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La procuration bancaire

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La délivrance d’une procuration bancaire à un proche, généralement un enfant, permet à une personne âgée en perte d’autonomie de recevoir l’aide dont elle a besoin tout en évitant – ou en retardant – le placement sous protection judiciaire.

La procuration bancaire est un acte par lequel le titulaire d’un compte bancaire, le mandant, donne à un tiers, le mandataire, le pouvoir de faire quelque chose pour lui et en son nom (code civil [C. civ.], art. 1984, al. 1). La procuration bancaire est un contrat. Parce que son exécution peut constituer une charge pour le mandataire, les parties peuvent prévoir, au bénéfice de ce dernier, le prélèvement périodique d’une indemnité kilométrique pour ses allers-retours entre son domicile et celui du mandant (CA Douai, ch. 1 sect. 1, 27 janvier 2022, n° 20/01682).

Cet instrument ordinaire du champ de l’aidance peut cependant être la cause d’un certain nombre de conflits familiaux, notamment au décès de la personne âgée, ses héritiers pouvant contester la gestion de ses comptes par le titulaire de la procuration.

I. La conclusion de la procuration

A. Les conditions de fond

La conclusion d’une procuration est soumise aux conditions de formation de tout contrat.

1. Le consentement

Le consentement doit être donné de manière libre et éclairé (C. civ., art. 1128 1°). Aucun vice déterminant ne doit affecter la volonté contractuelle des parties. La loi organise leur protection contre la violence, c’est-à-dire contre les actes susceptibles de provoquer un sentiment de crainte propre à contraindre à la conclusion du contrat (C. civ., art. 1143).

2. La capacité juridique

Les parties doivent exprimer une volonté consciente (C. civ., art. 1128 2°). Ce principe est écarté par les incapacités de contracter édictées par la loi. Les majeurs en tutelle ou en curatelle ne peuvent pas délivrer de procuration (C. civ., art. 1146 2°).

3. L’absence d’insanité d’esprit

Il ne doit exister, au moment de la délivrance de la procuration, aucun trouble mental susceptible de priver le mandant de la lucidité de son consentement (C. civ., art. 1129).

B. Les conditions de forme

La procuration bancaire peut être donnée :

→ par acte sous seing privé, par acte authentique (notarié) (C. civ., art. 1985, al. 1) ;

→ ou par acte d’avocat (loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques).

II. L’exécution de la procuration

A. Le contrôle des opérations réalisées par le mandataire

Le mandant répond des opérations effectuées par le mandataire (C. civ., art. 1998, al. 1). Il doit donc assurer une surveillance minimale de son compte bancaire. En pratique, ce contrôle peut s’exercer par la réception, chaque mois, de ses relevés bancaires.

L’exercice de ce contrôle suppose que le mandant reste sain d’esprit durant l’exécution de la procuration. Dans le cas contraire, les actes accomplis alors que le mandant était insane pourront être annulés (C. civ., art. 414-1). Si un mandat de protection future (voir encadré « Glossaire ») a été conclu, il prend le relais de la procuration bancaire (C. civ., art. 477 à 494).

B. L’obligation de reddition des comptes

Le mandataire est tenu de rendre compte au mandant de sa gestion (C. civ., art. 1993). Il doit exécuter le mandat avec diligence et loyauté et répondre des dommages et intérêts qui pourraient résulter de son inexécution (C. civ., art. 1991, al. 1). Le mandataire répond également non seulement du dol (voir encadré « Glossaire »), mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion (C. civ., art. 1192, al. 1).

1. A l’égard du mandant

Le mandant est en droit d’obtenir la reddition des comptes sans avoir à apporter d’éléments permettant de supposer un dépassement du mandat (Cass., civ. 1re, 16 mai 2006, n° 04-13.258). Le mandataire doit justifier de l’utilisation des fonds reçus ou prélevés en vertu de la procuration bancaire qui lui a été donnée (Cass. civ. 1re, 12 novembre 2015, n° 14-28016). A défaut, il est tenu de les restituer (CA Pau, ch. 1, 16 janvier 2019, n° 17/00617).

Le mandataire a donc intérêt à établir un compte de gestion des dépenses effectuées et des fonds reçus pour le compte du mandant, accompagné des justificatifs correspondants et de faire revêtir son carnet de compte, à des périodes distinctes, de la mention « lu et approuvé bon pour accord » avec signature du mandant, la répétition de ces mentions valant approbation des opérations réalisées sur les périodes afférentes (CA Dijon, ch. civ. 3, 19 mai 2022, n° 20/01514).

2. A l’égard des ayants droit du mandant

Le mandataire doit également rendre compte de l’utilisation des fonds dans le cadre des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession du mandant (CA Douai, ch. 1 sect. 1, 15 avril 2021, n° 19/00720).

Un héritier ayant fait des retraits sur les comptes de sa mère en vertu d’une procuration, il lui incombe de rendre compte de l’utilisation de ces fonds, et les juges du fond fixent souverainement, après déductions des dépenses estimées pour les besoins de la défunte, le montant des retraits non justifiés qui devront être rapportés à la succession (Cass. civ. 1re, 2 février 1999, n° 96-21.460).

III. L’extinction de la procuration

A. La fin du mandat

Le mandat prend fin (C. civ., art. 2003) :

→ par la révocation du mandataire ;

→ par la renonciation du mandataire au mandat ;

→ par la mort, la tutelle des majeurs ou la déconfiture(voir encadré « Glossaire »), soit du mandant, soit du mandataire.

Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble (C. civ., art. 2004). Le mandataire peut également y renoncer (C. civ., art. 2007, al. 1).

B. L’action en recel successoral

L’utilisation par un héritier d’une procuration bancaire établie par le défunt pour lui permettre d’avoir accès à son compte peut être sanctionnée pour recel successoral (Cass. civ. 1re, 28 juin 2005 n° 04-13.776).

1. Définition

Le recel successoral vise toutes les fraudes par lesquelles un héritier cherche, au détriment de ses cohéritiers, à rompre l’égalité du partage. Soit qu’il divertisse les effets de la succession en se les appropriant indûment, soit qu’il les recèle en dissimulant sa possession dans les circonstances où il serait, d’après la loi, tenu de la déclarer (donations, fonds reçus ou prélevés, dissimulation d’héritier, etc.) (C. civ., art. 778).

Il s’agit d’un délit civil. Le repentir de l’héritier qui révèle avant poursuite et spontanément les biens ou droits précédemment occultés ne le constitue pas receleur (CA Paris, pôle 3, ch 1, 17 mai 2023, n° 21/10272).

2. Prescription

L’action en recel successoral se prescrit par 5 ans (C. civ., art. 2224). Le point de départ de la prescription ne peut être fixé avant le moment où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

3. Charge de la preuve

La charge de la preuve incombe au demandeur à l’action en recel successoral (C. civ., art. 1353, al. 1). Il doit démontrer que le mandataire a directement bénéficié des fonds retirés ou de donations indirectes ou manuelles.

Glossaire

Acte sous seing privé : acte écrit établi par les parties elles-mêmes sous leur seule signature, sans l’intervention d’un officier public.

Déconfiture : état, apparent et notoire, d’insolvabilité d’un débiteur.

Dol : au stade de l’exécution du contrat, faute du débiteur qui se dérobe intentionnellement à ses obligations.

Mandat de protection future : dispositif de protection qui permet à toute personne de désigner une ou plusieurs autres personnes qui seront chargées de la représenter, dans le cas où elle ne serait plus en mesure de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles, empêchant l’expression de sa volonté.

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