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De nombreuses intervenantes étrangères exerçant au domicile de personnes dépendantes ne disposent pas de qualification. Programme européen Micare, dispositif expérimental Lab Migration… Pour combattre les obstacles qu’elles rencontrent et les fidéliser au secteur, des formations socio-professionnelles se développent.

Dépendance, garde d’enfants, ménage… L’an dernier, 15 millions de personnes ont fait appel à un professionnel à domicile. Installées dans la vie quotidienne des Français, les salariées du secteur – la grande majorité étant des femmes – sont estimées à 1,3 million. Autre particularité : 23 % sont nées à l’étranger, quand, tout secteur confondu, le taux de personnes originaires d’un autre pays se situe autour de 11 %. Pour faciliter l’intégration professionnelle de ce public spécifique, des modules de formation voient le jour.

Avec la création d’un Lab Migration pour l’emploi à domicile, la Fepem (Fédération des particuliers employeurs de France) s’engage sur ce terrain. « Il s’agit d’une démarche d’inclusion facilitée par un parcours d’accompagnement d’une durée de trois mois », indique Marie Béatrice Levaux, présidente de la fédération. L’amélioration de la maîtrise de la langue française, l’acquisition de compétences professionnelles précises et la sensibilisation à la citoyenneté constituent les trois leviers fondamentaux du nouveau dispositif.

Motivée par une approche pragmatique des spécificités du secteur en matière d’attractivité, la création du Lab Migration est aussi une réponse à deux effets concomitants. D’une part, une salariée sur deux partira à la retraite d’ici à 2030 et, d’autre part, le vieillissement de la population engendrera sur le même temps de nombreux besoins dans les métiers de l’accompagnement à domicile. Résultat : 800 000 postes seront à pourvoir sur les prochaines années. La fidélisation des travailleuses étrangères déjà bien investies dans le secteur s’avère donc cruciale.

Lancée en 2023, la première expérimentation s’est tenue à Marseille, où sept professionnelles ont bénéficié de la formation durant l’été. Une deuxième cohorte s’est constituée à l’automne et les suivantes débutent en Ile-de-France en janvier. L’objectif du projet repose sur l’ouverture, d’ici à 2026, d’un Lab Migration par région. « Les organismes de formation se mobilisent pour accueillir et un comité partenarial local, composé par exemple du conseil régional, de Pôle emploi et de l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration), repère et accompagne les bénéficiaires autour des programmes », détaille Marie Béatrice Levaux.

Appréhender les normes françaises

Si la création d’une formation dédiée aux personnes migrantes peut interroger, du moins sur le plan éthique, Nadège Turco, directrice déléguée de la plateforme nationale de professionnalisation du secteur de l’emploi à domicile Iperia, est au clair sur les enjeux : « Nous créons des certifications au regard de ce qui se passe dans l’activité et des compétences attendues », indique-t-elle. « Nous partons du principe que les personnes qui arrivent en France ne connaissent pas le secteur. Quel que soit le pays d’où l’on vient, il est impossible d’appréhender le travail avec un particulier employeur, que ce soit en termes de communication ou sur le volet de la sécurité au domicile. Nos normes sont singulières », détaille la directrice déléguée.

« De nombreuses intervenantes à domicile n’ont pas été formées », abonde Anne Loseig, présidente du collectif national des aides à domicile La Force invisible, qui exerce le métier en tant que salariée d’une structure. « Nous pensons que, Françaises ou étrangères, à partir du moment où elles rencontrent des obstacles pour parler ou écrire le français, des heures d’apprentissage doivent être intégrées à leur emploi du temps. Cela permettrait de ne pas les mettre en difficulté et de ne pas léser la personnes aidée. D’ailleurs, l’apprentissage des gestes de premiers secours, des règles d’hygiène, de l’ergonomie et des postures devrait être obligatoire. Mais on nous répond que tout ça coûterait trop cher et qu’il n’y pas de temps disponibles », regrette-t-elle.

Gagner en autonomie

Constitué de blocs de compétences précis, le parcours de professionnalisation du Lab Migration s’adapte aux connaissances déjà acquises par les personnes. A partir d’un entretien individuel, les niveaux de français et expérientiel sont déterminés afin d’orienter la personne vers une formation personnalisée. « Si nécessaire, nous ajoutons des cours de français adaptés au contexte sectoriel, c’est-à-dire du vocabulaire métier. Travailler avec des enfants en bas âge et ne pas connaître le mot “biberon” complexifie le travail, détaille Nadège Turco. Celles qui ne rencontrent pas de difficultés de ce côté-là ont peut-être besoin de cours d’informatique, dont la maîtrise s’avère essentielle dans ce type de métiers, ne serait-ce que pour déclarer ses heures. » En effet, lorsqu’elles travaillent directement pour un particulier, les salariées ne s’appuient pas sur un service des ressources humaines ou de comptabilité, comme c’est le cas pour les employés de structures médico-sociales. Le dispositif entend donc aussi favoriser l’intégration sur des volets tels que l’accompagnement administratif, vers le logement ou vers la mobilité professionnelle.

