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Et si on changeait de paradigme ?

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Chaque candidature est une histoire en soi. Pour le spécialiste en recrutement Jacques-Alexandre Hesnard, il faut cibler, attirer et fidéliser les talents en « quête de sens ».

La crise du Covid a accéléré le processus de démobilisation et de manque d’attractivité du champ du travail social et médico-social, c’est un fait pour certains professionnels… Mais ce secteur est devenu aussi très attractif pour des salariés issus de l’entreprise, en quête de sens dans leur travail. En effet, ces derniers souhaitent se tourner vers les métiers où prendre soin de l’autre paraît plus en phase avec leurs aspirations.

Les rémunérations sont basses dans les associations et les ESMS (établissements sociaux et médico-sociaux), mais les employeurs étant quasiment tous à la convention 66 ou 51, cela les place peu ou prou sur une certaine égalité.

Si l’on peut en effet considérer que la Croix-Rouge a plus d’aura et de visibilité qu’une petite association locale de 50 ETP (équivalents temps plein), ce sont bien le projet, les équipes, le management qui vont jouer sur l’attractivité d’un poste pour dénicher la bonne personne.

Le vrai fond du problème, c’est que les entités ne savent pas bien recruter(1)

Sans vouloir révolutionner le travail social d’un point de vue macro sur les salaires et la formation au niveau national, mon expérience me permet d’analyser ce qui fonctionne vraiment… Lorsque j’aide des ESMS et des associations à engager les bons profils, je cherche systématiquement l’adéquation humain-projet, le fameux « matching ».

Trop souvent, les acteurs des secteurs du social et du médico-social se lancent dans des recrutements à l’identique de postes vacants et diffusent des annonces semblables à des fiches de postes, avec une liste « à la Prévert » des tâches et missions demandées. La plupart des employeurs font la même chose. Ainsi, vous vous retrouvez avec une myriade d’offres similaires de travailleurs sociaux sur le marché du travail.

Le pourquoi de cela ? En grande partie, le manque de temps ! Dans les structures, vous avez un DRH ou un RRH mobilisé principalement sur les évaluations annuelles, les CSE (comités sociaux et économiques), le DUERP (document unique d’évaluation des risques psychosociaux), les contentieux salariaux… Le temps consacré au recrutement se limite à « peau de chagrin » – et ce, dans le cas où vous avez quelqu’un dédié aux ressources humaines, sinon ce sont les dirigeant(e)s des structures qui « s’y collent », et leurs agendas sont déjà bien chargés…

Donc, ils vont au plus vite et font du copié-collé. Or, non, non et non, être éducateur spécialisé en protection judiciaire de la jeunesse, ce n’est pas la même chose que d’être éducateur spécialisé en MAS (maison d’accueil spécialisée) !

Concrètement, le vrai problème se situe dans le management et les méthodes de recrutement. Pour que cela fonctionne bien, trois règles sont à respecter :

1. En amont, le professionnalisme, la finesse et le pragmatisme pour définir le besoin et surtout le « persona » du candidat.

Avant de lancer un recrutement, il faut bien identifier le besoin et le questionner, surtout s’il s’agit d’un remplacement (suite à un départ, un congés maternité…). Il n’y a rien de pire que d’embaucher une personne sur un poste qui va être modifié dans les semaines suivant son arrivée. Le « deal » de départ n’est pas respecté et le risque de sortie prématurée est alors très fort.

Donc il faut identifier les besoins du service et les mettre en corrélation avec le marché de l’emploi actuel. Réfléchir au « persona » du candidat, c’est-à-dire à ses caractéristiques, à ses envies. Pour cela, vous n’avez qu’une seule question à vous poser : qui aura intérêt à postuler à cet emploi ?

