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SoliVet : quand l'accompagnement social inclut les animaux

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Basée en Auvergne-Rhône-Alpes, l'association Solivet aide les structures d'accueil sociales à mieux prendre en charge les propriétaires d'animaux.

Crédit photo Tim Douet
En Auvergne-Rhône-Alpes, SoliVet aide les structures sociales à mieux prendre en charge les propriétaires d’animaux. Des soins vétérinaires à l’éducation canine, en passant par la formation des équipes aux approches comportementales animales, l’association propose une démarche globale. Immersion à Crest, dans la Drôme, où un CHRS et accueil de jour s’est lancé dans l’aventure. Sans regret.

« Je n’ai pas de contre-indication au vaccin contre la rage. » A ces mots, Grolle, 12 ans et demi, file au petit trot vers la porte de sortie. Quelques coups de pattes pour essayer de l’ouvrir. En vain. « Ce n’est rien, tout va bien se passer, reviens ici », lance Nadège, sa maîtresse, d’une voix rassurante. Résignée, la chienne retourne dans l’infirmerie faisant temporairement office de cabinet vétérinaire. La tête entre les mains de Nadège, le museau couvert de bisous, cette border collie croisée dalmatien aux yeux bleu pâle accepte finalement sans encombre la piqûre tant redoutée. Ce matin de septembre, les consultations comme celle-ci s’enchaînent au centre Val’Accueil, à Crest, au cœur du département de la Drôme. L’association SoliVet, se rend environ une fois par mois dans cet accueil de jour et CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion d’urgence) pour mettre en place des permanences d’accès aux soins vétérinaires. Conseils, vaccination, mise à jour des documents d’identité, traitements antiparasites… Les personnes accompagnées propriétaires d’un animal peuvent venir faire soigner leur compagnon ou réaliser un bilan gratuitement, sans prendre rendez-vous. « C’est super, cette initiative », observe Christophe, qui se rend régulièrement sur le site. « Comme Lola a 8 ans et des faiblesses au niveau des hanches, je surveille tout, jusqu’au moindre boitillement, explique le bénéficiaire en désignant sa chienne, allongée tranquillement à ses pieds, un bandana violet noué autour du cou. Aller voir un “vrai” véto, c’est beaucoup trop cher. »

Lire aussi notre interview : Propriétaires de chiens à la rue : « S’appuyer sur la plus-value que représente l’animal »

Ces permanences font partie d’un accompagnement global proposé aux structures sociales par SoliVet. Créée en 2020, l’association, qui exerce principalement en région Auvergne-Rhône-Alpes, entend donner des clés aux professionnels pour mieux prendre en charge les publics avec des animaux. « Beaucoup de personnes en situation de grande précarité choisissent de s’entourer d’animaux de compagnie. Ils leur sont essentiels, car ils rassurent, réconfortent, protègent et recréent du lien social. Pourtant, aujourd’hui, moins d’un centre sur dix accepte d’accueillir un propriétaire de chien », expose en préambule Théo Noguer, directeur et fondateur de SoliVet.

Enjeu omniprésent

Lorsqu’il était en formation, l’apprenti vétérinaire dispensait avec d’autres étudiants des soins gratuits aux animaux de personnes sans domicile fixe dans la métropole lyonnaise. Rapidement, le jeune homme s’est rendu compte que, outre le volet médical et sanitaire, une multitude de problématiques entourait la question de la présence animale dans les structures et lors d’un retour en logement. Aboiements, difficultés à rester seuls, destructions, agressivité, troubles du voisinage, tensions entre bénéficiaires… Les professionnels se retrouvent souvent démunis pour bien accompagner les propriétaires. De ce constat est née SoliVet. L’une de ses principales missions est de former les travailleurs sociaux aux approches comportementales animales. « Nous donnons aux professionnels les outils pour comprendre ce qu’est un chien ou un chat et comment agir avec eux. Nous parlons également de l’aménagement des lieux, des aspects liés de la réglementation. Et enfin nous livrons les bases de la médiation animale », explique Théo Noguer. A Val’Accueil, l’équipe a bénéficié des trois modules de formation, d’une demi-journée chacun.

