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Les références du Livre blanc 2023

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L’histoire de Saïdou et d’Inès est inspirée des mesures, propositions, expériences et recommandations contenues dans le Livre blanc du travail social. Nous avons aussi interrogé les rédacteurs, contributeurs ou personnes auditionnées qui y ont participé (voir le « Making off d’une utopie », page 37).

1 « La question du genre dans le travail social demeure et s’impose comme une problématique majeure », est-il écrit page 106 du rapport. Au point que l’appellation « travailleurs sociaux » est remplacée par celle plus inclusive de « travailleuses sociales », pour refléter plus fidèlement un secteur à 92 % féminin. Plusieurs pages sont consacrées à l’analyse du problème, mais pas vraiment à sa résolution (aucune mesure ou recommandation dans le document, à part « Déployer des formations et des recherches sur le genre ») : « Les pistes pour sortir le travail social de l’impensé du genre et de la reproduction des rôles sociaux traditionnels de sexe ne se trouvent pas simplement dans la “masculinisation” des métiers, dans la mesure ou` l’horizon de la mixité est trop souvent pensé dans la complémentarité des sexes, ce qui participe de la perpétuation des stéréotypes de genre. » On suppose cependant que, en 2034, de meilleurs salaires (voir point 8) et quelques « rôles modèles » médiatiques (voir point 5) auront rééquilibré la balance et attiré les hommes vers les métiers du « care ».

2 Le développement du pouvoir d’agir individuel et collectif des personnes accompagnées est cité une dizaine de fois dans le rapport, notamment dans la fiche-mesure 7 sur l’accompagnement, et fait d’ailleurs l’objet d’une fiche d’illustration avec l’exemple de la Gironde. « Favoriser le pouvoir d’agir des personnes accompagnées » est l’une des déclinaisons de la recommandation 4. « C’est un vecteur de transformation du secteur très important, estime Cyprien Avenel, conseiller expert à la DGCS. Le pouvoir d’agir est très subversif : ça oblige à passer d’une relation verticale et tutélaire – sauver l’autre, c’est un modèle très écrasant – à une relation beaucoup plus horizontale et négociée. »

3 Affirmer des fondamentaux du travail social adaptés aux défis d’aujourd’hui. C’est l’intitulé très techno d’une recommandation 4 un peu fourre-tout en apparence. C’est ici qu’est développé l’« aller vers » et la « la coordination entre professionnels », qui est un peu la philosophie que l’on pourrait retrouver en 2034 chez Préférence internationale, l’association fictive de Seine-Saint-Denis décrite dans le docu-fiction ci-dessus. « Quelles sont les besoins des personnes et quelles sont les compétences qui pourraient y répondre ? Ce n’est pas un travailleur social qui a toutes les réponses. La pluridisciplinarité, c’est une force. Il faut arrêter de penser que nous sommes toutes et tous capables de faire le métier des autres. Même si parfois on fait la même chose, on ne le fait pas de la même manière », commente Céline Lambert, de l’Anas, qui a co-animé le groupe de travail « Remettre l’accompagnement au cœur du métier » pour le Livre blanc.

4 Engager une concertation sur les ratios d’encadrement. C’est la recommandation 2 du Livre blanc. Le sujet n’est pas consensuel, et le rapport propose d’abord de le documenter pour savoir où on en est. Sans ajouter de la norme là où il y en a encore beaucoup trop… Mais quand on se retrouve avec des assistantes sociales (AS) qui gèrent 250 dossiers de RSA ou qui se partagent une demi-douzaine d’établissements scolaires, il faut agir. Nathalie Andrieux Hennequin, AS et représentante FSU, estime qu’il faudrait au minimum doubler les effectifs pour avoir « au moins une assistante sociale par établissement, de la maternelle au lycée. Ce qui représente par exemple 5 000 AS dans le primaire : autant que de psychologues… Et ces AS doivent vraiment faire de l’accompagnement social, pas juste de la distribution d’aides financières. »