« Pour ces métiers très féminins, nous portons aussi nos réflexions sur la garde de leurs enfants, qui peut être un frein à l’insertion. Il faut viser plus loin que la simple offre d’emploi », pointe la directrice déléguée, qui s’intéresse aux problématiques du secteur depuis 2011, année de mise en place du premier projet expérimental européen sur le travail à domicile. Dans ce cadre, l’émergence d’un dispositif d’accompagnement des publics issus de pays tiers au sein du secteur du particulier employeur a permis de passer le sujet au crible. Baptisé MiCare, le programme a permis à une formation spécialisée de voir le jour en France ainsi que dans d’autres pays de l’Union européenne où les difficultés du secteur se recoupent. En parallèle, un kit de formation gratuit (voir encadré) a été mis en ligne pour les professionnels intéressés.

S’approprier la culture

« J’ai énormément appris », affirme Amalia Margarita Gracia Medelin, qui a bénéficié de la formation MiCare organisée sur une semaine au printemps 2023 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). « Que ce soit sur les produits à utiliser pour l’entretien de la maison, sur la compréhension de diverses maladies ou sur les gestes de premiers secours, nous avons appréhendé de nombreux sujets. La partie légale est aussi très importante car je ne connaissais pas les limites des actes autorisés dans ma profession. C’est différent dans mon pays », poursuit l’assistante de vie mexicaine, qui travaille depuis quatre ans pour un couple de personnes âgées.

Formatrice pour l’association 1901 Formation, Sylvie Lonca a dispensé les cours pour le projet : « Au-delà de l’aspect linguistique, les élèves ont besoin d’aide pour préparer des repas. Elles souhaitent savoir comment s’organise la cuisine en France. Beaucoup d’entre elles ne savent pas quoi faire à manger à leur employeur. Les symptômes et les noms de pathologies liées au vieillissement les intéressent aussi beaucoup. J’observe une grande envie de se former », souligne Sylvie Lonca.

Les 42 petites heures du cursus ont frustré ces femmes. « En sortie de dispositif, nous avons enregistré des demandes de formation. Les orientations choisies peuvent se porter sur un métier comme celui d’assistante de vie ou s’avérer plus transversales et tendre vers la bureautique ou la partie langagière, afin d’être plus autonome grâce à une meilleure maîtrise du français », précise Marion Marty, cheffe de projets européens et internationaux pour Iperia. Pour sa part, Anne Loseig va plus loin et prône l’aide à l’intégration dans la société française. « Les personnes étrangères travaillent souvent trop. Nous pensons qu’elles doivent aussi apprendre à comprendre les conventions collectives, les contrats de travail ou le système d’imposition. Sinon, elles ne savent pas vers qui se tourner. Cela fait partie de la responsabilité sociétale de l’entreprise qui emploie de les accompagner sur la connaissance de leurs droits. Il ne s’agit pas de les utiliser pour combler un déficit mais de les accueillir pour qu’elles apportent aussi leur richesse », conclut la présidente du collectif.

Des liens de connexion à retenir

Les résultats du projet : bit.ly/48mqbb7.

L’inscription sur la plateforme de formation gratuite : bit.ly/3TIowZ2.

Pour toute question : contact@micareproject.eu ou lab-migration@fepem.fr.

Pour aller plus loin : des outils de professionnalisation

Les résultats du projet MiCare sont disponibles gratuitement en ligne.

Une boîte à outils répertorie :

→ 25 bonnes pratiques pour soutenir l’intégration, en particulier des femmes migrantes, sur le marché du travail ;

→ Une synthèse des recommandations des experts pour assurer l’insertion des professionnelles ;

→ Les compétences nécessaires pour travailler dans le secteur de la dépendance ;

→ Les articles légaux sur le système de santé et de soins, l’éducation, la formation et la certification dans le domaine social et des soins de santé ;

→ Les particularités de l’accompagnement des personnes vulnérables : cadre de vie, actes quotidiens, soutien à la vie sociale…

Un parcours d’évaluation des compétences permet par ailleurs de :

→ Mesurer le niveau de confiance des femmes migrantes dans leurs capacités ;

→ Définir les connaissances et les compétences de manière objective.

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