J’ai un cas très concret dans mes derniers recrutements. J’avais un emploi à pourvoir en Huda (hébergement d’urgence des demandeurs d’asile) pour une association. Dans les besoins du poste, j’interrogeais sur l’« impérieuse nécessité » de posséder un diplôme d’Etat du travail social. Nous sommes tombés d’accord avec le directeur. L’essentiel était l’appétence pour le public des Huda, la capacité à chercher de l’information, notamment juridique, à prendre de la distance et à se positionner correctement sur l’accompagnement du public. In fine, j’ai recruté une ex-journaliste qui avait fait du bénévolat et était en quête de sens de son activité…

En quête de sens, voilà le fond du problème. Un bon recrutement dans le social ou le médico-social, c’est une adéquation entre humains-structure et sens. Si vous vous posez la question : « Qui aurait intérêt à venir travailler avec moi ? », alors vous trouverez les mots pour rédiger une annonce attirante car vous vous adresserez au « persona » du poste… Et vous vous distinguerez de ceux qui répliquent des fiches de poste quasi identiques, avec juste le nom de la structure qui change.

Vous trouvez cela un peu « gros » ? Je peux vous garantir qu’une de mes grandes satisfactions professionnelles, c’est lorsqu’un candidat me dit : « J’ai vu votre annonce, je me retrouve complètement dans votre descriptif et sur l’intérêt du poste. Si ce qui est écrit est vrai, c’est là que j’ai envie de travailler. »

Evidemment, le corollaire en est que vous aurez assurément moins de candidatures, mais elles seront plus ciblées et qualitatives. Après tout, en référence à un film des années 1980, « à la fin, il n’en restera plus qu’un »(2)

2. L’intelligence stratégique pour organiser la recherche de candidat.

Après avoir identifié le « persona » de vos candidats, vous pourrez plus aisément vous adresser à lui par le biais des bons canaux. Pour la diffusion des annonces, bien évidemment si vous recrutez pour un poste de chef de service, oubliez la diffusion d’annonce sur Pôle emploi. Si vous cherchez des postes de veilleurs de nuit, cela peut être pertinent de diffuser l’info sur des groupes Facebook locaux.

Bien sûr, vous pouvez aussi cultiver un vivier de candidats, mais je peux vous garantir qu’il faut y consacrer du temps et respecter scrupuleusement le RGPD (règlement général sur la protection des données)

En revanche, vous pouvez aussi utiliser la cooptation via vos salariés. En effet, qui peut mieux promouvoir et relayer un poste à un pair qu’un de vos collaborateurs ? Nous disposons chacun d’un « réseau » et, en premier lieu, nous avons généralement comme connaissances des personnes issues du même « milieu » que nous (métier, formation…).

3. L’honnêteté, la transparence et la considération lors de la rencontre avec les candidats.

C’est, en dernier lieu, le point managérial capital pour la réussite d’un recrutement et l’intégration dans la durée. Si vous n’êtes pas au clair sur le contexte du poste et les missions, vous augmentez de façon considérable le risque de départ anticipé d’un candidat.

Une personne qui vous rejoint doit venir en toute connaissance de cause, avec les points positifs et les éléments peut-être plus complexes mais réels du poste.

Je ne compte plus le nombre de candidats auxquels je pose les deux questions suivantes : « Pourquoi n’êtes-vous pas resté longtemps dans cette structure ? C’était un CDD ? », et qui me répondent : « Non, c’était un CDI, mais les missions et le contexte pour lesquels j’ai été recruté ne sont pas du tout les mêmes que dans la réalité. Ce n’était pas en phase avec mes valeurs, alors j’ai préféré y mettre un terme. »

Mettez-vous à la place des candidats. Si vous étiez dans leur situation, resteriez-vous en poste en ayant l’impression que l’on vous a « menti » ? Lors de l’entretien, si vous vous sentiez comme un énième candidat, et non comme un futur collaborateur, auriez-vous envie de maintenir votre candidature ?

En conclusion, le recrutement est avant tout une rencontre, et encore plus dans les métiers du social et du médico-social, où il est impératif d’être en accord avec les valeurs et le sens de l’action. Il est donc d’autant plus important de cibler ses recherches et de connaître la personne qui va intégrer son équipe car, in fine, il n’y a qu’une seule question qui se posera de part et d’autre, une seule : « Avons-nous envie de travailler ensemble ? »

Notes

(2) Highlander, de Russell Mulcahy (1986).

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