5 Utiliser des médias attractifs et diversifiés (jeux vidéo, capsules d’immersion professionnelle, mini-série humoristique). C’est un point fort et original du Livre blanc (recommandation 11) pour améliorer l’attractivité des métiers du « care ». Une proposition très détaillée et même budgétisée dans la fiche-mesure 10, « Améliorer la communication sur les métiers ». « Il faut en tout cas arrêter toutes ces fictions où l’assistante sociale est une femme en tailleur avec un chignon qui travaille encore pour la Ddass et qui vient chercher les enfants ! », remarque en souriant Céline Lambert, de l’Anas.

6 Intégrer le temps de transport dans le salaire. Ce n’est pas une proposition du Livre blanc, qui s’intéresse pourtant beaucoup au salaire et au temps. Mais c’est une disposition contenue dans la loi « Bien vieillir » adoptée le 23 novembre dernier à l’Assemblée nationale. Les députés ont inclus dans la loi l’expérimentation d’un financement de l’aide à domicile par forfait et la fin de la tarification horaire. Quant aux voitures de fonction pour les auxiliaires de vie, on peut déjà en trouver dans l’Ain, où le département finance une flotte (mais ce ne sont pas encore des Tesla).

7 Prise en charge par les Transitions Pro du coût de la formation et de la rémunération pour la durée complète de la formation (pouvant aller jusqu’à 36 mois). C’est une proposition contenue dans la fiche-mesure 12 : « Pour une politique ambitieuse de développement de parcours professionnels diversifiés en travail social ». Et c’est l’un des leviers indispensables pour renforcer l’attractivité du secteur : il faut trois ans pour former une AS… mais la prise en charge n’est que de 24 mois…

8 Valoriser les salaires C’est la reco number one du Livre blanc, qui incite l’Etat à « s’engager par des moyens financiers ambitieux » et les partenaires sociaux à « reprendre le dialogue ». C’est mal parti : le gouvernement renvoie la patate chaude aux syndicats, qui se défaussent sur l’Etat (voir Edito page 3). Mais on pourrait imaginer que, d’ici dix ans, les pouvoirs publics, les collectivités locales et les acteurs approuvent un engagement volontariste et que les salaires ne soient plus un sujet car ils auraient atteint un niveau honorable, comme dans les pays où les travailleurs sociaux sont mieux rémunérés.

9 Distinguer l’accès au droit et l’accompagnement social. C’est la dixième recommandation. « Les formulaires et les démarches sont complexes. Des gens qu’on ne voyait pas dans les services sociaux viennent juste demander une aide pour compléter un document », remarque Céline Lembert, de l’Anas. Une recommandation qui préconise que le premier accueil soit confié à un personnel administratif spécifiquement formé : ce qui a bien été expérimenté dans le Morbihan. La fermeture des services publics en zone rurale avec des usagers en pleine fracture numérique, à laquelle on pouvait ajouter une hausse vertigineuse des informations préoccupantes, a amené les assistantes sociales du département au bord de l’implosion. D’où l’idée de confier aux secrétaires médico-sociales l’accès au droit, l’accueil et les aides aux démarches. « Ça n’a pas du tout fait l’unanimité à l’époque, se souvient Marion Bozec, directrice du développement social au département du Morbihan. Toutes les professions étaient divisées sur ce sujet.… » Mais le département a tranché. Et 70 secrétaires de catégorie C ont été formées sur un cycle de 18 mois (et sont passées en catégorie B) pour partir en première ligne faire des actes socio-administratifs autrefois dévolus à des AS de catégorie A. Résultat : des délais de rendez-vous avec les AS réduits de deux ou trois semaines à deux ou trois jours. « Si on rate l’accueil, on rate l’accompagnement, assène Marion Bozec. Aujourd’hui, il n’y a plus de hiérarchie entre les travailleurs sociaux et les secrétaires mais il y a deux types d’intervention : un chargé d’accueil sur l’intervention socio-administrative ; un travailleur social sur l’évaluation et l’accompagnement. L’enjeu, c’est qu’ils travaillent bien ensemble car des personnes vont commencer par rencontrer l’un avant de se faire accompagner par l’autre. »

10 Tirer toutes les potentialités de la transition numérique. Cette recommandation 12 évoque les bouleversements que ne manquera pas de provoquer l’irruption de l’intelligence artificielle dans le travail social. Elle préconise aussi de « passer du reporting au pilotage par les données au moyen de systèmes d’information robustes et interopérables, conçus dans un cadre éthique et déontologique partagé ».

