L’éthique managériale apparue dans les années 1990 a envahi les entreprises privées puis le service public. Leur emboîtant le pas, des chartes de bonnes conduites se sont déployées dans les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Progrès ? Pas vraiment. C’est même un leurre, selon la philosophe et sociologue Anne Salmon, responsable d’un master en travail social, qui appelle les intervenants sociaux à la vigilance : « Il semble que, sous couvert d’encouragements aux questionnements éthiques plus ou moins outillés philosophiquement, une éthique instrumentale redoublant les logiques gestionnaires vise à encadrer les pratiques professionnelles pour les adapter au nouveau contexte marchand. » Hors sol, l’éthique finirait par niveler les pratiques et devenir « disciplinaire », au risque de perdre de vue l’essence même des métiers du lien. Le mouvement a déjà commencé : de nombreux professionnels ont le sentiment d’être maltraitants à force de ne plus pouvoir exercer leur profession dignement, d’autres quittent le navire. Une forme de résistance comme une autre, qui incite à réfléchir.
« Alerte éthique dans l’action sociale », Anne Salmon, éd. érès, 14 €.