Les phénomènes de prostitution des mineurs, qui concernent surtout des jeunes filles âgées de 12 à 17 ans, ont considérablement augmenté ces quinze dernières années. Le développement des réseaux sociaux et l’hypersexualisation de la société a favorisé une forme d’extimité, facilitant l’action des prédateurs. Et l’omniprésence des références à la pornographie a banalisé la violence dans la sexualité. A ce tableau, s’ajoute la crise sanitaire, qui a isolé davantage encore les enfants derrière leur écran.
→ Vulnérabilité et pré-prostitution. « Souvent, le ou la jeune entre dans une activité prostitutionnelle parce qu’en amont, il ou elle a été victime d’agression ou de viol dans la petite enfance ou l’adolescence. Un(e) élève de 6e peut avoir un premier rapport sexuel pas forcément consenti avec un(e) autre de 3e. Lequel peut faire courir la rumeur que c’est une pute. Cette relation amoureuse, qui est finalement un viol, une trahison suivie d’une humiliation au quotidien, casse une personnalité en pleine construction. D’autres fragilités, exploitables par les prédateurs, sont liées à des situations familiales – un couple parental marqué par la violence. Ou encore à des parcours de migrations traumatisant qu’il faut interroger. Bien sûr, le jeune âge, en soi, est une grande vulnérabilité. »
→ Chantage et manipulation. « Que ce soit un petit ami, qui va les séduire, ou une copine qui invite à une soirée, certaines ados sont victimes de “tournantes”. Les auteurs accuseront alors la jeune d’être une pute ou une BDH (bandeuse d’hommes). Le coupable, c’est la fille qui se retrouve avec cette étiquette. Le viol est parfois institué en système pour broyer la nouvelle recrue, et profiter de sa sidération pour la conduire vers la prostitution. La diffusion de nudes et de vidéos peut aussi être l’occasion d’un chantage et d’un recrutement. »
→ Le psycho-trauma. « On se rend compte de ces situations par le psycho-trauma subi et leurs symptômes, qu’il faut savoir détecter : insomnies, angoisses, dépression, perte d’estime de soi, émotions emmurées, reviviscence de l’événement… Certaines jeunes seront victimes de dissociation. Ce processus, les conduit à se distancier de leurs perceptions sensorielles, physiques ou émotionnelles. Pour ne pas s’écrouler psychologiquement, une enfant peut fanfaronner, dire qu’elle est consentante. Ce qui brouille les pistes pour un policier ou un travailleur social. »
→ L’argent, oui mais pas que… « Des objets de luxe peuvent être un indicateur de prostitution. Mais certaines victimes n’en ont pas du tout. Elles sont sous la coupe de proxénètes qui les exploitent sans qu’elles ne gagnent rien. Souvent, parce qu’ils exercent une forme de violence psychologique ou physique : ils menacent de “balancer” sur les réseaux sociaux ou aux parents. »
→ La drogue. « Si l’argent n’est pas un critère déterminant, la consommation de substances l’est beaucoup plus. Qui dit drogues, dit dettes. Pour rembourser, c’est soit dealer soit se prostituer. Et les proxénètes n’hésitent pas à créer la dette pour maintenir leur emprise – “Tu dois 100 €, tu viens trois nuits de suite”. Consommer permet aussi de supporter une situation trop difficile. »
→ Les réseaux sociaux. « Les réseaux sociaux, selon l’âge de l’utilisateur et ce qu’il y fait, renseignent sur les risques auxquels s’exposent les jeunes. Il faut les connaître et en parler pour savoir ce qui s’y joue. Le tchat Coco, par exemple, nécessite de renseigner un simple pseudonyme pour entrer en contact. Un enfant de 14 ans peut s’y voir proposer très rapidement des pratiques prostitutionnelles. »
Vous aussi êtes confrontés à un problème en apparence insoluble dans la pratique de votre métier ? Ecrivez à