11 S’inspirer du temps « FIR » (formation, information, recherche) des psychologues pour permettre aux salariés d’être actualisés dans leurs pratiques. Cette proposition, qui figure dans la fiche-mesure 2, « Renforcer l’attractivité du travail social autour du maintien de l’emploi et de l’amélioration de la qualité de vie au travail », peut certes paraître encore utopique en 2024. Mais après tout, si les psychologues ont obtenu ce temps de réflexion et d’amélioration…

12 Garantir un nombre de jours de formation continue obligatoire. C’est l’un des items intéressants contenus dans la recommandation 6, « Recruter durablement ». On y trouve aussi d’autres suggestions pertinentes, comme valoriser la fonction de tuteur, déployer un dispositif d’aide à l’installation des personnels, financer des qualifications pour les « faisant fonction », etc. Concernant la formation annuelle obligatoire des trois jours, Alexandre Lebarbey, éducateur social et représentant de la CGT, qui a co-animé le groupe « formation » du Livre blanc, estime qu’il ne faut surtout pas que ce soit une formation technique :« L’idée est de remettre de l’appétence. Les métiers du travail social nécessitent un questionnement permanent, on a trop technicisé le travail. Il faudra aborder dans ces trois jours des thématiques spécifiques : les différences interculturelles, les questions migratoires, la laïcité… Etre professionnel du travail social, c’est aussi avoir du recul. Ce n’est pas débiter une réponse mécanique à un problème. »

13 Créer un jeu vidéo narratif et immersif. On retrouve cette proposition dans la fiche-mesure 10 (« Améliorer la communication sur les métiers »). Laquelle précise que « l’objectif est de présenter les finalités, les réalités, les subtilités du travail social, à raison d’un jeu par filière du travail social (petite enfance, santé mentale, aide à domicile, etc.). Il s’agira d’utiliser l’humour, le suspens, d’éviter les stéréotypes, avec la possibilité de partir des acteurs de mini-série ou de personnages connus.

14 Mettre en place des lieux d’échange entre professionnels dans les organisations, mais aussi « activer la dynamique réseau » : deux propositions évoquées dans la fiche-mesure 6. On peut maintenant imaginer que ces temps et lieux d’échanges soient intégrés aux FIR (voir note 11).

15 Soutenir les parcours professionnels. La huitième recommandation du Livre blanc liste les passerelles possibles entre le travail social et d’autres secteurs (santé, enseignement, etc). Elle précise aussi qu’il faut « faciliter le passage entre secteur privé et secteur public avec reprise d’ancienneté ».

16 Anticiper les évolutions technologiques. Le Haut Conseil du travail social (HCTS) vient de mettre en place un groupe de prospective. Et c’est lors d’une conversation avec deux de ses membres que la problématique des micro-dépenses et du métavers a émergé.

17 Elaborer un texte référentiel donnant des repères éthiques et déontologiques en travail social. La fiche-mesure 5 prévoit « un texte de référence (…) commun à l’ensemble des professionnels du travail social et de l’intervention sociale ».

18 Réinterroger les modes de financements des structures sociales et médico-sociales. Sous cette formulation prudente, la troisième recommandation va potentiellement assez loin, suggérant d’« assouplir la logique d’appels à projets » et de « prévoir la possibilité pour les acteurs locaux de répondre à des problématiques identifiées sur leur territoire à partir de budgets dédiés pour une réponse réactive et ciblée ».

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