« Ce sujet s’est imposé à nous. La présence des chiens sur le site avait envahi la question de l’accompagnement, contextualise Thomas Popelin, éducateur spécialisé. Aujourd’hui, on comprend davantage ce qui se joue chez l’animal et d’où peuvent venir les comportements compliqués. Cela nous a aussi permis de mieux appréhender les enjeux de sécurité et de connaître les signaux de mal-être d’un chien. » A la suite de cette formation, l’équipe a modifié son règlement intérieur et réaménagé les lieux. Alors qu’auparavant, les compagnons à quatre pattes étaient censés rester systématiquement au chenil, la structure définit désormais pour chaque animal des modalités différentes. Si des femelles en chaleur ou des chiens ne supportant pas la présence de leurs congénères restent au chenil, d’autres peuvent être en liberté au jardin ou encore attachés en longe devant le portail. Résultat : plus de quiétude et une relation de travail fluidifiée. « Il y a moins de tensions entre les animaux, mais également entre les maîtres, qui s’interpellaient sur les comportements de leurs chiens respectifs. Les aboiements ont diminué et nous n’avons plus de plaintes du voisinage », énumère Thomas Popelin. Il est toutefois interdit aux chiens de passer le portail bleu qui donne accès au lieu de vie et à la cuisine de l’accueil de jour. En plus des questions d’hygiène, l’équipe garantit de cette façon un espace sans présence animale pour les personnes que cela gênerait. « Il est normal de poser des limites, rappelle Théo Noguet, que ce soit sur le nombre d’animaux, la tenue en laisse, le fait de déparasiter… Les centres n’ont pas pour mission de devenir une pension canine. »

Frein à l’insertion

La formation permet également de déconstruire des idées reçues et de lever certains jugements chez les professionnels. « Je me sentais régulièrement démunie face à des situations de maltraitance que j’observais, confie Julie Lamberet, éducatrice spécialisée. Je ne comprenais pas comment on pouvait être aussi proche de son animal et en même temps avoir envers lui un comportement violent. Maintenant, je pose un autre regard sur cette relation et je suis outillée pour répondre de manière plus juste. » Thomas Popelin complète : « Il s’agit de publics qui ont souvent été confrontés à de la violence, au niveau familial, dans leur parcours de rue ou en prison. Tout cela peut se répercuter sur les chiens. Même si c’est parfois difficile, on essaie de nuancer cette approche éducative. On sème des graines. »

Le troisième axe d’action de SoliVet porte sur l’éducation canine. Il s’agit d’accompagner le comportement du chien lorsque le propriétaire amorce un processus d’insertion et trouve un hébergement ou un logement. Pour les animaux qui ont passé l’essentiel de leur vie à la rue, le passage entre quatre murs s’avère souvent rude. Surtout quand le maître s’absente pour des démarches administratives ou commencer un nouveau travail. « Si, en se retrouvant seul, le chien aboie toute la journée dans un hébergement collectif, ce n’est pas jouable, détaille Théo Noguer. Pour que l’animal ne représente pas un frein supplémentaire à l’insertion, nous montons des projets avec des éducateurs canins. »

A Crest, Lisa Bergeret, de la société Namasdog, collabore ainsi avec Val’Accueil et SoliVet. L’éducatrice canine est présente sur les temps collectifs à l’accueil de jour pour être repérée et identifiée par les personnes accompagnées. « C’est important de tisser du lien, il faut gagner la confiance du bénéficiaire pour travailler avec le chien », explique la professionnelle. Aux propriétaires qui le souhaitent, elle propose ensuite des ateliers individuels. Financée par la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), cette initiative a déjà bénéficié à plusieurs duos pour des problèmes de fugues, de destructions ou encore de troubles anxieux à la séparation.

