Ils se côtoient sans cesse, collaborent souvent avec fluidité – parfois avec davantage de difficultés – mais surtout se connaissent mal. Les assistants sociaux (AS) et les mandataires judicaires à la protection des majeurs (MJPM) ont pourtant des missions complémentaires auprès du demi-million de personnes concernées par une mesure de protection judiciaire. Et ce chiffre ne fait que progresser.
Ce constat a conduit La Revue française de service social (RFSS), publication officielle de l’Anas (Association nationale des assistants de service social), à lancer un appel à contributions pour son numéro à paraître en mars 2024. Se posant la question d’une « coopération à construire », l’organisation professionnelle invite AS et MJPM à témoigner de leurs pratiques, de l’articulation de l’accompagnement des uns et de l’assistance et représentation des autres auprès d’un même public. Des personnes vulnérables, en situation de handicap ou âgées, dont les altérations ont été constatées médicalement et qui ne bénéficient pas d’un étayage familial favorable.
« Nous avons identifié des problèmes certainement liés à une méconnaissance mutuelle, explique Céline Lembert, AS et membre de l’Anas. Il n’existe rien de bien articulé dans les textes pour déterminer avec exactitude qui dit ou fait quoi et comment… » Il s’agit de mieux comprendre leurs attributions respectives pour favoriser l’accès aux droits des majeurs protégés, tout en respectant les prérogatives de chaque intervenant. « A titre personnel, je travaille en milieu hospitalier, les relations avec les mandataires ont toujours été très bonnes, parce que le cadre était posé d’entrée. Cette clarté permet de se répartir les tâches. Mais encore faut-il avoir du temps pour bâtir ce partenariat. »
Travailleur social ou juriste de formation, pour la plupart, les MJPM restent des généralistes qui délivrent une information adaptée sur les droits et les libertés de ceux qu’ils représentent, trouvent les bons interlocuteurs.
Si les contacts avec les assistants sociaux varient beaucoup en fonction des territoires et des personnalités, les deux professions estiment avoir besoin d’espaces de réflexion pour échanger sur les modalités de leur coopération. De quoi éclairer les personnes protégées et leurs familles qui, elles aussi, sont nombreuses à naviguer à vue. « Il y a pas mal de confusions, reconnaît Sandrine Schwob, directrice générale de la FNMJI (Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs). Lorsque la situation n’est pas claire, lorsqu’il y un manque de collaboration, la mesure de protection dysfonctionne. »
Envisageant la pluridisciplinarité et la collégialité comme des garanties sine qua non pour œuvrer à l’autonomie des personnes, elle ajoute : « Le mandataire ne peut pas assurer seul la protection d’une personne. Son suivi doit s’intégrer à un dispositif beaucoup plus global qui comprend un accompagnement médical, social et médico-social. Notre rôle est donc complémentaire avec celui des AS, il ne substitue pas. Nos fonctions sont dans la continuité l’une de l’autre. »