1 Après avoir travaillé sur l’éthique du « care », la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury poursuit son engagement sur les vulnérabilités dans un essai très érudit sur la dignité. En 1789, la Déclaration des droits de l’Homme a proclamé ce principe inaliénable. Mais alors que la revendication d’une vie digne est sur toutes les lèvres, de plus en plus de personnes en sont exclues ou ont peur de l’être. « Les atteintes à la dignité sont devenues un mode de management commun dans la société », estime la responsable de la chaire « Humanités et santé au Conservatoire national des arts et métiers » et de la chaire de philosophie au groupe hospitalier universitaire psychiatrie et neurosciences de Paris. Et de citer les formes dégradées de dignité dans les institutions (hôpitaux, Ehpad, prisons, centres pour migrants…) et les pratiques sociales.
2 Beaucoup de professionnels, notamment, dans les soins et le travail social, ont le sentiment de mal faire leur travail faute de moyens et de temps, d’être maltraitants envers les personnes dont ils s’occupent. Une « souffrance éthique » et une perte de sens se généralisent. Car un « mode dégradé » peut vite devenir dégradant. Mais, loin du simple constat, l’autrice propose – un peu à la manière du manifeste Indignez-vous de Stéphane Hessel, publié en 2010 – une « dignité en action », fondée sur la reconquête d’un temps dédié aux soins des personnes et sur la valorisation du pouvoir d’agir et des relations interpersonnelles…
3 Cynthia Fleury en est sûre : s’intéresser à l’expérience des citoyens les plus fragiles pourrait être un levier pour une société plus partageuse. A l’appui, les contributions de trois penseurs et un texte de Claire Hédon, défenseure des droits, sur les difficultés d’accès aux services publics et les discriminations, qui rappellent, entre autres, que « dignité et pauvreté sont inextricablement liées ».
« La clinique de la dignité », Cynthia Fleury, éd. du Seuil, 19,50 €.