Aujourd’hui, Lisa Bergeret s’entretient avec Romain et Audrey, un jeune couple dont le chien est agressif lors de ses sorties. Le bilan comportemental s’effectue pour le moment sans l’animal, dans un des bureaux du centre. Pendant trois quarts d’heure, Lisa écoute, émet des hypothèses, tord le cou à certains préjugés, égrène des conseils et des suggestions. « Ça me redonne courage de voir qu’il y a encore des pistes, des choses à mettre en place, sourit Romain, très impliqué dans l’éducation de son chien, mais qui se sentait à court de solutions. Sans cette initiative, on n’aurait jamais pu payer ce type de séances. »

Preuve que l’action de SoliVet répond à une demande des acteurs sociaux, l’association a accompagné l’an passé une trentaine d’acteurs (bailleurs sociaux, CHRS, accueils de jour, équipes de maraude, de prévention spécialisée, etc.). Théo Noguer et son équipe travaillent dorénavant à l’ouverture d’une pension canine solidaire près de Lyon, afin que les personnes précaires puissent laisser leur animal le temps d’une hospitalisation ou de réaliser des démarches administratives. « C’est un projet que nous montons sous forme d’atelier-chantier d’insertion, précise le fondateur. Des personnes éloignées de l’emploi, éventuellement avec un parcours de rue, prendront soin des animaux laissés en garde. C’est aussi une façon de boucler la boucle ».

Modèle économique hybride

Une part des financements de SoliVet provient de dons de mécénat, de fondations d’entreprise ou de collectivités territoriales telles que la métropole de Lyon ou celle de Grenoble. S’y ajoutent les prestations facturées aux structures sociales. En ce qui concerne le soin vétérinaire, aucun reste à charge ne pèse sur ces dernières, le coût étant entièrement pris en charge par l’Etat via le réseau Vétérinaires pour tous soutenu par le plan de relance. Les trois modules de formation, d’une demi-journée chacun, sont quant à eux facturés 1 800 € pour un groupe de dix travailleurs sociaux. SoliVet ayant obtenu l’agrément Qualiopi, cela permet aux directions d’inscrire ces modules dans leur plan de formation afin qu’ils soient financés par leur Opco (opérateur de compétences), organisme agréé chargé d’accompagner la formation professionnelle. Concernant l’éducation canine, elle est facturée aux structures 60 € l’heure d’intervention. Très souvent, SoliVet propose des forfaits par propriétaire de chiens autour de 200 €, selon le nombre de séances nécessaires. Les structures financent ce type d’actions avec leurs propres fonds ou bénéficient du soutien de partenaires financiers.

 

Les 3 conseils de Théo

Convaincu que davantage de structures peuvent (mieux) accueillir les personnes accompagnées avec leurs chiens, Théo Noguer, le vétérinaire, délivre quelques prérequis avant de s’engager.

1. Réfléchir aux modalités en équipe.
Il est important de se demander si le chien aura accès aux espaces communs, s’il dormira en extérieur ou à l’intérieur. Il faut avoir anticipé la marche à suivre si le propriétaire ne rentre pas une journée et que le chien est resté dans la chambre. Nous nous battons contre l’idée selon laquelle il est nécessaire d’avoir un chenil extérieur pour accompagner les propriétaires. Cela peut être une solution pour des structures d’hébergement collectif, mais si l’accueil est possible en chambre, il évite de nombreuses difficultés car le propriétaire et le chien seront moins stressés.

2. Commencer petit.
Rien ne sert d’accueillir tout de suite dix propriétaires. Cela ajoute beaucoup de complications, avec potentiellement des problèmes entre chiens. A une structure qui se lance, je recommande de démarrer par un ou deux propriétaires de chiens, puis d’y aller petit à petit.

3. Travailler en réseau.
Il existe beaucoup d’associations dans le secteur de la condition animale. Dans de nombreuses villes, il est facile d’en trouver qui fournissent un peu de croquettes gratuitement, qui participent aux soins vétérinaires, qui délivrent du matériel ou acceptent de garder les animaux.

 

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