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La politique des vases communicants

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Ouverts en 2023, les « sas de desserrement » misent sur la solidarité nationale pour orienter les personnes à la rue de la région parisienne vers une dizaine d’autres territoires. Ce nouveau dispositif se cumule à ceux qui sont déjà saturés, laissant les professionnels démunis.

« Si la pénurie de moyens est partagée, je ne pense pas que l’accueil réservé au public soit des meilleurs », indique Cécile Rabouin, responsable du pôle « veille sociale » du SIAO (service intégré d’accueil et d’orientation) de Paris au sujet de l’orientation de personnes sans abri d’Ile-de-France vers des sas régionaux. Le but du projet : préparer l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de 2024. Effectives depuis plusieurs mois, des structures d’accueil temporaires mettent à l’abri en province, durant trois semaines, des personnes présentes dans les campements franciliens. Ces dernières bénéficient à l’occasion d’un réexamen de leur situation administrative et d’un accompagnement social, voire sanitaire. A l’issue de la période d’hébergement, les personnes sont censées être orientées vers une solution de sortie adaptée à leur situation. « A ce jour, 25 opérations à destination de 10 sas ont permis l’orientation de 2 189 personnes », indique le rapport du 14 octobre dernier de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Un chiffre actualisé à 3 100 bénéficiaires, selon la Dihal. Coût du dispositif : « 6 millions d’euros en 2023, financés à parité sur les programmes 177 et 303 de la loi de finances », détaille le document, porté par le député (LR) François Jolivet. La moitié du public orienté a déposé une demande d’asile en cours d’instruction ou y est éligible. Les réfugiés statutaires constituent, quant à eux, 25 % des personnes prises en charge. La majorité ne dispose donc pas de l’accès à ses droits.

Des départs dans l’urgence

« Durant l’été, nous avons été sollicités par la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (Drihl) de Paris pour organiser trois départs en bus de personnes ayant déjà contacté nos services, témoigne Cécile Rabouin. Ça a été compliqué. Nous avons été prévenus tard, du mardi pour le suivant, ce qui nous laissait peu de temps pour cibler les familles et les préparer à partir. Nous avons demandé à des gens de tout quitter. Même sans logement, ils s’étaient tout de même construits des réseaux. » Une répartition plus équilibrée des publics ? L’idée peut se défendre, mais le manque de préparation au nouveau projet de vie, de coordination entre l’amont et l’aval ou de réel consentement à partir questionne. « Sans accompagnement, la famille revient », affirme Cécile Rabouin.

Déshabiller l’un pour habiller l’autre

Autre écueil : la priorité donnée à ces publics renforce la pression sur des départements aux besoins non couverts et crée une nouvelle concurrence entre populations vulnérables. « Sans ce contexte de tension sur les territoires, le dispositif trouverait son rythme. Même si l’Etat s’engage à ne pas remettre à la rue ce public après trois semaines, au regard du manque de places, la priorisation s’impose et renforce les problématiques des professionnels », pointe Nathalie Latour, directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Une réalité vérifiée à Toulouse, où les services du 115 ont pour consigne de privilégier les sortants de sas. « Quand on regarde la situation globale, complète-t-elle, on ne raisonne que par dispositif. Donc si, d’un côté, ça fonctionne, de l’autre, la situation est terrible. Les travailleurs sociaux passent leur temps à “faire et à défaire !” »

En parallèle, en Ile-de-France, la « préparation » des JOP se poursuit : les services départementaux identifient les personnes à la rue pour les mettre à l’écart dans de nouvelles installations temporaires, durant cette période qui prône l’inclusion…

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