes concernées.
Jean-Luc Letellier, fondateur du Crédavis.
De plus en plus de jeunes ne peuvent communiquer verbalement ou peinent à se faire comprendre, en raison de leur handicap : déficience intellectuelle, trisomie 21, troubles du spectre autistique (TSA)… En découle une importante frustration, de nombreuses incompréhensions pouvant conduire à des troubles du comportement. Il nous a donc semblé primordial d’avoir accès à la formation et de développer des outils de communication alternative en équipe. Le choix s’est porté sur la méthode Makaton. Très répandue, elle permettait de nous inscrire dans la continuité du projet thérapeutique de l’enfant. Après la formation de plusieurs professionnels de l’établissement, une dynamique positive s’est développée autour de la communication alternative augmentée (CAA) qui s’est transformée en projet commun : cadres, éducateurs, enseignants, paramédicaux. Un partage des savoirs a permis de créer un socle de connaissances et de développer en équipe des outils adaptés à l’accompagnement quotidien des jeunes.
Mickael Sauvage, directeur de l’IME Les Verts Tilleuls, Christophe Ethuin, cadre socio-éducatif, Grazziela Tuccio, orthophoniste, Marie Queval, monitrice-éducatrice, Sylvie Roszak, infirmière, et Elodie Duval, psychologue.
Observer une équipe de travailleurs sociaux, c’est bien souvent identifier de multiples actes… de délinquance, parfois commis en bande. Le nombre des violations du secret professionnel est déstabilisant. C’est lorsque l’on travaille en proximité et entre pairs que surgissent les plus importantes violations de secrets, car le partage d’informations va bien au-delà de ce que la loi autorise. L’idée de « secret partagé » semble dire qu’entre professionnels soumis au secret on peut échanger comme l’on veut. C’est pourtant faux. Heureusement, sinon il n’y a plus de secret professionnel. Et si l’on pense que le secret professionnel est utile pour une personne et pour la société, on devrait dans chaque équipe jeter à la poubelle des expressions absurdes comme le « secret partagé ». « Appartenir à l’équipe » ne signifie pas en adopter les coutumes. Donc, si la règle est le partage au-delà des limites du raisonnable – ces limites étant parfois déjà au-delà de ce qu’autorise la loi –, ce partage ne doit pas devenir un des liens de l’équipe. Sinon, il y a un grave problème.
Laurent Puech, ancien assistant de service social, directeur d’association.
L’absence d’esprit d’équipe et les conflits de valeurs créent un climat de travail néfaste pour les personnels et privent les usagers d’un accompagnement digne, de qualité, occasionnant de nombreux malentendus avec les proches aidants. L’esprit d’équipe doit être tourné vers la tolérance, la responsabilité, les notions d’éthique professionnelle, l’autonomie et les valeurs communes. La communication est un élément central tout comme le fait de respecter des temps d’écoute pour être à son tour entendu. Rappelons que l’intervention auprès de populations vulnérables est extrêmement difficile sur le plan émotionnel. Un soutien des équipes est donc indispensable à la mise en place d’une politique managériale positive. Il est de notre devoir de travailler sur ces notions de valeurs et de cohésion en accompagnant convenablement l’ensemble des équipes car, sans elles, rien n’est possible.
Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz, psychologue clinicienne CHU de Nice.